Mercredi, nous présentions le chiffrage du projet présidentiel de Nicolas Dupont-Aignan. Nous avons essayé de démontrer qu’il existe une voie qui permet de concilier croissance, progrès et responsabilité budgétaire. Mais une condition, la monétisation de la dette publique, reste mal comprise.
A l’origine de la loi de 1973
Comme l’explique bien Jean-Pierre Gérard, l’interdiction de la monétisation directe de la dette publique par la Banque de France (la fameuse loi de 1973) doit beaucoup au contexte de l’époque. En 1971, les Etats-Unis suspendent la convertibilité du dollar en or. En 1973, l’ensemble du Système Monétaire International hérité des accords de Bretton Woods est abandonné avec le passage aux changes flottants. On peut y voir une raison majeure de cette fameuse loi.
En effet, en l’absence d’étalon or et de règles internationales, plus de liberté était laissée aux Etats, une liberté qui pouvait mener à un recours excessif à la planche à billets et donc à un dérapage inflationniste, qui était la principale crainte du moment, à une époque de plein emploi. C’est en partie pour cette raison que la création monétaire a été mise globalement hors de portée du pouvoir politique. Et il faut reconnaître que cela peut se comprendre, même si j’y reste totalement opposé.
Deux poids, deux mesures
En effet, cette loi, qui a été prolongée par l’article 104 du traité de Maastricht, puis l’article 123 du traité de Lisbonne a consacré une organisation monétaire totalement ubuesque. Tout d’abord, les banques privées peuvent créer autant de monnaie qu’elles le souhaitent, y compris de manière totalement irresponsables. Pire, les contribuables ramassent les morceaux, comme on a pu le voir dans la crise. Dans les années 2000, la croissance de la masse monétaire a atteint 10% par an !
En clair, les institutions privées peuvent créer, à l’échelle de la France, l’équivalent de 200 milliards d’euros par an pour financer leurs activités, notamment spéculatives. Du fait de la pression introduite par le libre-échange, cette création monétaire ne s’est pas traduite par une envolée du prix des biens de consommation, mais bien plus par une envolée du prix des actifs (actions, immobilier). In fine, cela a créé une immense bulle spéculative, qui a provoqué la grave crise de 2008.
Aujourd’hui, la création monétaire est utilisée pour sauver le secteur bancaire. La BCE a ainsi prêté 500 milliards aux banques. Et il faut être clair, ces 500 milliards ont été créé de toutes pièces : la BCE utilise la planche à billet pour sauver les banques, à une échelle massive (5% du PIB de l’UE). Pire, il faut noter que Christian Noyer a indiqué que la BCE était prête à renouveler l’opération au besoin. Bref, la planche à billets tourne pour les banques, dans la zone euro.
Pour une monétisation publique
Mais hors de l’UE, la monétisation se fait surtout pour financer l’Etat. C’est le cas au Japon, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. The Economist vient de faire un papier révélant que la Banque d’Angleterre a consacré près de 300 milliards de livres en trois ans au rachat de la dette souveraine britannique, soit plus de 5% du PIB par an. Bien sûr, les banques centrales anglo-saxonnes utilisent aussi la planche à billets pour financer les banques, mais pas uniquement.
Mieux, ces vagues massives de monétisation n’ont pas provoqué de dérapage inflationniste majeur car la masse monétaire du secteur privé a tendance à baisser. Du coup, la monétisation des dettes publiques est un moyen de permettre d’éviter à l’économie à tomber en dépression. Mieux, elle permet de baisser le coût global de financement des dettes (autour de 2% pour Londres et Washington), facilitant la sortie de récession, malgré la violence de la crise financière.
Bref, monétiser la dette publique à hauteur de 5% du PIB est réaliste et responsable pour sortir de la crise. Pourquoi faudrait-il utiliser des moyens non conventionnels pour sauver les banques mais pas pour sauver les citoyens de l’austérité ? L’économie doit être au service des hommes, pas des banques.
Laurent Pinsolle,
Porte parole NDA 2012