La valeur internationale de l’euro, son taux de change, est calculée à partir de ce que pèsent les dix-neuf pays membres de la zone euro. Autrement dit, il s’agit d’une moyenne et d’un ajustement, résultat de savants calculs, entre des économies dont le niveau et le volume respectifs sont bien différents.
Imaginons maintenant que chacun de ces pays revienne à une monnaie nationale dont il retrouverait la maîtrise, et que la vérité monétaire corresponde à la vérité économique de chacun. Le mark allemand post-euro serait réévalué de 15%, le franc français post-euro dévalué de 6%. Autrement dit, le franc serait dévalué de 20% par rapport au mark, avec les conséquences fâcheuses que l’on sait en termes de renchérissement de nos importations. Coup de massue ? Oui, mais aussi coup de fouet, car la France renouerait instantanément avec la compétitivité industrielle et commerciale perdue après laquelle elle court en vain depuis de longues années.
Pure fiction, dira-t-on, sortie toute armée du cerveau d’un Joseph Stigliz ou d’un Jacques Sapir, en tout cas d’un contempteur de l’Union européenne et de la monnaie unique ? Point du tout. Ce sont les conclusions officielles d’un rapport du Fonds monétaire international, du F.M.I., que l’on ne peut pas soupçonner d’une hostilité systématique à l’ordre économique tel que nous l’ont imposé le libéralisme sans frein et la mondialisation sans limites.
Pourquoi l’Allemagne y trouverait-elle à redire ? La surévaluation de l’euro ne fait aucun tort à son insolente prospérité et au bénéfice sans record de sa balance des paiements : 306 milliards d’euros l’an dernier. Le gouvernement et le patronat allemands font la politique de leurs intérêts, et il est difficile de les en blâmer. Pourquoi la France s’accommode-t-elle d’une situation qui la pénalise ? Par veulerie, par suivisme, par fidélité à un idéal supranational ? La conséquence en est un déficit de 21 milliards d’euros de notre balance des paiements en 2015.
Notre pays est la victime d’une politique monétaire contraire à ses intérêts. D’où la tentation de poser la question classique à partir de laquelle tant d’enquêtes policières, dans la fiction comme dans la réalité, aboutissent à l’identification du coupable : à qui profite le crime ?
A qui profite l’euro ? Ce n’est pas, en tout cas, à notre pays. La monnaie unique, dans notre vie de tous les jours, est une commodité. Sur la longue durée, elle nous étrangle. Le marché unique fait figure, sous cet aspect comme sous tant d’autres, de marché de dupes.
Dominique Jamet
Vice-Président de Debout la France