Suite à plusieurs SOS de kinés nous demandant de faire remonter leur vécu, nous le faisons bien volontiers.
Faisant face au mépris de leurs tutelles, ils ont décidé de s’unir pour réagir : les 3 syndicats de kiné travaillent donc main dans la main c’est un gage d’efficacité : la FFMKR, la SNMKR, et ALIZE.
Ces 3 syndicats ont eu des séances de négociations conventionnelles avec l’Assurance Maladie ; des contributions écrites ambitieuses ont été adressées mais les propositions avancées par la CNAM demeurent très insuffisantes à leurs yeux.
La kinésithérapie est une discipline au carrefour de nombreux enjeux de santé publique : prévention de la perte d’autonomie, développement des pathologies chroniques, lutte contre la sédentarité, qui vont de pair avec l’augmentation de l’espérance de vie et le développement inquiétant des maladies chroniques.
Les syndicats déplorent que l’Assurance Maladie n’ait pas pris la mesure des enjeux de la profession qu’elle considère, à tort, comme un coût et non comme un investissement pour la santé publique ; ils attendent que l’implication auprès de leurs patients soit reconnue et valorisée à hauteur de leurs compétences. Et c’est loin d’être le cas.
Malgré un bac +5 (1 an de médecine et 4 ans d’école), le tarif de convention d’une séance de kiné s’élève à 16,13 euros ! Et a été revalorisé de 15 cts en 30 ans !
C’est la seule profession de santé libérale dont les revenus moyens ont décroché par rapport à l’inflation (-18 % en 15 ans) ; alors que nous traversons une période inflationniste, chaque semaine qui passe complique l’équation économique de leur exercice libéral quand on sait, par exemple que la facture ménage, elle, a doublé en 8 ans, sans parler de la facture énergétique !
C’est malheureux d’entendre de jeunes kinés dire que ce n’est pas un métier d’avenir, tout en étant passionnés par ce métier ; un kiné qui travaille bien avec un patient à la fois ne gagne pas sa vie.
Deux possibilités s’ouvrent à lui : soit son cabinet devient un cabinet-usine avec 3-4 personnes en même temps, soit il pratique des dépassements d’honoraires.
A Debout la France, nous pensons qu’on ne peut pas avoir une offre de kinésithérapie qualitative couvrant tout le territoire sans rémunérer correctement les professionnels.
Ils méritent plus de considération et ne doivent pas envisager l’avenir sous l’angle d’une rémunération qui continue à s’effondrer par rapport à l’inflation et d’une coercition toujours plus dure : l’article 44 du PLFSS innove en créant la présomption de culpabilité( terme qui ne devrait même pas exister) avec possibilité de réclamer des indus de façon forfaitaire par extrapolation jusqu’à 3 ans en arrière, avec des contrôles pour récupérer quelques centimes; il n’y a pas de droit à l’erreur ,ce qui représente, pour la profession, un mépris et une défiance : ils sont perçus comme des générateurs de dépense publique sans prendre un instant en compte le rôle primordial qu’ils jouent dans le système de soins, et la CPAM pense ainsi faire des économies .
SOS bronchiolites :
En ce mois de décembre, on ne peut pas ne pas parler des bronchiolites et de la souffrance des petits actuellement car la situation est dramatique : depuis 2019, la HAS a estimé que la kiné respiratoire n’était plus recommandée et ne devait plus être prescrite « faute d’études scientifiques probantes » ; et depuis, les urgences pédiatriques n’ont jamais été autant saturées en bronchiolites.
Une séance de kiné respiratoire coûte 17,20 euros, rien à voir donc avec le coût d’une journée en réanimation ! or , comme pour toute épidémie , il est très instructif de voir ce qui se passe sur le terrain et d’entendre les témoignages de ces professionnels : en 3 ou 4 séances de désencombrement , l’enfant est déjà beaucoup mieux ; le kiné a un rôle aussi de surveillance de l’enfant (alimentation , sommeil ,déshydratation éventuelle ) , il rassure les parents ou préconise une hospitalisation, et donne des conseils ( mouchage de nez ) ce qui est fondamental . Evidemment, il est possible qu’un bébé se retrouve aux urgences quand même mais, grâce au travail du kiné, un « tri » très important sera fait pour le bien des bébés, des parents et de l’hôpital ; normalement, seuls 2 à 3 % des nourrissons seulement sont hospitalisés, ce qui ne semble pas être le cas cette année puisque la case kiné n’existe plus !
Les bébés ne sont pas ou mal soignés, les urgences débordées et les transferts sont dangereux et coûteux. Cette épidémie de bronchiolite montre l’étatdésastreux de la pédiatrie en France.
« On accompagne la dégringolade » m’a résumé une jeune kiné pourtant passionnée par son métier et se posant la question de l’avenir de « son beau métier ».
« Tous les problèmes annexes m’ont dégoutée et j’aurai une retraite misérable ; je ne vois pas d’issue » me confie une kiné plus âgée.
Ces SOS de la profession ne nous laissent pas indifférents ; comme pour la médecine libérale, veut-on la mort de la kiné libérale ?
Nous pensons qu’il est impératif de revaloriser cette profession pour permettre aux kinés de travailler dans de bonnes conditions, de permettre de l’humanité si importante dans le soin, et il est inadmissible qu’ils sentent cette chape de plomb de l’Etat qui ne leur fait pas confiance et ne voit pas qu’ils sont un maillon fondamental dans notre système de santé et de prévention.
Les Assises de Pédiatrie qui s’ouvrent ces jours-ci seront-elles à la hauteur de cette « hypercrise » « crise historique, sans précédent » ? ou juste un cautère sur une jambe de bois ?
Véronique ROGEZ
Vice-Présidente
Déléguée Nationale à la Santé