Après avoir concocté une dérisoire réforme bancaire, puis s’être opposé au projet « excessif » (sic) de la Commission Européenne sur la taxe Tobin, le gouvernement vient de mettre 25 milliards de plus à la disposition des banques. Et si l’ennemi de la finance était en fait son meilleur ami ?
Et 25 milliards de plus !
Ce nouveau projet est proprement hallucinant : pour améliorer leurs ratios financiers, les banques ont obtenus un transfert de 25 milliards d’euros de liquidités en provenance du livret A, du LDD et du LEP. Pire, le lobby bancaire, jamais satisfait, et qui en demandait deux fois plus, se dit frustré par un texte qu’il juge « très en deça des enjeux », comme le rapporte le Monde. Il faut dire que l’Etat a eu l’audace de demander quelques comptes aux banques contre cet argent, chose qu’elles n’aiment pas faire, comme le rapporte Henri Emmanueili, président de la Commission de Surveillance.
Ce qui est incroyable, c’est que personne ne fait le parallèle avec le dérisoire plan d’investissement du gouvernement. En effet, alors qu’il accorde 25 milliards aux banques, en une seule fois, il n’a accordé que 12 milliards sur 10 ans, soit 1,2 milliard par an (0,06% du PIB, 0,3% des investissements annuels), 20 fois moins pour les investissements que pour les banques ! Pourtant, cet argent aurait pu être utilisé pour le plan d’investissements. Naturellement, Bercy explique que cela « permettra de faire face à la reprise attendue de l’économie. Les banques auront des obligations d’emplois des fonds ».
L’ami de la finance
Mais quel crédit accordé à François Hollande et Pierre Moscovici. Juste après avoir fait de la finance son ennemi, le candidat s’en était allé à Londres pour rassurer le monde bancaire et bien indiquer qu’il n’y avait « pas de crainte à avoir » ! Et c’est bien ce que l’on constate depuis qu’il est arrivé au pouvoir. Certes, après quelques péripéties, la taxe à 75% sera partiellement mise en place, mais ce sera juste pour deux ans, et sans doute avec des possibilités d’y échapper. En outre, sur l’ensemble des dossiers bancaires et financiers, le gouvernement suit docilement le lobby bancaire.
La loi de réforme bancaire est bien une loi d’ami plus que d’ennemi. Devant la commission parlementaire des finances, le président de la Société Générale a admis que le projet n’aurait d’impact que sur moins d’1% de son activité. Le projet de séparation des banques en deux, héritier du Glass-Steagall Act de Franklin Roosevelt, est un lointain souvenir, ce que Nicolas Dupont-Aignan avait dénoncé en décembre dernier. Et dernièrement, Pierre Moscovici a jugé « excessif » le timide projet de taxe sur les transactions financières de la Commission Européenne, guère hostile aux banques.
Le tonneau des Danaïdes
Mais ce qui est aussi incroyable, c’est l’immensité des sommes qui ont déjà été données aux banques depuis le début de la crise. Comme le rapporte le Figaro, le sauvetage de Dexia nous a déjà coûté 6,6 milliards d’euros. Les banques privées ont récupéré la bagatelle de 120 milliards de dépôts grâce à la fin du monopole des caisses d’épargne et de la Poste sur le livret A. Il ne faut pas oublier les sommes du MES, dont une partie est allée au sauvetage des banques espagnoles et surtout, les 1000 milliards prêtées par la BCE aux banques (soit 200 milliards au nom de la France) !
Tout ceci pose un double problème. Tout d’abord, il est révoltant de voir les sommes considérables prêtées aux banques pour les sauver d’elles-mêmes alors que le reste de la société est soumis à une austérité sévère. Chaque jour voit son lot d’annonces de réductions de dépenses ou d’aides ou de hausses d’impôt. Les banques, elles, continuent à se goinfrer. Ensuite, il est scandaleux que si peu soit fait pour réformer la finance, qui continue à en profiter pour distribuer des revenus indécents à ses dirigeants et ses traders. Pourtant, ce ne sont pas les propositions de réformes qui manquent.
Il est révoltant que le gouvernement donne 25 milliards de plus des livrets d’épargne des Français pour les banques. Cet argent doit être utilisé pour l’intérêt général et notemment les PME. Nous avons besoin d’une vraie réforme bancaire, comme l’avait faite Roosevelt, et comme NDA l’avait proposée en 2012.
Laurent Pinsolle
Membre du Bureau national de DLR
Délégué national à l’Equilibre des Comptes publics et au Patriotisme économique