Le constat
« Une société qui n’enseigne pas est une société qui ne s’aime pas ; qui ne s’estime pas » écrivait Charles Péguy. Ces mots d’une surprenante modernité semblent vouloir décrire sans concession la situation actuelle de l’école.
Il n’y a pas de civilisation sans culture, pas de culture sans apprentissage ; l’Ecole est le lieu essentiel, privilégié de transmission du savoir, de l’élaboration du sentiment d’appartenance à la Nation, la clé de la cohésion nationale, le moyen pour chaque élève de se construire, de s’approprier la culture nationale, de s’élever socialement et de devenir pleinement un citoyen.
Or, depuis près d’un demi-siècle, l’école vit un véritable naufrage, accentué par les ministres qui ont donné le pouvoir aux pédagogistes et ont placé, dans une vision de court-terme, l’épanouissement immédiat de « l’enfant-roi » et l’égalitarisme, pire ennemi de l’égalité, au centre du système au détriment de l’apprentissage des connaissances, du mérite, de l’élévation sociale.
Des consignes ubuesques ont été données visant à interdire de distinguer les grands auteurs classiques des écrivaillons mais aussi de distinguer les bons élèves aboutissant à l’indifférentialisme destructeur d’aujourd’hui.
Les professeurs ont vu et voient leur autorité sans cesse remise en cause par des élèves dissipés et fauteurs de trouble, à qui le système scolaire trouve toujours toutes les excuses pour justifier l’inadmissible.
A cet abandon de l’exigence se sont greffées des réformes allant à l’encontre de souhait légitime d’une excellence pour tous et suivant une idée maîtresse : unifier les politiques éducatives sous la bannière des « compétences », de façon à éliminer des « savoirs » trop pointus et parfois trop nationaux pour s’accorder aux nécessités du marché. Sur cette base, la rue de Grenelle a d’abord réformé le lycée, puis le collège et le primaire, en allégeant encore les programmes et les horaires, en dissolvant les disciplines dans la tarte à la crème de « l’interdisciplinarité ». Faute d’un vrai accompagnement personnalisé. Faute aussi d’un projet unique et cohérent : élever chacun au plus haut de ses capacités, en ré-instituant la primauté des deux valeurs essentielles, travail et transmission.
La logique au fil de l’eau mise à l’œuvre ces dernières années doit être remplacée par une logique annuelle, avec des objectifs clairs qui permettront de repérer précocement les difficultés. Une insuffisance en lecture repérée en CP peut être traitée par le rattrapage en tout petits groupes. Reportée sur les années suivantes, elle devient une haie infranchissable et amène à l’échec global.
C’est par la transmission la plus exigeante des savoirs que l’on peut commencer à restaurer l’instruction civique et morale et non en l’enseignant ex cathedra. La laïcité, apprentissage des Lumières, de l’esprit critique et du libre examen doit à cet égard être le cœur de l’école.
Une autre tendance actuelle consiste à régionaliser et autonomiser le plus possible les établissements. Ceci aboutit à une inégalité territoriale, en rupture complète avec le principe d’égalité républicaine. Ce sont ainsi les zones rurales et les banlieues qui ont le plus souffert des réformes successives des rythmes scolaires.
Il faut au contraire que l’Etat donne des lignes directrices claires et constantes et que ses représentants locaux veillent à l’unité de l’offre d’enseignement. Hors de ce cadre général essentiel, il faut faire confiance aux équipes pédagogiques et aux enseignants. Les programmes ne doivent plus être imposés par des prétendus experts. Il est inconcevable, bien que significatif, qu’ils soient définis en l’absence de tout enseignant des niveaux concernés. Quant au soutien aux élèves en difficultés, aux cursus temporaires, il est évident que ce sont les enseignants, en prise directe avec leurs élèves, qui doivent en fixer les modalités.
Rappelons que, à l’école, les parents ont toute leur place, mais rien que leur place, dans la mesure où ils sont chargés d’éduquer leurs enfants et de veiller à leur comportement. En revanche, ils ne doivent pas avoir de droit de regard sur les enseignements ou les modalités de contrôle des connaissances – pas plus qu’ils n’en ont à l’hôpital sur les soins.
C’est en imposant une vraie rigueur, dans la discipline comme dans la transmission des savoirs, que nous parviendrons rendre à chacun toutes ses chances.
Réfutons enfin fermement toutes les théories fumeuses (mouvance dite « woke ») importées des Etats-Unis qui menacent l’équilibre des plus jeunes.
