A l’issue du Ségur de la Santé, M. Veran nous a annoncé 33 mesures destinées selon lui à retrouver un niveau de qualité acceptable dans notre système de santé. Il est vrai que celui-ci est moribond comme on a pu le constater au cours de cette malheureuse épidémie. Mais le mal est bien plus ancien puisque cela fait un certain temps que les Français ont du mal à trouver un médecin pour se faire soigner et que les urgences sont au bord de l’explosion.
Bien sûr la première des annonces concerne la confirmation de l’augmentation bien méritée des rémunérations des personnels hospitaliers. Ce qui semble indiquer que pour la tutelle, l’essentiel des problèmes de notre système seraient d’ordre budgétaire. On ne s’affranchit pas comme ça de l’habitude de tout gérer avec des « tableaux Excel ».
Mais force est de constater que les acteurs du secteur libéral sont les grands oubliés de ce plan et qu’ils n’ont droit à rien, même pas des remerciements…
Passons à la 2ème mesure phare : le déploiement « à la demande » de 4000 lits d’hospitalisation pour un montant de 50 millions d’euros. En faisant un rapide calcul, cela représente 12 500 euros par lit soit le coût quotidien d’un lit d’hôpital. Donc il ne s’agit pas de 4000 lits mais de 4000 journées d’hospitalisation… ou de 4000 patients traités un seul jour à l’hôpital, soit bien loin des besoins éprouvés pendant l’épidémie !
Il y a ensuite plusieurs couplets sur la « transformation en profondeur » de notre système, l’attribution d’un « pouvoir d’initiative » aux soignants, la « déconcentration des décisions », le souci de « replacer l’humain » à une place prioritaire. Que des bons sentiments !
En pratique, on voit surtout un projet basé sur le « territoire », ce qui ne veut pas dire grand-chose, mais qui dans l’esprit de M. Veran correspond à la sphère géographique d’intervention des Agences Régionales de Santé (ARS). Celles-ci verront donc leur pouvoir s’élargir tout en incluant désormais dans les sphères décisionnelles des « associations ».
Sachant que les ARS ont montré leurs graves insuffisances voire leur pouvoir de nuisance pendant cette crise, sachant qu’elles ont fait systématiquement abstraction des structures et établissements privés, sachant qu’elles n’ont fait que relayer les innombrables et contradictoires directives ministérielles, on aurait pu imaginer une analyse un peu critique de leur mode de fonctionnement.
D’autant que chaque ARS (au nombre de 18 en France) emploie de 500 à 800 personnes et qu’on aurait bien aimé en voir quelques-unes sur le terrain pour accueillir les patients et visiter les EHPAD plutôt que de se contenter de transmettre par courriel des kilomètres de consignes et recommandations à ceux qui s’en occupaient.
Il est inepte de superposer le découpage purement administratif des régions (basé la plupart du temps sur des simulations électorales) sur l’organisation de la santé ! Il aurait été bien plus pertinent que l’administration corresponde à la carte des établissements de santé (notamment des services d’admission des urgences) et des populations. Il est également inepte de ne pas intégrer les structures privées dans les schémas d’organisation territoriale. En plus, alors que les ARS ont regroupé et remplacé les structures départementales (DDASS), M. Veran propose de les réactiver ! Une structure administrative de plus comme s’il n’y en avait pas assez, alors qu’il ose parler de « bureaucratie allégée ».
Un autre des domaines balayés par le ministre concerne la gouvernance des établissements.
Cela commence comme d’habitude par de bons sentiments : « il faut redonner sa place au service et lui confier de véritables leviers d’action ». Alors il faut supprimer les « pôles d’activité » créés en 2007 qui ont artificiellement regroupé des services souvent non complémentaires. Ces pôles ont surtout été une arme destinée à vider de sa substance la chefferie de service et à mutualiser un personnel hétéroclite pour dégager des suppressions de postes. Le résultat final de cette réorganisation a abouti à un pilotage hors sol et une prédominance du pouvoir administratif sur celui des soignants. Avec aussi et surtout comme conséquence la démotivation d’un personnel appelé à exercer des fonctions pour lesquelles il n’a pas été formé et relégué au niveau d’un pion indifférencié. Et puis le directeur d’hôpital restera sous la tutelle de l’ARS qui peut le déplacer et se substituer à lui à la moindre incartade (budgétaire bien sûr).
Hélas, les CME (Commissions Médicales d’Etablissement) resteront des chambres d’enregistrement des décisions administratives comme elles le sont depuis la loi « Hôpital, Patients, Territoires, Santé » (HPTS, 2009), loi dont les effets pervers n’ont pas fini d’être répertoriés. En parlant de « soignants », M. Veran s’abstient bien sûr de prononcer le mot de « médecin », comme si cela lui écorchait les lèvres d’admettre qu’il y en a dans les hôpitaux… Ah si quand même il en parle : pour engager « une réflexion sur une nouvelle profession médicale intermédiaire en milieu hospitalier ». Alors là, il faut traduire : il s’agit d’intégrer des sous-médecins sous rémunérés issus la plupart de l’immigration et destinés à assurer dans les hôpitaux les basses besognes telles que gardes et astreintes. Il faut savoir par exemple que le diplôme algérien de Docteur en Médecine est reconnu par le conseil de l’Ordre des Médecins Français, au contraire des diplômes suisse, canadien ou australien ! Un beau tour de passe-passe comme nos dirigeants en ont le secret…
Pour la Sécurité Sociale incapable de nous dire le montant des fraudes sociales réelles anormalement élevées, on se contente de saisir le « Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie » qui a jusqu’au printemps 2021 (!) pour remettre ses propositions. Ce « machin » existe depuis 2003 mais apparemment n’a pas encore fini de réfléchir… D’ici là on continuera de supporter les fraudes à la carte vitale (14 milliards d’euros par an selon le Sénat) tout simplement parce que les gouvernements ont refusé de voir la vérité en face et de combattre ce racket organisé de l’argent des Français.
La prestation de M. Veran relève une fois de plus de l’art de la communication et de l’enfumage, avec en filigrane un net penchant pour un dirigisme étatique néocommuniste aussi coûteux qu’inefficace. Il n’y a aucune chance pour que le système de santé de notre pauvre France sorte grandi de ce nouvel et triste épisode.
Ce beau projet ne pouvait pas se terminer sans la mise en place d’une énième commission, confiée à une revenante, ex patronne de la CFDT, ex PDG de Vigeo, déjà membre d’un « groupe de réflexion » payé par les instances européennes et dont on suppose qu’elle sera assez correctement rémunérée pour cette nouvelle tâche…
Franck BOUTAULT, Délégué pour Debout La France dans la 2ème circonscription de Haute-Garonne, Docteur en Médecine, Ancien interne des hôpitaux de Toulouse, ancien chef de clinique et Professeur des Universités spécialité chirurgie maxillo-faciale.