Par calcul politique, les responsables des grands partis s’étaient opposés au report du premier tour des municipales du 15 mars dernier. Aujourd’hui, ceux qui veulent fixer le second tour dès le mois de juin ont exactement la même motivation. La liste des36 maires qui ont signé unemotion en faveurdu mois de juinmontre que parmi eux, ceux qui étaienten tête au premier tour sont dix fois plus nombreux que les autres. Cela se passe de commentaire.
N’étant pas concernés à titre personnel par ce second tour, nous sommes opposés au choix du mois de juin en raisondes risques de contamination et pour respecter la sincérité du scrutin.
Les risques de contamination.Une élection, ce n’est pas seulement l’organisation des bureaux de vote le jour du scrutin, c’est aussi et surtout une campagne électorale avec d’innombrables contacts sur le terrain : grandes réunions, passages au porte-à-porte, poignées de main et parfois embrassades, visites des commerçants,visites de maisons de retraite ou de clubs de 3ème âge… En juin, les risques de contamination subsisteront, soit avec un rebond de l’épidémie soit en tout état de cause avec de nombreux clusters ponctuels.
Malgré les précautions qui avaient été prises dans les bureaux de vote, le premier tour a montré que des risques subsistent. De plus,une campagne électorale est incontrôlable ; soit elle se déroule normalement et on crée des foyers de contamination, soit elle est réduite au strict minimum et ce n’est alors plus démocratique. En tout état de cause, l’élection sera sous influence car un grand nombre de nos concitoyens refuseront de prendre le risque d’être contaminés et n’iront pas voter. N’oublions pas que le 15 mars, le taux d’abstention a littéralement explosé par rapport aux deux précédentes élections municipales.
S’il n’y a plus aucun risque, pourquoi reporte-t-on le Tour de France ou le championnat de football ? Pourquoi aussi et surtout maintient-on l’état d’urgence jusqu’au 10 juillet ? En fait, le choix du mois de juin pour le second tour sacrifie la santé de nos concitoyens au profit d’intérêtspoliticiens qui peuvent gâcher les efforts réalisés pendant près de deux mois de confinement.
La violation du principe constitutionnel de sincérité du scrutin. En application de l’article 3 de la Constitution, le principe de liberté et de sincérité du scrutin doit être respecté lors des élections. Or si certains électeurs sont empêchés d’aller voter par peur d’être contaminés, c’est la liberté du vote qui est mise en cause. Par ailleurs, normalement, le scrutin pour les élections municipales ne laisse qu’un délai très bref entre le premier et le second tour car il s’agit d’une même élection et pas de deux scrutins complètement dissociés. En éloignant le second tour de plus de trois mois après le premier, on modifie radicalementla règle du jeu.D’un tour à l’autre, les préoccupations des électeurs et les enjeux du scrutin ne sont plus les mêmes.
Normalement, le second tour doit être la résultante immédiate du premier et y être étroitement lié. Avec trois mois d’intervalle, les deux scrutins n’ont plus derapport l’unavec l’autre. S’ils l’avaient su au départ, certains électeurs auraient voté différemment au premier tour et de toute manière, au second tour,leur vote sera différent de ce qu’il aurait été.
Pour les 5000 communes concernées, la seule solution raisonnable et honnête consiste donc à organiser les deux tours des élections municipales dans un contexte normal, c’est à dire en septembre 2020 ou en mars 2021.
Jean-Louis Masson, sénateur de la Moselle
Nicolas Dupont-Aignan, député de l’Essonne
Claudine Kauffmann, sénatrice du Var
Christine Herzog, sénatrice de la Moselle