Malgré leurs défauts, les classements internationaux qui attestent une baisse de niveaux de nos enfants en primaire et dans le secondaire ne peuvent être écartés d’un revers de la main. D’ailleurs le ministère reconnaît aujourd’hui cette chute comme le montre son enquête sur la dégringolade orthographique de nos écoliers sur trente ans (lors de la même dictée élémentaire 17,8 fautes en 2015, contre 14,3 en 2007 et 10,6 fautes en 1987). L’étude internationale TIMMS, publiés en décembre 2020 montrent que les petits Français de CM1 affichent les pires résultats en mathématiques de toute l’Union européenne. Leurs camarades de classe de 4e font à peine mieux puisqu’ils se retrouvent avant-derniers.
Les enfants des familles populaires pâtissent le plus de cette déréliction : ils représentaient 20% des élèves des grandes écoles en 1965, contre 9% en moyenne aujourd’hui. Quant aux classes moyennes, elles se tournent lorsqu’elles le peuvent vers le privé…
Alors que l’enjeu est capital parce qu’il touche à l’avenir de nos enfants et de la nation, comme à la stabilité de la société, aucun gouvernement, par peur de heurter les corporatismes, n’a osé s’attaquer véritablement aux causes de l’échec. Il ne s’agit pas des enseignants, mais d’une minorité agissante, en l’occurrence celle de quelques syndicats, de l’administration de la rue de Grenelle et de Bercy, qui impose sa loi à la majorité silencieuse !
Enfin, alors que la réindustrialisation de notre pays est essentielle et constitue un axe fort de notre projet présidentiel, entre 300 000 et un million d’emplois ne sont pas pourvus, à cause d’une part d’un écart insuffisant entre les aides sociales et les bas salaires mais aussi parce que l’orientation vers les voies professionnelles et technologiques est trop souvent considérée comme un échec. Or le volontarisme en matière industrielle et technique ouvrira de nombreux emplois et rendra encore plus nécessaire une revalorisation des filières professionnelles. La politique de M. Blanquer consistant à limiter les places en lycées techniques et professionnels car la scolarisation en voie générale coûte beaucoup moins cher est une politique du chien crevé au fil de l’eau avec laquelle nous sommes en totale opposition.
Il y a urgence : il faut une politique radicalement différente en matière d’instruction publique, la faire reposer sur une grande et belle idée, remettre debout l’école de la République, en la déclinant sur quatre piliers simples.
- Donner la priorité aux savoirs fondamentaux
- Revaloriser les voies professionnelles et technologiques pour anticiper les besoins du Fabriqué en France
- Restaurer l’autorité des professeurs et la confiance en l’institution scolaire
Revaloriser le métier d’enseignant et mieux former les jeunes professeurs
Nos 40 mesures
Donner la priorité aux savoirs fondamentaux
- Fixer comme objectif minimum que chaque élève maîtrise la langue française, la lecture, l’écriture d’un texte simple et les quatre opérations de base de l’arithmétique en quittant l’enseignement primaire où seront augmentées les heures consacrées au français (avec passage de 9 à 15 heures hebdomadaires) et aux mathématiques.
- Encourager l’apprentissage de la lecture par la méthode alpha-syllabique.
- Mettre en place un bilan des acquis à la fin du primaire avec mise à niveau obligatoire pour les élèves qui ne maîtrisent pas encore le B.A.-BA de la lecture, de l’écriture, de la grammaire et des quatre opérations de calcul et n’autoriser le passage au collège qu’après acquisition des savoirs fondamentaux.
- Repérer dès le départ les enfants de maternelle et du CP ayant besoin d’heures de soutien supplémentaires et Développer l’accompagnement personnalisé des élèves en difficulté.
- Augmenter significativement la part des exercices d’apprentissage par cœur (poésies, leçons…) de l’école primaire jusqu’au baccalauréat et revenir à l’exercice de la dictée.
- Renouer avec la notation chiffrée, qui a cessé d’être la norme au profit d’une évaluation par « compétences » approximative, inutile et injuste.
- Supprimer définitivement l’enseignement d’initiation aux langues étrangères (EILE), avatar de l’enseignement des langues et des cultures d’origine (ELCO) dont le nom avait été changé par le gouvernement en 2020 pour faire croire qu’il luttait contre l’islamisme au sein de l’école. Quelle que soit son appellation, le dispositif va à l’encontre de l’assimilation des enfants à la Nation
- Mettre fin aux interventions d’associations politisées dans les établissements scolaires afin de faire respecter les principes de neutralité philosophique et politique de l’Ecole
- Refaire du baccalauréat l’examen de l’éducation républicaine par excellence. Les épreuves écrites retrouveront leur juste place, avec une dose d’examens oraux appropriée. Cet examen est au sommet du parcours de l’école de la République, il doit récompenser le travail des candidats comme être un gage de qualité des postulants pour les institutions du supérieure.
