Il ne s’agit malheureusement pas d’une nouveauté. Après les éleveurs et les laitiers, c’est au tour des producteurs d’ail et d’œufs de subir une nouvelle crise, qui montre que nos gouvernements, de droite comme de gauche, ont complètement abandonné notre agriculture et nos agriculteurs.
Toujours plus de secteurs en crise
Les producteurs d’œufs protestent contre la baisse des cours à 4,95 euros la centaine (soit 30 centimes pour six œufs, ce qui laisse songeur sur les marges réalisés des intermédaires) alors que leurs coûts augmentent du fait de la hausse du prix des céréales. Depuis, le ministre les a vu, a promis d’exporter en urgence quelques millions d’œufs, et organise le recul de la production en France. Même phénomène pour les producteurs d’ail, touchés par les aléas climatiques et qui ont vu les prix tombés entre 1,2 et 1,5 euros le kilo du fait de la concurrence étrangère contre 2,3 euros en 2012 et plus avant…
Le sort des producteurs de lait est connu depuis longtemps. Le prix est coincé à 300 euros les 1000 litres (on était à 310 euros en 2001) et ils n’arrivent pas à obtenir la hausse de prix de 30 à 40 euros les 1000 litres qu’ils demandent. Par-delà le fait que les prix n’ont pas progressé depuis 12 ans, ils soulignent la montée du prix des céréales et donc de leurs coûts de production : le prix du soja s’est envolé de 280 à 420 euros la tonne et celui du maïs de 180 à 220. Ils pointent également la concurrence de l’Allemagne, de plus en plus agressive, et craignent la suppression des quotas en 2015.
L’agriculture n’est pas une activité comme les autres
Ces crises sont la conséquence de la libéralisation d’un secteur qui ne devrait pas l’être et de la mise en concurrence déloyale avec nos voisins allemands. En effet, dans ce dossier très complet, l’ORES Pays de la Loire donne plusieurs explications : l’absence de SMIC qui permet d’embaucher des travailleurs saisonniers d’Europe de l’Est à un coût 2 à 3 fois inférieur à celui de la France. En outre, les agriculteurs allemands bénéficient d’aides massives pour investir et ils bénéficient d’un tarif de rachat du biogaz bien supérieur à celui de la France (0,21 euro / kWh contre 0,075 à 0,09).
Nos agriculteurs ont bien du mérite de continuer à travailler dans de telles conditions, où ils peuvent perdre de l’argent du fait des variations des prix mondiaux soumis aux aléas de la concurrence internationale, sans avoir de visibilité sur ce qu’ils vont gagner. Si nous continuons dans cette direction, il est bien évident que nous perdrons toute activité dans les secteurs où les prix sont bataillés. Il existe pourtant des solutions : rétablir un prix plancher permettant aux agriculteurs de vivre de leur travail, viser l’indépendance alimentaire et permettre un meilleur partage de la valeur ajoutée dans la filière.
Comme toujours, nos ministres vont s’agiter, promettre des aides ponctuelles (que Bruxelles pourra annuler ensuite…), mais ils ne règlent rien sur le fond et laisse défaire un des plus beaux succès de l’après-guerre, le développement d’un secteur agricole puissant. Jusqu’à quand ?
Laurent Pinsolle
Membre du Bureau national de DLR
Délégué national au Patriotisme économique et à l’Équilibre des Comptes publics