Marine le Pen battue, Marion Maréchal-Le Pen battue, pas une région gagnée par le FN.
Ce soir, les cols blancs du politiquement correct, du rose pâle au bleu foncé, peuvent se réjouir. Leur connivence d’entre-deux tours a porté ses fruits. La poussière a été mise sous le tapis ! Les deux candidates FN qui hantaient leurs nuits ont été disqualifiées au terme d’un tour de passe-passe abusivement qualifié de « front républicain ». Fin de partie. Lundi, retour à la normale… !
Enfin, pas si sûr. Cette réjouissance n’aura qu’un temps, car les mêmes causes produiront les mêmes effets. L’illusion FN repartira de plus belle dès le prochain scrutin, présidentiel cette fois, exacerbée par un puissant sentiment d’injustice et par la frustration des nombreux électeurs qui ont exprimé un cri de désespoir ou un appel au secours. A croire que le secret calcul du PS et de l’ex-UMP serait de les pousser vers la sortie et d’accroître le nombre déjà inquiétant de ceux qui, désormais, désertent les urnes… Mais, à jouer de la sorte à colin-maillard avec le désenchantement des Français, à tester les limites de leur patience, on se réserve des lendemains qui déchantent.
Non, décidement, ce dimanche 13 décembre 2015 n’est pas une victoire de la démocratie.
Avoir pour seul programme de rassemblement : « Battre le FN ! » fut pitoyable. Surtout, lorsque l’on sait que ce dernier prolifère, précisément, sur les abandons et les lâchetés de la classe politique, à Droite envers la France, à Gauche envers la classe ouvrière. S’il s’était agi d’une alliance trans-partisane positive, visant à bâtir un projet d’avenir comme lors du Conseil National de la Résistance, nous aurions dit « oui », mille fois « oui », mais nous sommes, ici, face à une alliance purement négative et de circonstance, une alliance pour « empêcher ». Une opération « camisole de force et bâillon » pour s’arroger le monopole de la représentation légitime. La rhétorique de la guerre civile entonnée par Manuel Valls, reprise par Claude Bartolone, est parfaitement indigne et insupportable. Elle sera surtout contre-productive à terme. De deux choses l’une : si le Premier ministre croit un tant soit peu à ce qu’il avance sur le FN qu’attend-il pour l’interdire ? A l’inverse, si le FN a le droit de concourir, alors il a, aussi, le droit de gagner ! C’est la règle du jeu démocratique.
Après l’euphorie du succès, beaucoup au sein des partis, dits « de gouvernement », se rendront compte des dommages collatéraux d’un tel déni de démocratie. Ils comprendront, trop tard, la justesse de la position de l’ex-PS Jean-Pierre Masseret qui a consolidé son score sans pour autant faire passer Florian Philippot, et ils salueront, a postériori, son courage pour n’avoir pas flanché malgré les pressions. Idem pour la position, tout aussi pertinente, de Jean-Luc Mélenchon. Car que s’est-il passé parallèlement aux cuisines d’appareil ? Un rebond spectaculaire de la participation qui a noyé la dynamique FN. Ce qui signifie que les Français usent du FN pour exprimer un ras-le-bol ou un désaccord fondamental sur la ligne politique, mais hésitent à lui confier les clés du pouvoir. Le plafond de verre a bien tremblé, mais n’a pas volé en éclat.
A Debout la France, nous déplorons tout autant ces tambouilles politiciennes que l’illusion dans laquelle se fourvoient les Français qui se tournent vers le FN pour affirmer leur légitime volonté de changement. Et pour cause ! Plus que jamais un sursaut gaullien s’impose au pays. Ce sursaut rassembleur et non diviseur, c’est ce que nous proposons sous notre bannière « Ni système ni extrême ». Bien qu’ostracisés par les sphères du pouvoir politico-médiatique, en raison, notamment, de notre réserve sur les errements de l’actuelle construction européenne, nous notons avec satisfaction les progrès réguliers accomplis par Nicolas Dupont-Aignan et notre formation. Mais, pour être connus – sinon reconnus – d’un large public, le chemin est encore long ; nous en avons conscience. C’est pourquoi nous demandons aux médias de faire leur métier en toute indépendance et en toute objectivité. C’est à un vrai travail d’information que nous les appelons. Un travail qui leur évitera d’instrumentaliser le FN en le favorisant, avant de pleurnicher, ensuite, sur sa montée, pour mieux hystériser, enfin, les entre-deux-tours. Mieux vaut redonner envie aux électeurs non pas de voter « contre » mais de voter « pour ».
Patrick Guiol
Politologue, membre du conseil national DLF