Intervention de Nicolas Dupont-Aignan en commission des Affaires étrangères mercredi 14 mai
L’Europe a en effet besoin de renouveau. Je voterai les amendements d’André Chassaigne et la résolution. Elle a le mérite de révéler l’engrenage dans lequel nous nous trouvons et de clarifier les positions politiques des uns et des autres. Au Parlement européen, lors du premier vote de 2012 les députés socialistes et PPE ont voté identiquement ; au second vote, les premiers se sont abstenus pour laisser passer la résolution votée par les seconds.
Aujourd’hui, seule une suspension des négociations peut amener à changer les choses. Il y a trois personnalités qui ont changé la politique européenne : – le général Charles De Gaulle avec sa politique de la chaise vide ; – Margaret Thatcher qui bloquait le système pour obtenir son argent ; – Helmut Kohl qui n’a pas informé ses voisins avant de procéder à la réunification allemande. Ce n’est pas avec des « lignes rouges » que l’on va bloquer la mécanique infernale de la « Commission américaine de Bruxelles », surtout après avoir abandonné le droit de veto sur les négociations commerciales par le traité de Lisbonne. Ce sont finalement ceux qui se disent les plus européens qui détruisent l’Europe. Cet accord, en abandonnant la préférence communautaire, va détruire l’essence même du projet européen.
Le commissaire De Gucht va continuer son œuvre, qui a déjà fait des dégâts sociaux et politiques considérables, et vous n’en tirez aucune leçon. L’exécutif est en ce moment en train de jouer un double jeu. Il fait croire qu’il y aura un blocage possible au Parlement, or ce ne sera pas un accord mixte, tout le monde le sait. Par ailleurs, on exalte l’exception culturelle, au seul bénéfice du milieu culturel français, mais que fait-on pour le peuple, les ouvriers, les agriculteurs ? C’est une curieuse défense de notre pays. Lorsque le Président de la République s’est déplacé à Washington, il a reçu tous les honneurs, car il manifestait sa soumission aux Etats-Unis. Je rappelle ses propos : il faut aller vite sur le dossier transatlantique afin d’éviter les peurs et les fantasmes. Notre conception de l’Europe est de plus en plus déterminée à l’extérieur et se réduit à une acception de l’Europe comme simple zone de libre-échange, et non pas comme une zone où l’on porte une exigence de qualité sanitaire, environnementale et sociale.
Si nous éliminons toute barrière politique au libre-échange intégral, ce sera aussi la fin de la démocratie : nous aurons beau voter des lois, l’État devra ensuite de telles indemnités infligées par des panels appliquant le « libéralisme scientifique » que le pouvoir politique s’en trouvera réduit à néant. Mme Pascale Boistard. Il faut considérer le contexte dans lequel est proposée cette résolution. Certains acteurs du débat public font leur miel de l’interprétation d’un texte qui en l’état n’est ni achevé, ni voté. Nous avons nous aussi des interrogations quant aux négociations en cours et pouvons partager certains des arguments qui sont exprimés. Nous avons exprimé ces interrogations à l’occasion du débat sur la résolution de Seybah Dagoma.
Mais la période dans laquelle nous nous trouvons est dangereuse car elle se prête à des discours qui, pour certains, constituent un appel au repli sur soi et favorisent les nationalismes. Dans une période de crise économique, sociale et identitaire, le projet européen court ainsi le risque d’être détourné vers une impasse. Avec un discours qui biaise la réalité de ce qui pourrait être obtenu ou pas, l’intelligence n’est pas au rendez-vous. Cela ne va pas dans le sens d’un projet qui permet aux citoyens de découvrir d’autres voies pour un avenir différent. Nous partageons beaucoup d’inquiétudes avec les auteurs de la résolution. La situation des agriculteurs, le quotidien des citoyens comme consommateurs ou appréhendé en termes de protection sociale sont des sujets importants à considérer. Mais évitons les procès d’intentions. Et pour que le débat soit constructif, n’utilisons pas les périodes électorales.
Car alors des questions très opportunes deviennent opportunistes, surtout dans le contexte politique que l’on connaît actuellement. Mme Estelle Grelier. Le sujet que nous abordons est particulièrement d’actualité. Le groupe GDR a eu la baraka en inscrivant ce texte dans sa niche trois jours avant les élections européennes, une semaine où, de plus, il y a un round de négociation. Le groupe SRC ne votera pas les amendements d’André Chassaigne. Nous préférons à l’idée de suspension des négociations la nécessité d’une plus grande vigilance, d’une meilleure information des parlements sur la question. Nous insistons également sur l’importance du rôle de la Cour de justice de l’Union Européenne. Lees décisions qui seront prises sont des décisions européennes. Nous sommes 28 autour de la table et le fait est que c’est avant la définition du mandat que se trouvait notre meilleure fenêtre pour intervenir.