Alors que le tourisme maritime prend de plus en plus d’essor, que la demande en constante progression nécessite la sortie régulière de nouveaux bateaux, on est confronté à l’image négative véhiculée par ces navires de plus en plus gros et les nuisances qu’ils occasionnent.
Afin de bien comprendre les enjeux économiques et les nuisances qui en découlent, tout d’abord des chiffres :
– Il faut savoir qu’en 2018, on a compté plus de 27,2 millions de croisiéristes.
– Concernant le chiffre d’affaires généré au niveau mondial, nous n’en connaissons pas le montant exact. Toutefois pour se faire une idée, si l’on prend comme point de repère «Carnival Corporation & plc », une des plus grosses compagnies, avec ses 12,4 millions de passagers, son chiffre d’affaires s’établit à environ 18 milliards de dollars pour l’année 2018.
Au niveau des français adeptes des croisières, on assiste à un engouement certain si l’on en croit les chiffres de 2018.
D’après le site lechotouristique, les Français sont « adeptes de la Méditerranée centrale et occidentale (226 000 passagers, soit 43,5% du nombre total de passagers français), des Caraïbes (23,3%) et de la Méditerranée orientale (12,7%), [ils] ont eu un intérêt marqué pour les croisières courtes, soit de une à trois nuits, en hausse de 24%. « C’est le signe que le marché est sur la voie de la maturité. »
Mais quel impact sur l’économie des pays recevant ces bateaux ?
Les retombées sont de deux ordres : immédiates et à postériori :
– Immédiates : les recettes générées par les frais d’escales, carburants, réapprovisionnement liquides et produits frais, excursions, ventes de produits dérivés etc.
– A postériori : la durée des excursions ne permet pas aux croisiéristes d’avoir plus qu’un aperçu du pays mais peut leur donner envie de revenir. C’est donc un vecteur important de publicité.
Et si l’on regarde plus particulièrement les ports français, les chiffres sont impressionnants. Prenons l’exemple de Marseille qui caracole en tête. En 2017 la ville aurait accueilli près d’ 1,5 million de passagers de croisière (chiffre en constante progression) dont 430000 en tête de ligne (port d’embarquement en début de circuit).
Financièrement parlant, les chiffres sont tout autant impressionnant lorsque l’on sait qu’en 2016, les 1,6 millions de passagers qui sont passés par Marseille ont généré 310 millions d’euros de retombées économiques dont 70 M€ en dépenses de passagers (restauration, transport, commerces…) et 200 millions d’euros de revenus induits pour le reste de l’économie locale.
Par contre, il y a également un côté négatif certain en matière d’environnement et de santé publique. S’il est prouvé que l’avion, par nombre de passagers transportés pollue plus que les bateaux de croisières , il est prouvé également que le type de carburant utilisé par ces derniers en mer et/ou à quai est extrêmement nocif que ce soit pour les passagers et membres d’équipage que pour les habitants des ports d’escale (émission d’oxydes de soufre et azote, co2 et particules fines).
Afin de remédier à ses nuisances, plusieurs mesures sont à l’étude pour certaines et mises en œuvre pour d’autres :
L’installation d’épurateurs permettrait une réduction de plus de 90% des émissions d’oxydes de soufre. Ce procédé neutralise une grande part des pollutions des gaz d’échappement à l’aide d’un fluide qui absorbe des oxydes de soufre. Les déchets produits sont stockés à bord et ensuite débarqués dans une installation de réception à terre.
Mais c’est surtout le gaz GNL (Gaz naturel liquéfié) qui est une alternative intéressante. En effet, sa combustion réduit de 100% les émissions d’oxydes de soufre et des particules fines, de 80% des oxydes d’azote et de 20% du CO2 par rapport au fuel lourd traditionnel. Aujourd’hui, c’est le carburant carboné le plus efficace d’un point de vue environnemental. Certains armateurs ont déjà équipé leurs navires, un choix coûteux certes mais qui doit être pérennisé et généralisé. Dans le même temps, une adaptation des sites de stockage doit être mise en œuvre dans les ports.
Enfin, sachant que les navires brûlent aujourd’hui du carburant alors même qu’ils sont à quai et polluent de fait l’air des riverains du port, des systèmes d’alimentation électrique à quai permettraient d’éteindre leurs moteurs auxiliaires et ainsi d’utiliser le réseau électrique du port pendant toute la durée de l’escale. Seuls les navires adaptés peuvent utiliser un tel système, qui est actuellement très peu répandu dans le monde. Des réglementations récentes prévoient un soutien de l’Etat pour la mise en place de ces systèmes dans les ports pour les navires avec une échéance pour l’installation de ces bornes. Mais comme trop souvent, la mise en œuvre prend du retard.
Il faut donc, plutôt que de nous distiller des mesurettes en matière de lutte contre la pollution, que le gouvernement fasse pression sur les acteurs du secteur concerné afin que tous les nouveaux navires sortant des chantiers soient au GNL et que les gestionnaires de ports adaptent rapidement leurs équipements électriques et de stockages.
Ce tourisme, dit de masse, peut trouver sa place dans une politique touristique alliant protection de l’environnement et du public avec les impératifs économiques. Encore faut-il s’en donner les moyens.
Michel Colas
Délégué national au tourisme et au temps libre