- Rétablir et développer les internats d’excellence et les bourses au mérite qui ont prouvé leur efficacité pour les élèves des milieux sociaux défavorisés qu’ils soient urbains ou ruraux. Il est essentiel que la société permette à chaque jeune de poursuivre ses études, selon ses capacités, ses goûts et ses résultats, par les moyens les plus justes et les mieux adaptés.
- Généraliser les internats, en liaison avec les collectivités territoriales. C’est là une exigence d’égalité, notamment entre les élèves dont les familles habitent en zones rurales et les autres, et une condition de réussite pour beaucoup de jeunes dont le contexte familial ou l’environnement immédiat se révèlent peu propices à l’étude.
- Restaurer une pratique raisonnée du redoublement pour donner la chance aux enfants en difficulté d’acquérir ou de consolider les bases, notamment en CP.
- A l’école primaire, limiter strictement l’usage du numérique : restreindre l’usage des Technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE) au seul cours moyen.
- Supprimer les modules sans contenus précis dont les Enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) constituent l’archétype, ce qui permettra de dégager du temps pour des enseignements beaucoup plus importants.
- Assurer l’égalité républicaine de l’enseignement en maintenant les programmes nationaux, en apportant des moyens supplémentaires aux territoires défavorisés et en instaurant un moratoire sur les fermetures d’écoles en milieu rural
- Rétablir la clarté de l’affectation post-bac en revoyant le fonctionnement de la plateforme Parcours Sup.
Revaloriser les voies professionnelles et technologiques pour anticiper les besoins du Fabriqué en France
- Revaloriser les filières techniques et professionnelles en insistant particulièrement sur la noblesse et l’utilité des métiers dits manuels.
- Favoriser la venue d’artisans et de professionnels, à l’école primaire, ainsi que dans les collèges et lycées, pour présenter leur métier.
- Investir dans le matériel des lycées techniques et des lycées professionnels
- Faire de l’Apprentissage par alternance une cause nationale : 70 % des apprentis trouvent un emploi en moins de 6 mois : il faut viser 1 million de contrats, soit un doublement des effectifs actuels
- Diversifier l’offre nationale en l’adaptant aux technologies et métiers nouveaux et augmenter ainsi l’attrait des filières techniques et professionnelles.
- Revenir sur la diminution du volume horaire des disciplines générales en lycée professionnel et y maintenir un enseignement général indispensable pour restaurer l’ascenseur social
- Généraliser les passerelles entre les trois voies : aucune voie ne doit apparaître comme une impasse
- Mettre en place une sécurité professionnelle par le biais d’un crédit d’études et de formations pour les élèves qui ont quitté tôt le circuit scolaire et qui souhaitent reprendre des études ou s’orienter vers certaines professions. Il s’agit véritablement de donner une seconde chance à des populations ayant connu des accidents de la vie dans leur jeunesse de se former et de ne pas les laisser sans solution
- Créer un Service National pour l’Emploi (SNE) d’un an pour les décrocheurs (jeunes entre 18 et 25 ans, sans diplôme) de l’Education nationale, avec une proportion importante de formations professionnelles sur le modèle du service militaire adapté mis en place Outre-Mer et qui est un indéniable succès.
Restaurer l’autorité des professeurs et la confiance en l’institution scolaire
Sans autorité, sans discipline dans les salles de classe, les élèves ne peuvent se concentrer, apprendre les fondamentaux, s’émerveiller de la beauté de la découverte et du plaisir d’apprendre que leur offre l’école de la République. Aussi, l’une des principales urgences, concernant l’école, doit-elle être la restauration de l’autorité de l’enseignant, autorité qui n’a rien à voir avec l’autoritarisme, avec lequel souvent on la confond pour mieux la déligitimer. Le retour de la discipline scolaire comprise comme l’ensemble des règles nécessaires au bon fonctionnement de l’institution républicaine d’enseignement s’impose, aujourd’hui, comme une nécessité vitale.
- Faire du harcèlement scolaire une grande cause nationale : exclure les élèves coupables de harcèlement et rendre possible la suspension des allocations familiales de leurs parents.
