Il y a bientôt cinq ans, on nous annonçait une moralisation du capitalisme. Même les libéraux dénonçaient les abus du système bancaire. Mais aujourd’hui, quand on voit les profits records des banques étasuniennes ou l’amplification des pratiques spéculatives, on constate que presque rien n’a changé.
L’anarchie bancaire continue
La lecture de l’actualité financière est effarante : on se croirait revenus en 2007 ! Les banques étasuniennes affichent des profits records, les particuliers ont accès aux pratiques spéculatives les plus toxiques, et le Luxembourg adopte un dumping législatif pour attirer les capitaux. Comme le rapporte ce papier d’Atlantico, le duché européen s’adapte aux nouvelles règles européens qui permettent de commercialiser ses produits dans toute l’UE. Le Luxembourg contourne les règles de transparence avec son nouveau statut de société en commandite simple, qui protège l’identité de ses dirigeants…
Outre-Atlantique, les banques ont annoncé des profits records : JP Morgan, +31% ; Citibank, +42% ; Bank of America, +63% ; Morgan Stanley, +74% ; Goldman Sachs, +101% ! En un petit trimestre, ces cinq banques ont amassé la bagatelle de près de 12 milliards de dollars de profits ! L’examen plus détaillé des comptes de résultat indique que les résultats nets représentent entre 10 et 20% du chiffre d’affaire, pas vraiment le signe qu’il s’agit d’une industrie très compétitive (demandez aux constructeurs automobiles qui se battent pour quelques pourcents) mais plus d’une oligarchie qui vit d’une rente.
Pour parachever ce sinistre tableau, le Monde a publié un dossier excellent et effarant sur les produits dérivés que les banques vendent désormais à leurs clients. Où l’on apprend que tout le monde peut désormais avoir accès aux produits créés par cette finance folle et inconsciente. En clair, alors que les précédents produits ne permettaient qu’un effet de levier de 50, les CFD (Contracts For Differences) permettent un effet de levier de 400 : avec un capital de 100 euros, on peut parier sur 40 000 euros ! Et il n’est même pas forcément nécessaire de posséder les titres !
Ils n’ont vraiment rien appris !
Ce qui se passe est doublement affligeant. Tout d’abord, il est bien évident totalement anormal que le monde financier commercialise de tels produits. Car concrètement, quand on parie sur 40 000 euros avec seulement 100 euros, si les titres perdent 10%, alors, l’investisseur perd 3 900 euros, 39 fois ce qu’il a misé ! De tels placements sont parfaitement représentatifs des « innovations » de la finance qui créent des risques systémiques massifs en cas de crise des marchés. Il est incroyable que les banques les commercialisent moins de 5 ans après avoir été proches du bouillon.
Mais il est encore plus effarant que nos dirigeants laissent faire cela. Il devrait être interdit de jouer de la sorte. L’utilisation de l’effet de levier doit être soit totalement interdit, soit très sérieusement encadré, dans des proportions qui garantissent que même en cas de crise majeure, le système entier ne risque pas de tomber par terre. A ce titre, cela montre bien que les différentes lois bancaires votées aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en France ne servent pas à grand chose et qu’elles n’ont en aucun cas mis fin à cette économie de casino, malgré la crise financière récente.
Pas étonnant du coup que les banques fassent des profits considérables dans un tel contexte. Tant que les marchés se porteront bien, ces produits dégageront sans doute des profits juteux. Mais encore une fois, ce système ne pourra fonctionner que tant que les marchés seront en hausse. Et encore une fois, une richesse artificielle va être créée, qui aidera nos économies à sortir timidement et de manière illusoire de la récession, jusqu’à ce que cette nouvelle bulle explose, sans doute de manière encore plus violente qu’en 2008. Il faut espérer qu’alors, de nouveaux Roosevelt se lèveront pour nous en tirer.
Le plus extraordinaire, c’est que tout a été dit au sujet de la crise financière de 2008. Les raisons de la crise sont claires. Les principes d’une réforme de la finance aussi. Et les idées de réforme ne manquent pas. Mais nos dirigeants (PS comme UMP) ont encore une fois trahi notre confiance.
Laurent Pinsolle
Membre du Bureau national de DLR
Délégué national à l’Equilibre des Comptes publics et au Patriotisme économique