Ces dernières semaines, à la suite de déclarations de Mr Blanquer concernant un plan contre les violences scolaires qui tarde à être dévoilé, les commentaires des médias se sont focalisés sur la possibilité de suspendre le versement des allocations familiales pour les parents d’enfants violents.
Aussitôt annoncée, cette mesure a été qualifiée d’inefficace et d’injuste par certains représentants de fédérations de parents d’élèves et de syndicats.
Mais comment peut-on porter un tel jugement lorsqu’on ignore dans quel contexte il est prévu de l’appliquer ? C’est voir les choses par le petit bout de la lorgnette et avec les œillères de l’idéologie.
Situons donc les choses dans leur contexte et rendons justice à Mr Blanquer de traiter le problème dans un cadre interministériel regroupant l’Éducation Nationale, la Justice et l’Intérieur.
Nous pensons même que cette question de la violence n’est que l’aboutissement d’un processus plus large de dégradation de la vie en société et de l’autorité qui commence souvent dès la petite enfance, et qu’à ce titre il est essentiel d’y associer une politique de prévention et d’aide à la parentalité impulsée par le ministère de la Famille. En effet, nombreux sont aujourd’hui les parents incapables de s’opposer aux caprices d’un enfant de deux ans “éduqué” devant la télévision ou une tablette, ce qui augure mal de la suite …
Lutter contre la violence et contre toutes les formes de délinquance en milieu scolaire, restaurer le respect des personnels et des autres élèves ainsi que l’autorité des professeurs, tout cela concourt à un même objectif qui est d’instaurer un climat de travail dans les établissements scolaires, condition nécessaire au redressement de l’École.
Rétablir un tel climat suppose d’abord de nommer dans chaque établissement du second degré un responsable unique ou “superviseur” auquel seront déléguées les questions de sécurité et de discipline sous l’autorité du chef d’établissement, comme nous l’indiquions le 24 octobre dernier après l’agression de Créteil.
Ce superviseur, cadre relevant du ministère de l’Instruction Publique, sera issu de la police ou de la gendarmerie et disposera d’une habilitation d’Officier de Police Judiciaire (OPJ). Il sera dans chaque établissement le relais de la volonté du ministre d’établir un climat de travail, volonté qui sera mise en œuvre par l’intermédiaire d’un corps d’inspection national. Les superviseurs nommés en collège mèneront également des actions de soutien auprès des directeurs d’écoles primaires situées dans leur secteur. Bien entendu, chaque superviseur sera assisté par des personnels de “vie scolaire” et travaillera en liaison avec les enseignants.
Venons-en maintenant aux allocations familiales. L’objectif prioritaire est de responsabiliser les parents pour les amener à agir rapidement en concertation avec l’école dès que leur enfant pose des problèmes. Ainsi, en cas d’absence non justifiée ou de comportement violent d’un élève, le superviseur convoquera les parents. Si toutefois les parents refusaient de se rendre à l’entretien ou ne montraient aucune volonté sérieuse de résoudre les problèmes posés par leur enfant, sa qualité d’OPJ lui permettra d’apprécier s’il y a lieu de constater une contravention et d’infliger une amende forfaitaire. Celle-ci pourra être retenue sur les allocations familiales, ces dernières pouvant par ailleurs être totalement suspendues e en cas de manquement grave (harcèlement, absentéisme).
Bien évidemment, la prévention et le dialogue sont à privilégier, et le superviseur recherchera avec les parents des solutions. Par exemple une étude surveillée après la classe (voire même aussi des activités culturelles au sein de l’établissement) permettant d’éviter qu’un élève “traîne” le soir avant le retour de ses parents, ou bien un placement en internat s’il s’avère que c’est le seul moyen de soustraire un élève à des influences néfastes. Le superviseur informera le maire de la commune (et le président du conseil général) afin d’envisager des mesures hors temps scolaire.
L’intention n’est donc en aucun cas de “punir” les familles mais de rappeler les droits et les devoirs de chacun dans l’intérêt de l’enfant et la société.
Rappelons qu’en cas d’exclusion définitive nous préconisons la création d’établissements spécifiques pour les élèves exclus. Ces établissements seront situés en dehors des zones urbaines afin que les élèves concernés soient scolarisés à plus de 100 km de leur domicile. Après au moins une année scolaire passée dans un tel établissement, l’élève dont le comportement le justifie pourra être réintégré dans un établissement ordinaire, nécessairement différent de celui dont il a été exclu. Bien entendu, les frais d’internat seront à la charge des parents et pourront être prélevés sur les allocations familiales.
Enfin, dans les cas les plus graves il existe déjà une arme ultime puisqu’en sa qualité d’OPJ le superviseur pourra demander au parquet de poursuivre les parents défaillants sur la base de l’article 227-17 du code pénal: «Le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
L’infraction prévue par le présent article est assimilée à un abandon de famille pour l’application du 3° de l’article 373 du code civil.», ce qui signifie que les parents peuvent éventuellement se voir retirer l’autorité parentale.
Les moyens juridiques existent donc déjà (on pourrait aussi citer l’article R624-7 du code pénal concernant l’absentéisme), mais sont rarement mis en œuvre en raison de la lourdeur des procédures.
Ce qui manque, c’est la capacité à mettre en œuvre rapidement des solutions au sein de l’établissement sans qu’il soit besoin de saisir l’inspection académique, laquelle devra néanmoins être informée et pourra intervenir en soutien dans les cas difficiles.
En résumé, notre volonté de lutter contre la violence scolaire doit se traduire par une action exercée au plus près du terrain par un superviseur chargé d’appliquer dans chaque établissement la politique définie par le ministre.
La violence et la délinquance des mineurs ne peuvent certes pas être traitées uniquement au sein de l’École, mais beaucoup de choses peuvent être tentées dans ce cadre avant de devoir faire appel à la justice. Ce sera l’une des attributions du superviseur, responsable de la sécurité et de la discipline dont l’autorité résultera d’une expérience confirmée dans la police ou la gendarmerie, de son habilitation comme Officier de Police Judiciaire et de sa position hiérarchique élevée au sein de l’établissement. Sa proximité avec les élèves, sa capacité à agir en direction des parents et sa connaissance des différents dispositifs de lutte contre la délinquance lui permettront d’agir plus efficacement et plus rapidement que les lourds dispositifs actuels dont l’usage devrait être réservé aux cas les plus difficiles.
Il ne s’agit donc nullement de judiciariser les relations avec les familles, mais de disposer des moyens pour faire respecter l’École afin que s’instaure un dialogue constructif avec des familles en perte de repères, dans une perspective donnant la priorité à la prévention. La retenue éventuelle d’amendes sur les allocations familiales constituera l’un des outils susceptibles d’être employés pour faire respecter l’autorité.