Face à l'afflux de réfugiés, le leader de Debout la France exhorte Hollande à revoir sa stratégie vis-à-vis de Damas et à en finir avec Schengen.
Propos recueillis par Emmanuel Berretta
Publié le 24/08/2015 à 12:18 – Modifié le 24/08/2015 à 12:35 | Le Point.fr
Le Point : Vous avez profité de vos vacances en Grèce pour vous rendre à Leros, une île qui reçoit de nombreux migrants. Quelle est l'ampleur de la vague à Leros ?
Nicolas Dupont-Aignan : Je voulais me rendre compte par moi-même du drame humain qui se joue à nos portes. Chaque semaine, la Grèce accueille plus de 20 000 migrants, concentrés sur quelques petites îles qui jouxtent la Turquie : Lesbos, Kos, Samos ou Leros. Pour cette dernière, où j'ai pu me rendre, cela représente 300 arrivées par jour, avec un nombre de migrants en transit de plus en plus grand – environ 3 000 –, presque plus que le nombre d'habitants. Ils attendent dans des conditions sanitaires déplorables de pouvoir partir vers Athènes. Les chiffres sont encore plus élevés à Lesbos, avec 2 000 arrivées certains jours. Au rythme actuel, qui s'accélère, on va vers 100 000 par mois !
Quelle est la typologie des migrants ?
Très diverse. Il y a des familles pauvres avec des enfants, mais surtout beaucoup d'hommes seuls, dont certains aisés. J'ai ainsi pu discuter avec des étudiants syriens de la région d'Alep qui fuyaient Daesh. D'autres ont déserté l'armée d'Assad. Tous avec le même rêve : l'Allemagne, l'Angleterre ou la France pour y travailler ou même poursuivre leurs études. Plusieurs témoignages m'ont aussi alerté sur la présence de jeunes islamistes au profil combattant, voyageant avec de fortes sommes d'argent. On est très loin de l'image d'Épinal du boat people misérable…
Comment les autorités grecques et la population réagissent-elles ?
Ces petites îles sont totalement débordées avec quasiment autant de migrants que d'habitants. Ils dorment partout dans la rue, dans les immeubles en construction. Les jeunes errent en attendant le premier ferry vers Athènes. Les autorités font ce qu'elles peuvent, repêchant les zodiacs arrivant de la côte turque toute proche (à deux kilomètres de Kos et Samos, plus pour Leros) et en organisant de fait le transit vers le nord de l'Europe puisqu'en atteignant le sol grec les personnes ont accès au territoire de toute la zone Schengen. L'absence de frontières nationales entre pays européens crée un immense appel d'air et déresponsabilise des pays comme l'Italie ou la Grèce, qui savent très bien que les migrants ne veulent pas s'établir chez eux.
La solution est forcément politique afin que ces migrants puissent retourner chez eux en sécurité . Devons-nous, à vos yeux, renoncer à renverser Assad pour l'aider à écraser Daesh ?
Les Américains ont renversé Saddam Hussein, puis les Français, Kadhafi, et on a vu les résultats catastrophiques de ces politiques néocoloniales brouillonnes : la destruction des États, l'instauration de la charia et les migrations géantes en Libye, Daesh les nouveaux barbares au Proche-Orient ! Pourquoi commettre une troisième faute ? Si Assad tombe, le Liban s'effondre, les chrétiens d'Orient disparaîtront et Daesh deviendra inexpugnable. Sans même parler du chaos migratoire que cela provoquera fatalement. Il faut d'urgence revoir toute la politique française de gribouille dans cette région, le soutien aux opposants dits "modérés" se révélant catastrophique – les armes qui leur ont été livrées sont en fait tombées entre les mains de Daesh. Il faut aussi arrêter de subventionner avec des fonds européens la Turquie, qui joue un double jeu, combat autant sinon plus les Kurdes en lutte contre Daesh que l'État islamique et laisse partir de ses côtes vers la Grèce ces dizaines de milliers de migrants.
Êtes-vous prêts à fermer les yeux sur l'usage des armes chimiques du régime d'Assad ?
Aurait-on vaincu Hitler sans l'alliance avec Staline ? Non, bien sûr. Aimait-on pour autant Staline ? Non plus… La vérité est qu'il ne faut pas se tromper d'ennemi. Si l'État islamique n'est pas rapidement détruit, l'Europe sera directement confrontée à une nouvelle guerre de Cent Ans terrible qui déstabilisera aussi l'ensemble du bassin méditerranéen, voire l'Afrique tout entière !
Quant à l'usage des armes chimiques, la réaction internationale a fait immédiatement cesser Assad et on découvre aujourd'hui que l'État islamique les utilise beaucoup plus. Attention aux manipulations !
Êtes-vous favorable à une intervention militaire au sol pour déloger Daesh ? Quelle en serait la forme juridique et avec quels alliés ?
Il y a bien évidemment urgence à agir au sol en complément des frappes aériennes. Plus on attend, plus le cancer va se métastaser. Mais cela ne peut ni ne doit se faire par le seul Occident, sous peine d'aggraver encore le problème. Les Américains l'ont d'ailleurs plus vite compris que la France, comme en témoigne leur quasi-réconciliation avec l'Iran. Tous les pays importants de la région doivent y être sérieusement associés, en lieu et place de cette sorte de politique de prostitution auprès du Qatar et des États du Golfe. Il faut enfin mobiliser l'ensemble de la communauté internationale et, pour ce faire, réintroduire la Russie dans le jeu. En un mot, notre pays doit retrouver sans plus tarder une politique étrangère réellement multilatérale et indépendante !
La vague de réfugiés politiques qui arrive sur les côtes européennes exige une réponse européenne. La Grèce ne peut s'en sortir seule. L'Europe n'est donc pas si inutile, si ?
Une coordination des pays européens pour peser sur la Turquie ou contribuer à la paix en Syrie bien sûr, mais cela relève de la diplomatie traditionnelle, intergouvernementale. En revanche, c'est bel et bien le système Schengen, la suppression des frontières nationales à l'intérieur de l'Union européenne, qui est en grande partie responsable du chaos migratoire d'aujourd'hui. Ce système a déresponsabilisé les pays qui sont situés aux frontières extérieures de l'Union, mais qui ne les contrôlent guère sachant que les clandestins ne s'établiront pas chez eux. La France, pays au système de prestations sociales le plus généreux au monde, est alors obligée d'accueillir toujours plus de migrants et l'Allemagne, en crise démographique, accueille de jeunes travailleurs sans que cela puisse durer éternellement. Avec près d'un million de migrants par an, le système s'effondre sous nos yeux. Seul le rétablissement de frontières nationales réduira l'appel d'air en entravant voire en dissuadant les migrants et passeurs. L'impuissance chronique de l'UE devrait nous mettre la puce à l'oreille : seules les nations sont capables d'agir quand l'histoire s'accélère.