J’ai participé à la dernière rencontre de l’AMF consacrée à l’éolien terrestre.
L’intitulé exact de cette rencontre était : « Eolien et territoire : concilier la transition énergétique – paysages et patrimoine ».
Vous trouverez ci-après une note de synthèse des échanges. Cette note a fait l’objet d’un échange verbal préalable à sa diffusion avec Madame Pauline Le Bertre, déléguée générale de France Energie Eolienne.
La puissance actuellement installée en France est de 12 gigawatt devant être portée à 22 ou 26 gigawatt d’ici 2023.
Doublement donc du nombre de mats éoliens sur le territoire national et triplement dans certaines régions comme les Hauts de France.
L’objectif européen Energie – Climat suppose de porter le renouvelable à 40 % d’ici 2030 réparti entre l’hydro-électrique, l’éolien terrestre, l’éolien marin, le solaire, la biomasse et la géothermie.
Actuellement l’électricité produite à partir de sources renouvelables correspond à 20 % de l’électricité totale produite en France (11 % pour l’hydroélectrique, 4 % pour l’éolien et 4 % pour les autres sources renouvelables.
Les éoliennes sont en production pendant 40 % du temps (donnée non validée par Madame Le Bertre). Chaque éolienne produit environ 3 megawatt et le secteur éolien emploierait 18 000 personnes en France.
L’éolien rapporterait en fiscalité locale plus de 100 millions d’euros par an aux différentes collectivités territoriales.
La distance de 500 m minimum par rapport aux habitations serait considérée par l’Académie de médecine comme suffisante, étant précisé que les préfectures et les opérateurs doivent tendre à les éloigner le plus possible des habitations.
Une évolution de la législation sur ce point crucial semble peu probable (échec récent pour les porter à 800 m).
Les ZDE n’existent plus et ne sont pas susceptibles d’être rétablies.
Les collectivités territoriales sont invitées à déterminer des zones interdisant le développement des PLUI et des SCOT. Ces interdictions doivent être justifiées et proportionnées.
Les représentants de la profession se sont réjouis, devant nous, que désormais seul le « comment » de l’éolien soit ouvert à la discussion et qu’on n’en soit plus à discuter du « pourquoi ».
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Je suis précisément intervenu sur ces deux sujets : le « comment » et le « pourquoi ». Vous pourrez trouver mes interventions sur le site de l’AMF consacré à cette rencontre (1 h 28 et 4 h 41 ; ma troisième intervention relative aux conventions de servitudes a été coupée au montage).
On peut effectivement se demander pourquoi la France, dont chacun des habitants produit 4 fois moins de gaz carbonique qu’un Allemand ou un Danois, serait contrainte de garnir de milliers de mâts éoliens ses paysages, à vocation touristique pour beaucoup d’entre eux.
Ces mâts éoliens sont la plupart du temps bien acceptés par la population locale, d’autant qu’ils génèrent des ressources pour les collectivités territoriales, mais sont absolument répulsives pour n’importe quel touriste. Or le tourisme en France c’est 5 milliards d’excédent pour la balance des paiements alors que le chiffre d’affaires total de l’éolien en France est de… 2 milliards.
Les ressources fiscales liées à l’éolien terrestre pour les collectivités territoriales sont d’une centaine de millions d’euros par an, mais la contribution au service public de l’électricité (CSPE) pour 2017 représentera plus de 8 milliards d’euros, en augmentation de 19 % par rapport à 2015.
La quote-part « énergie renouvelable » sur ces 8 milliards est de 71 %.
En d’autres termes les consommateurs d’électricité ont payé en France à leur fournisseur d’électricité un « impôt » de 5,7 milliards d’euros (dont une bonne part pour l’éolien terrestre), pour lutter contre le gaz carbonique et le réchauffement climatique auquel ils contribuent 4 fois moins que leurs homologues américains, allemands ou danois. Je vous épargne les Polonais et les Chinois.
On pourrait aussi considérer que l’Union européenne, qui s’est construite autour de la politique agricole commune (PAC) et qui a, par étapes, sabordé cette PAC, propose maintenant aux agriculteurs ruinés d’implanter des éoliennes sur leurs terres moyennant un loyer annuel d’environ 10 mille euros par an. Cette offre est quasiment impossible à refuser dans la situation économique actuelle des agriculteurs.
Parallèlement l’Etat français diminue drastiquement les dotations au profit du bloc communal, ce qui rend les maires et présidents d’intercommunalités perméables aux avantages financiers de l’éolien.
J’ai constaté, au cours de la conférence organisée par l’AMF, que de nombreux maires s’exaltaient face aux ressources nouvelles que leur procurait l’éolien dans leurs communes et que la casquette de responsable des finances d’une collectivité territoriale l’emportait, sans discernement, sur celle de citoyen.
De fait, le rôle du maire se réduit à négocier le montant d’une servitude de survol des chemins ruraux de sa commune, à examiner les mesures compensatoires mises en place et, parfois, à travailler la répartition de la fiscalité à l’intérieur du bloc communal
Le reste n’est pas de sa compétence, mais de celle de l’Etat qui, sur ce sujet comme bien d’autres, s’est montré particulièrement défaillant.
Après le démantèlement de la PAC destructeur de notre agriculture, nos gouvernements successifs ont cautionné un développement éolien de plus en plus anarchique, notamment avec la suppression des ZDE.
La destruction de nos paysages et de notre potentiel touristique permet aux Allemands, aux Danois et aux Polonais, entre autres, de continuer de polluer allègrement en gaz carbonique notre planète commune avec leurs centrales à gaz et charbon.
L’objectif européen devrait être selon moi non pas un pourcentage d’énergie renouvelable dans le mix énergétique, mais un niveau d’émission de gaz carbonique, puisque les énergies renouvelables ont pour objet principal la lutte contre les émissions de gaz carbonique et le réchauffement climatique.
J’ai compris, de conversations informelles avec des fonctionnaires en charge, qu’une collectivité territoriale qui tenterait de limiter le développement éolien via le PLUI ou le SCOT avait peu de chances d’avoir gain de cause au-delà des critères d’exclusion habituels (proximité d’un monument historique, etc.) et que les préfets ont pour instruction d’attaquer en nullité tout PLUI ou tout SCOT qui s’écarterait des critères actuels prévus par la loi.
L’on a appris récemment que Monsieur Hulot souhaitait fermer jusqu’à 17 centrales nucléaires.
Le doublement d’ici 2023 du nombre d’éoliennes, qui ne fonctionnent que 40 % du temps, impliquera sans doute pour cette énergie pour l’instant non stockable la construction de centrales à gaz fortement productives de gaz carbonique, à moins que l’on puisse investir dans les batteries de stockage d’électricité du type de celle envisagée par l’Australie (projet Neoen).
Le doublement du parc éolien impliquera également sans doute une forte augmentation de la CSPE énergie renouvelable.
Il est permis de se demander si un pays perclus de 2 147 milliards d’euros de dette publique, de 70 milliards de déficit budgétaire et de 58 milliards de déficit de la balance des paiements est bien avisé de sacrifier son industrie touristique, après avoir déjà sacrifié son agriculture et détruit, en 15 ans, 1 500 000 emplois industriels.
Devrons-nous être encore longtemps les idiots utiles de l’Union européenne et des promoteurs éoliens (CSPE 1,2 milliards pour l’éolien terrestre versus 100 millions de recettes fiscales pour les collectivités territoriales, à comparer avec le chiffre d’affaires total de l’éolien en France de 2 milliards d’euros…) ?
Philippe Torre
Maire de Berlancourt (Aisne)
Délégué national de Debout la France, chargé des collectivités territoriales