Comme nous ne cessons de le dire depuis son arrivée à la tête du ministère de l’Education nationale, Vincent Peillon porte les pires atteintes à la méritocratie républicaine sous couvert de la renforcer. Il nous en livre une nouvelle preuve depuis quelques jours avec ses propositions concernant la rémunération des professeurs des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE).
Il s’agit de réduire du jour au lendemain la rémunération de la plupart de ces enseignants de 10 à 20 % et d’augmenter la charge d’enseignement des autres dans les mêmes proportions sans aucune contrepartie financière… en d’autres termes dans un cas de faire travailler autant pour gagner moins et dans l’autre de faire travailler plus pour gagner autant. Quelle catégorie professionnelle pourrait l’accepter ?
Le ministre nous dit que son but est de redéployer les moyens pour mieux rétribuer les enseignants des zones d’éducation prioritaire, ce qui revient à déshabiller Pierre pour habiller Paul.
Derrière cette mesure, il faut évidemment voir la grande détresse financière du ministère et plus largement de l’ensemble des services de l’Etat mais aussi une forme de démagogie, peut-être même la volonté de livrer des boucs émissaires à la colère populaire. Sur ce dernier point, nous n’incriminons pas forcément le ministre mais certains de ses conseillers et des responsables syndicaux qui gravitent autour de lui.
Entendons-nous bien ! Nous sommes les premiers à critiquer la formation des élites ainsi qu’un entre-soi proprement insupportable et nous publierons dans quelques mois une étude qui montrera l’ampleur des dégâts dans une perspective historique, sociologique et politique. Nous sommes également les premiers à dire qu’il faut repenser notre système dual de l’enseignement supérieur. Ce n’est pas pour autant qu’il faut tuer la poule aux œufs d’or et faire disparaître les bijoux de famille !
On se trompe en effet ici de cible. Les professeurs de classes préparatoires ne sont pas des privilégiés au regard de leurs études, de leur compétence, de leur charge de travail (en particulier en préparation de cours, en correction de copies, en colles et en accompagnement personnalisé des élèves) et de leur dévouement au service de l’Etat. Que représente leur traitement au regard de leur utilité sociale ? Dans un souci de cohésion nationale, nous n’irons même pas jusqu’à comparer ce qu’eux-mêmes et d’autres moins méritants ou moins utiles coûtent à la collectivité.
Comme toutes les études le montrent, nous rappellerons en revanche que les CPGE sont d’importants vecteurs de l’ascenseur social avec des proportions élevées de boursiers, dépassant même localement le tiers des élèves. Les professeurs y prennent leur part.
S’il aboutit, ce projet coupera quelques têtes supplémentaires qui dépassent, portera une grave atteinte à la méritocratie républicaine et nivellera un peu plus notre société vers le bas.
La France a besoin d’élites mais d’élites plus ouvertes et plus diverses, refusant toute forme de pensée unique. Il se trouve que les CPGE y contribuent bien davantage que d’autres lieux de formation.
C’est pourquoi nous demandons au ministre de renoncer à son projet.
Eric Anceau, délégué national à l’Assimilation et à la Cohésion nationale