Tribune publiee dans le Figaro
Alors que les Etats Unis ont franchi un pas décisif dans la maitrise des piles à combustible, les orientations présentées sur la «transition écologique» confirment le suicide organisé de la politique énergétique française. Si les mesures concernant la rénovation thermique vont dans le bon sens, malgré le manque évident de financement, le projet de Ségolène Royal s'obstine à poursuivre la politique menée depuis six ans sur l'évolution du mix énergétique français. Au lieu d'investir massivement dans des projets de recherche viables, nos dirigeants persistent dans une fuite en avant malthusienne qui fait l'impasse sur notre dépendance aux hydrocarbures tout en asphyxiant la rente nucléaire au profit d'énergies renouvelables qui ont échoué en tout point.
Ce programme, comme le consensus mou qui l'entoure, méprise l'un des plus beaux accomplissements de notre pays: la France est la seule puissance à avoir réussi sa première transition énergétique, celle d'une production électrique presqu'entièrement décarbonnée. En alliant nucléaire et hydro-électrique, nous avons concilié des prix parmi les plus bas du monde avec une sécurité exemplaire, une indépendance remarquable et une baisse considérable de la pollution. Nos émissions de CO2 par habitant sont, de loin, les plus basses du G8. Notre pays est l'un des très rares signataires du protocole de Kyoto à avoir non seulement rempli mais dépassé ses objectifs. Si l'ensemble des pays développés avait suivi cette voie, le réchauffement climatique serait une menace encore réelle mais sous contrôle.
A titre indicatif, un Allemand émet aujourd'hui autant de carbone qu'un Français au temps du pétrole roi, en… 1973! L'Allemagne s'est enfermée dans une politique énergétique qui va d'échec en échec, enchainant les revers industriels, les hausses sans contrôle de tarif et les désillusions sur les «emplois verts» dont 80% ne sont assurés que par des subventions. Cet échec est d'ailleurs propre à la politique de «libéralisation» du marché électrique voulue par l'Union Européenne. En réalité, les bavardages sur la mort du nucléaire permettent de dissimuler l'absence de stratégie de rupture technologique quant à la fin de notre dépendance aux hydrocarbures. Par pur clientélisme politique, la France continue de saboter ce formidable succès, avec pour seul résultat le coût exorbitant des énergies renouvelables: en deux ans, la facture électrique des ménages a bondi de 180 euros! Depuis 2008, la Contribution pour le Service Publique de l'Electricité, qui finance l'électricité «renouvelable» est passée de 1,5 milliard à près de 6,5 milliards d'euros par an!
En ciblant le nucléaire, le gouvernement se trompe complétement de cible. L'urgence est de mettre fin aux énergies carbonées, à la menace du réchauffement climatique et aux 3 millions de morts que cette pollution provoque chaque année. Sans investissement dans de nouveaux réacteurs après Flamanville, le nucléaire français est voué à un déclin lent et certain qui n'apporte pas le début d'une solution, bien au contraire. Les éoliennes, le photovoltaïque et les smart grids peuvent contribuer à l'avenir du mix énergétique mondial mais ne suffiront pas à répondre aux attentes légitimes de milliards d'individus qui attendent d'accéder à l'électricité et à la mobilité. Il faut utiliser la rente nucléaire pour garantir de lourds financement à la recherche dans le stockage de l'énergie, de nouvelles formes de production électrique et des alternatives aux hydrocarbures. En réalité, les bavardages sur la mort du nucléaire permettent de dissimuler l'absence de stratégie de rupture technologique quant à la fin de notre dépendance aux hydrocarbures. La rente nucléaire ne doit pas être asséchée et dilapidée dans des champs photovoltaïques dispendieux. Il faut au contraire la renforcer pour qu'elle contribue à un effort d'innovation sans précédent.
La transition énergétique française doit poursuivre sa voie plutôt que de copier les échecs des autres: arrêter toute subvention aux énergies éoliennes et photovoltaïques, stopper les chantiers offshore ; investir pour prolonger le parc nucléaire actuel, donner une suite au chantier de Flamanville pour capitaliser l'expérience acquise, développer des réacteurs de moindre puissance et avancer sur ASTRID, le prototype de 4eme génération développé par le CEA ; utiliser enfin la rente nucléaire pour garantir de lourds financement à la recherche dans le stockage de l'énergie, de nouvelles formes de production électrique et des alternatives aux hydrocarbures. Le modèle nucléaire français n'est pas le problème, mais le début de la solution. Ségolène Royal ne l'entend pas ainsi et engage la France sur la voie d'un avenir déjà périmé alors que notre pays a tout son rôle à jouer pour offrir au monde une énergie propre et abondante.
Jean-Philippe Tanguy
Délégué national aux fédérations
Ancien cadre de l'industrie énergétique.