Tribune publiée sur le site du Figaro.fr – Figaro Vox
Le président de Debout La République prédit la disparition de la droite telle que l'incarnent aujourd'hui l'UMP et l'UDI.
Nicolas Dupont-Aignan est président de Debout la République (DLR), maire d'Yerres (Essonne) depuis 1995 et député depuis 1997. Il a été candidat à l'élection présidentielle de 2012.
La droite est en crise. Paradoxalement, jamais elle n'aura été aussi dominatrice sur le terrain des valeurs et jamais elle n'aura été aussi affaiblie sur le double plan électoral et organisationnel. Toutes les élections perdues ou presque, des appareils partisans en crise, décrédibilisés comme jamais, concurrencés par le FN et la reconstitution des partis centristes dissous. La droite s'est reniée en jetant dans le caniveau sa boussole, la nation – que s'est empressé de ramasser le FN, à son plus grand bénéfice.
Qu'on ne s'y trompe pas, il ne s'agit pas seulement d'un abandon dans les discours, mais avant tout dans les actes: depuis la présidence Giscard, tous les gouvernants de droite ont à chaque fois signé les traités européens qui ont méthodiquement dépossédé, par couches successives, la France de sa souveraineté: euro (Maastricht), disparition des frontières (Amsterdam et Schengen), élargissement à l'Est de 2004, généralisation de la majorité qualifiée et déclassement face à l'Allemagne (Constitution européenne et Lisbonne), mise sous tutelle budgétaire (Pacte budgétaire de 2012),…
Symétriquement à la gauche non-communiste qui a renoncé à la défense du progrès social en votant pour ces mêmes traités, la droite, en laissant tomber la Nation dont elle était le principal défenseur, a elle aussi échangé la proie pour l'ombre en se convertissant à une idéologie post-historique qui prétend «dépasser» l'Etat-nation mais n'en a en réalité pas les moyens, ni conceptuels (trou noir supranational), ni pratiques (impossibilité concrète à mettre en place de vraies structures fédérales européennes). Nier l'Etat-nation en France, le premier ayant toujours été la colonne vertébrale de la seconde, c'est nier la France et tuer la République.
La droite post-gaulliste a commis une erreur tragique et suicidaire en optant pour cette voie bien-pensante, faussement sympathique et foncièrement néfaste pour le pays. Elle en est d'ailleurs bien consciente, elle dont tous les candidats élus à la présidence de la République ont activement fait campagne sur des discours hétérodoxes, de rupture avec l'UE, avant de faire le contraire une fois parvenus au pouvoir. On pense bien sûr au Jacques Chirac de la lutte contre la «fracture sociale» qui avait en avril 1995 dit tout le bien qu'il pensait d'un référendum sur le futur Pacte de Stabilité, lequel n'advint pas bien entendu, mais dont le spectre hanta ce septennat raté, au point de provoquer la dissolution catastrophique de 1997. On pense plus encore à Nicolas Sarkozy qui, pendant les deux ans de son intense campagne pour l'élection de 2007, n'a eu de cesse de vilipender l'Europe de Schengen et l'euro cher, avant de piétiner le référendum du 29 mai 2005 et de céder aux oukases de Bruxelles ou Berlin… A la veille des prochaines élections européennes l'UMP nous ressort ainsi la même ficelle, daubant sur une «autre Europe», celle qu'elle n'a jamais faite ni ne fera jamais…
La droite a cherché à se débarrasser du gaullisme en créant l'UMP et en enterrant ses principes en même temps que le RPR. Résultat, elle est devenue une coquille vide qui se résume à réciter des programmes électoraux, tiraillés entre deux options tout aussi illusoires et vaines l'une que l'autre: l'allégeance à l'Allemagne pour devenir le brillant second en Europe (dans une sorte d'indigne bégaiement vichyssois), et le grand bond dans le n'importe quoi ultra-libéral, ce qui revient à singer un monde anglo-saxon aux valeurs différentes des nôtres. Pas complètement centriste et plus du tout patriote, l'UMP connaît une crise identitaire chronique qui la conduit logiquement à dépérir par les deux bouts.
Son seul moyen pour s'en sortir, c'est de reprendre au la boussole France. N'oublions pas qu'à l'époque de De Gaulle et Pompidou l'extrême droite n'existait pas! Aujourd'hui le FN est fort non pas parce que les Français seraient tout à coup tombés sous le charme de la famille Le Pen, mais à cause des partis politiques, de gauche et de droite, qui ont jetés nos concitoyens dans les bras du FN ou de l'abstention en reniant leur mission historique de défense de l'intérêt national face à une Europe qui défigure l'idéal européen. Reprendre la boussole France sans tomber dans les dérives des extrêmes, quels qu'ils soient, c'est réaffirmer la souveraineté française pour de nouveau maîtriser notre destin collectif, tout simplement pour de nouveau s'en inventer un. C'est mettre fin à la lancinante impuissance publique qui mine la cohésion et le moral de la Nation depuis 20 ans, et déchire notre tissu économique et social. Ce, afin de:
– Rétablir les frontières administratives et douanières ;
– Instaurer une monnaie nationale reflétant la force de notre économie et répondant à ses besoins ;
– Permettre à l'Etat de jouer tout son rôle régalien, de stratège et de régulation, comme tous les pays – notamment ceux d'Asie – qui réussissent dans la mondialisation le font ;
– Relancer une politique étrangère mondiale visant à des alliances politiques stratégiques, en vue d'assurer nos approvisionnements et de promouvoir notre vision multilatérale, universelle, de l'ordre international, ainsi que notre langue.
Sans sa boussole France, il n'est pas très difficile de deviner où va aller la droite: tout droit au fond du trou.
La droite est en crise, c'est entendu. Mais derrière elle, et celle pareillement de la gauche, c'est une véritable crise de la nation qui se dessine. Droite, gauche, centre, les Français se moquent en réalité de ces petites luttes fratricides et ne départagent les rivalités de nos grands du royaume qu'en fonction de l'intérêt supérieur de la France. Jeanne d'Arc, Richelieu, Clemenceau, de Gaulle, étaient-ils de droite, de gauche, d'ailleurs? Peu importe, ils étaient avant tout au service de la France et des Français…