Emmanuel Macron vient de l’annoncer, l’ENA va être supprimée. Au cœur d’une crise sanitaire, le pouvoir tiendrait-il compte de revendications exprimées par les gilets jaunes ? ou répondrait-il à un besoin de lutter contre l’entre-soi de la haute fonction publique française ?
Déjà en avril 2019, il avait évoqué son intention de supprimer l’ENA. Le rapport Thiriez, remis au premier ministre le 18 février 2020, faisait une série de propositions pour concrétiser cet objectif.
Outre le remplacement de l’ENA par l’Institut du Service Public (ISP), la réforme annoncée inclurait diverses mesures (fin du classement de sortie, fin de l’accès direct des nouveaux diplômés au Conseil d’État, à la Cour des Comptes, ou à l’Inspection générale des finances, organisation de formations continues pour les hauts fonctionnaires). Le nouvel ISP assurerait aussi un socle de formation commun aux élèves de 13 écoles, dont l’ENM (École nationale de magistrature), l’EOGN (École des officiers de la gendarmerie nationale) et l’ENSP (École nationale supérieure de la police, qui forme les commissaires de police). Avant d’intégrer l’école spécifique pour laquelle ils ont été recrutés, ceux-ci devraient suivre un tronc commun, dont le contenu n’a pas été pour l’instant dévoilé. Il pourrait durer 6 mois et débuter par une formation militaire (propositions du rapport Thiriez). Selon certains médias (Europe1) il pourrait porter sur des problématiques « actuelles » comme les valeurs républicaines, la laïcité ou les inégalités.
Ces thèmes ne sont-ils pas déjà abordés dans la formation dispensée dans les écoles concernées ?
Cette évolution est-elle compatible avec le statut et l’indépendance des magistrats ?
Pour que ceux-ci exercent au mieux leurs missions au profit de nos concitoyens, ne serait-il pas plutôt nécessaire, comme le propose Debout la France, de renforcer les enseignements, permettant d’appréhender l’environnement socio-culturel dans lequel ils doivent évoluer, l’éthique et la déontologie propres à leurs fonctions, ainsi que la criminologie ou les problématiques liées à l’application du droit ?
Intégrer les commissaires de police et les officiers de gendarmerie dans ce tronc commun, ne va-t-il pas renforcer le ressenti du personnel en première ligne contre la délinquance, qui considèrent déjà que leur hiérarchie (accaparée par les tâches administratives et de gestion) est de plus en plus éloignée de leurs contingences quotidiennes ?
Des textes établissant des mesures concrétisant ces annonces pourraient être pris avant le 7 juin, en vertu de la loi d’août 2019 qui habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance. La mise en œuvre complète de cette réforme nécessiterait, elle, un temps long, incompatible avec les délais restants avant la fin du quinquennat (modification des textes statutaires concernant chacun des corps concernés, création des capacités d’accueil nécessaires au sein de l’ISP etc..).
Haro sur les Hauts Fonctionnaires, coupables de tous les maux, ces technocrates tellement éloignés des réalités quotidiennes que vivent nos concitoyens, qui opposent aux réformes impulsées par le pouvoir, lourdeur administrative et lenteur des procédures.
Ắ un an des présidentielles, l’annonce de la suppression de l’ENA relève d’une opération de communication destinée à donner au probable candidat Macron une image progressiste. Mais la réforme qui s’annonce, pourrait faire émerger une culture commune aux ‘’administrateurs’’ au-delà du cercle restreint des actuels élèves de l’ENA. N’est-ce pas contraire à l’objectif affiché de lutter contre le moule unique d’une pensée technocratique ?
Ắ moins que le véritable objectif de cette réforme ne soit justement là : Faire adhérer à ce mode de pensée technocratique, des cadres administratifs en lien avec les besoins réels des administrés, afin que le pouvoir puisse disposer d’un appareil administratif plus docile.
Avec notre président Nicolas Dupont-Aignan, nous dénonçons cette réforme pathétique. Les vrais enjeux sont ailleurs, la démission du politique face à la technocratie de Bruxelles et la capacité de nos administrations à répondre aux attentes de nos concitoyens.
Bruno Grangé
Délégué national à la Sécurité
François Kohn
Délégué national à la Justice