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Lors de ce week-end de Pentecôte, ce sont bien des millions d'automobilistes qui vont être rackettés par les sociétés d'autoroute, une nouvelle fois. Depuis leur privatisation en 2006, ces sociétés profitent de leur situation de monopole, avec la bénédiction des gouvernements, pour augmenter sans cesse les tarifs au détriment des usagers.
J’avais dénoncé à l’époque le prix de vente en 2006 de 14,8 milliards d’euro, sous-évalué au minimum de 10 milliards selon la Cour des comptes, pour une opération qualifiée même « d’absurde » par le Financial Times.
Aujourd’hui, les autoroutes rapportent deux milliards d’euros de profits annuels (jusqu’à 25% de rentabilité !), spoliant le porte-monnaie des Français pour renflouer celui des actionnaires.
Comble du comble, le rapport de l’Autorité de la Concurrence (Septembre 2014) démontre que l’État a privatisé les autoroutes au moment même où leur rentabilité a commencé à croître fortement jusqu’à atteindre les niveaux actuels !
Ce rapport montre également que les bénéfices de ces sociétés ont doublé depuis 2004 et que la politique de distribution des dividendes a radicalement changé après la privatisation.
Alors que ces sociétés d’autoroute distribuaient en moyenne 56 % de leurs bénéfices à leurs actionnaires entre 2003 et 2005, cette part a atteint 136 % en moyenne les huit années suivantes. Elles ont donc, globalement, distribué à leurs actionnaires plus que la totalité de leurs bénéfices ! Elles privilégient ainsi l'endettement à l'autofinancement pour leurs nouveaux investissements, endettement scandaleusement financé par les Français !
Or, il est nécessaire de rappeler qu’à l'instar de tous les moyens de transport, ceux-ci devraient être au service de l’intérêt général et non au service de quelques intérêts particuliers.
Bref, les sociétés concessionnaires privées exploitant les autoroutes (construites depuis 60 ans avec l’argent du contribuable) s’inquiètent prioritairement de leur profitabilité tout en cherchant à oublier les servitudes de service public liées à leur activité. Tout pour l’actionnaire, rien ou le moins possible pour le consommateur !
Le Parti socialiste joue d’ailleurs un double jeu sur ce sujet. Opposé à cette privatisation en 2006, il a depuis capitulé en rase campagne.
La vraie question était de savoir si le gouvernement socialiste oserait s'opposer aux grands groupes détenant les concessions d'autoroutes. Comme sur beaucoup d’autres sujets, il a renoncé. Le gel des tarifs des péages des autoroutes en 2015 n’est qu’un pansement provisoire de plus qui maintient un système insupportable, car la hausse reprendra en 2016.
Exiger de ces sociétés un tarif juste est insuffisant tant elles affichent une rentabilité exceptionnelle qui ne se justifie ni par leurs coûts ni par les risques auxquels elles sont exposées.
Et le résultat est toujours là : la hausse continue des prix des péages incite beaucoup d’automobilistes à privilégier les routes nationales avec les conséquences que l’on connaît : davantage d’insécurité, allongement de la durée des trajets, pénibilité accrue, temps de vacances perdu, stress plus grand.
Tout ceci ne peut plus durer. Si le scandale du racket autoroutier est insupportable en soi, il dépasse toutes les bornes en période de crise, à l’heure où chacun (surtout les moins favorisés) est appelé à se serrer la ceinture.
Il faut réclamer la renationalisation immédiate du réseau autoroutier. Le prix de rachat par l’Etat des sociétés d’autoroutes doit être au prix exact auquel elles ont été vendues, diminué des recettes perçues depuis cette date.
Ces autoroutes renationalisées, l’Etat pourra en fonction de l’amortissement des différents tronçons rendre aux Français soit par la gratuité des autoroutes le week-end, soit par la baisse des tarifs, une grande partie de la rente.
Nicolas Dupont-Aignan
Député de l’Essonne
Président de Debout la France