Si la SNCM est en péril, c’est que beaucoup d’erreur ont été commises : par l’Etat qui s’est révélé mauvais actionnaire et mauvais stratège ; par la Collectivité Territoriale de Corse qui a fait, dans ce dossier, preuve d’amateurisme notamment au moment de l’attribution de la Délégation de Service Publique 2014-2024 ; par certains syndicats qui, trop souvent, sont allés à l’épreuve de force au risque d’obérer définitivement la viabilité et l’image de l’entreprise.
C’est aussi et surtout parce que dans les hautes sphères de Bruxelles les hauts commissaires en ont décidé sa mort. Pour la Commission, il convient de tuer cette société car elle demeure l’incarnation du service public à la française, d’une certaine vision du rôle du politique dans l’aménagement du territoire. Or avec l’Union Européenne, un tel service est incompatible avec l’exigence de « concurrence libre et non faussée », véritable dogme de nos commissaires européens. A l’esprit républicain, défenseur de l’égalité des territoires, à l’exigence de désenclavement, impliquant la prise en compte de l’insularité, à la politique d’aménagement du territoire, Bruxelles oppose l’article 260 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne et traque toute aide visant à financer un service public pourtant essentiel.
C’est donc au terme d’un harcèlement de près d’une décennie que Bruxelles est venue à bout de sa bête noire. Pour mettre à genoux la SNCM, ce n’est pas moins de 440 Millions d’Euros de remboursement d’aides jugées contraires au droit communautaire qu’a exigé Bruxelles !
La Commission est allée jusqu’à menacer le plus sérieux des repreneurs envisagés de lui transférer, en cas de reprise, la dette de 440 Millions d’euros.
Heureusement, pour l’heure, la Justice n’a pas encore donné le coup de grâce.
Il faut dire que ce ne sont pas moins de 2500 emplois qui sont menacés. Au delà, c’est l’économie de la Corse et de la région PACA qui est menacée : l’importance d’une continuité territoriale correctement et pleinement assurée ne saurait en effet être compensée par la seule exploitation concurrentielle du trafic Corse-Continent comme en a témoigné le mouvement de grève de 17 jours qui, en 2014, a impacté le trafic entrainant une perte de 150 Millions d’Euros.
Au vu de ces chiffres, on est en droit de se demander quel serait le coût d’une éventuelle liquidation de la SNCM ? Quel serait le coût du choix de Bruxelles ?
M. Cuvillier, Ministre des Transports du Gouvernement Ayrault, avait estimé que la position de Bruxelles était la « condamnation à mort » de la SNCM. Une fois encore, soumis à Bruxelles, le Gouvernement français se rend donc complice d’une tentative d’assassinat.
Gaël Nofri
Délégué national à l'Aménagement du Territoire
Elu de la Ville de Nice et de la Métropole Nice Côte d’Azur