- Sensibiliser les élèves aux dangers de l’usage abusif des réseaux sociaux et appliquer enfin, au primaire et au collège, l’interdiction de l’utilisation des téléphones portables qui date de 2018 mais n’est pas respectée
- Instaurer la « tolérance zéro » face aux incivilités scolaires, en mobilisant toute l’échelle des sanctions prévues. Simplifier les procédures d’exclusion pour faits de violence – y compris verbales – et assurer la protection des personnels dans l’exercice de leur métier.
- Poursuivre la création d’établissements spécialisés, en internat et avec mesures de sécurité renforcée, afin d’y accueillir les exclus définitifs. Éloignés de leur entourage pendant au moins un an, ils devront faire leurs preuves avant un retour dans un établissement normal.
- Réaffirmer l’interdiction absolue de l’écriture inclusive, destructrice de la langue et donc de l’unité nationale.
- Etendre, dans la perspective d’un strict respect du principe de laïcité, de la façon la plus résolue et la plus claire, l’interdiction de porter des signes religieux à l’ensemble de la communauté éducative ainsi qu’à toute personne accompagnant les activités organisées par les établissements, même si elles se déroulent à l’extérieur de ces établissements.
- Apprendre les règles élémentaires de respect, de politesse et de civilité et confirmer le vouvoiement obligatoire des élèves envers les enseignants
- Rendre obligatoire le dépôt d’une plainte par la hiérarchie en cas d’atteinte à un fonctionnaire ou de délit commis par un élève ou parent et instaurer un droit de retrait renforcé au cas où un élève ou un parent menace ou agresse un fonctionnaire, si la hiérarchie n’a pas pris de mesures appropriées à la suite du rapport.
- Instaurer le principe de la souveraineté du conseil de classe qui s’appliquera, en particulier, pour le passage au niveau supérieur de l’élève et pour la détermination de son orientation. Le recours en appel doit être maintenu pour permettre de porter à la connaissance du conseil des éléments dont il aurait pu ne pas disposer mais ne saurait remettre en question le fait que la décision définitive échoit au conseil de classe.
- Conditionner le versement des allocations familiales à l’assiduité scolaire et sensibiliser les familles aux obligations de leur enfant en milieu scolaire lors d’une réunion ou entretien de rentrée auquel un représentant légal sera tenu d’assister.
- Donner la possibilité à un établissement, en accord avec l’institution scolaire, de décider du port de l’uniforme dans le primaire et au collège.
- Verser l’allocation de rentrée scolaire (ARS) sous forme de bons d’achats proportionnés aux revenus des familles, de façon à ce que cette allocation serve réellement à l’achat des fournitures scolaires.
Revaloriser le métier d’enseignant et mieux former les jeunes professeurs
Une conception erronée et démagogique des rapports entre enseignants et enseignés a prétendu inverser le lien naturel entre celui qui dispense le savoir, le « maître », et celui qui le reçoit, l’ « élève », pour faire de l’enseignant « l’élève de ses élèves ». Cette conception pédagogiste délirante a, tout au long de dizaines d’années, fini par miner l’autorité naturelle des maîtres qui font face à des actes d’hostilité et de violence de plus en plus inquiétants. Afin de permettre à l’institution scolaire républicaine de fonctionner normalement, il convient donc de replacer l’enseignant au cœur du dispositif scolaire d’instruction publique en revalorisant son statut
- Revaloriser les salaires des professeurs en deux pans : 20% d’augmentation automatique pour tous les professeurs, et 20% supplémentaires en contrepartie d’heures de soutiens scolaires auprès des élèves en difficulté.
- Revenir sur la réforme du concours du CAPES qui allège les exigences en matière de connaissances au profit de prétendues aptitudes pédagogiques, ce qui vise à faire des enseignants des éducateurs aux savoirs beaucoup moins solides et étendus.
- Repenser l’affectation des enseignants afin que les débutants ne soient plus systématiquement placés dans les établissements les plus difficiles et que des enseignants expérimentés et volontaires épaulent ceux qui s’y trouvent, pour une durée déterminée et contre une prime significative.
- Réformer le fonctionnement des INSPE et en chasser l’idéologie pédagogiste.
- Réformer la formation des enseignants du premier degré en réinstaurant des écoles normales d’instituteurs dont le concours d’entrée sera accessible à l’issue d’une licence pluridisciplinaire. La formation sera de deux ans en alternance (tiers-temps la première année, mi-temps la seconde) et la préparation du concours encouragée par un système de bourses spécifiques
- Mettre en place des programmes de reconversion pour les enseignants qui souhaitent renoncer à l’enseignement.