En février 2015, l’Union syndicale des magistrats a publié un livre blanc dénonçant les conditions de travail de la justice. Par la suite la situation ne s’est pas améliorée. En 2021, le décès de la vice-présidente du tribunal correctionnel de Nanterre (durant une audience) a particulièrement ému le monde judiciaire. En novembre, une tribune était publiée (signée par 7555 magistrats et greffiers) soulignant la paupérisation de l’institution. En janvier 2022, François Molins (Procureur général près la Cour de Cassation) évoquait des “conditions de travail intenables” et un « manque structurel de moyens » (propos qu’ Eric Dupond-Moretti, osait qualifier d’odieux).
Pour répondre à la contestation, des États généraux ont été organisés, une concertation à laquelle pouvaient participer citoyens et acteurs de la justice. Un plan d’action comportant une soixantaine de mesures a été présenté le 5 janvier 2023.
-+ 7,5 milliards sur 5 ans :
Un effort budgétaire dont la répartition n’est pas précisée. Renforcement des moyens ? Revalorisation des carrières ? Opérations immobilières accompagnant des fusions de juridictions ?
– +1500 magistrats d’ici 2027:
Selon les syndicats il faudrait 5000 magistrats en plus pour que la justice fonctionne dans des conditions normales (malgré un ratio effectif/population qui demeurerait inférieur à celui des états voisins comparables). La mesure impliquerait aussi de doubler les effectifs en formation, ce que les capacités actuelles d’accueil de l’ENM ne semblent pas permettre. De plus, ces renforts ne seraient en fonction que d’ici 2030 (la formation des magistrats durant 31 mois).
-+1500 greffiers:
Un objectif inatteignable lorsque du fait du manque d’attractivité, 10 % des postes actuels sont vacants.
-+15 000 places de prison :
Le candidat Macron 2017 avait déjà pris cet engagement. Depuis seulement 2000 nouvelles places ont été créées.
– Des mesures de réorganisation/simplifications suscitent aussi des interrogations.
Les Tribunaux des affaires économiques (qui remplaceront les tribunaux de commerce avec des compétences élargies) nécessiteront davantage de juges professionnels.
Les Cours criminelles (en charge des crimes passibles de 15 à 20 ans de réclusion) seront formées avec 5 juges professionnels (2 de plus que les cours d’assises).
De procédures civiles amiables nouvelles supposent l’implication des avocats alors que leur nombre est faible (pour 100 000 habitants 99,9 en France contre par exemples 198,9 en Allemagne et 142,4 en Turquie).
Ce plan produirait éventuellement des effets à long terme, alors qu’il y a urgence. Les professionnels du droit méritent mieux que des déclarations d’intention. Les justiciables doivent pouvoir compter sur une justice apte à répondre rapidement à leurs demandes. Avec Nicolas Dupont-Aignan nous avions proposé des mesures concrètes pour améliorer les conditions de fonctionnement d’une justice au service de nos concitoyens.
Mais pour l’heure chacun peut constater la poursuite de la dégradation (suppression d’audiences, le 23 janvier faute de pouvoir remplacer un magistrat malade suspension/report du procès de djihadistes ayant projeté un attentat en 2017, allongement continuel des délais). Lors des audiences de rentrée de ce début d’année, demeurait au centre des discours, le malaise de cette justice à bout de souffle.
Bruno Grangé
Délégué National à la Sécurité