(Tribune publiée par l’Express.fr le 16/03/2015)
Le projet de loi biodiversité, qui vient devant l’Assemblée dès ce lundi, prévoit dans son article 69 rien moins que la suppression des sites inscrits. Cette disposition, pour le moins étrange dans un texte qui a pour objet la préservation de notre environnement, menace gravement le statut et l’avenir de 5000 paysages français – représentant 2,6% du territoire national – jugés remarquables.
La grande loi républicaine de 1930 sur les sites est un acquis de presqu’un siècle de protection des paysages et des sites, qui a résisté à trois Républiques et au régime de Vichy et nous est envié dans le monde entier. En effet, les sites inscrits constituent un élément indispensable du dispositif de protection du patrimoine culturel et naturel dont dispose l’Etat. Peuvent être inscrits aussi bien des sites naturels que des sites construits. Il s’agit de sites et d’éléments de patrimoine constitutifs de l’identité de la France, notre identité nationale.
Suivant la technique du joyau et de l’écrin, les sites inscrits servent aussi parfois d’écrin à des sites classés ou à des monuments historiques, en formant une zone de transition à protection souple et légère. Cet outil permet aussi de limiter l’affichage extérieur et la banalisation des entrées de ville. Il permet également de freiner l’étalement urbain, l’une des principales menaces pesant sur les paysages et la biodiversité.
Les sites inscrits participent pleinement à l’attractivité touristique de la France en maintenant la qualité de certains lieux. C'est un outil souple, pérenne et apprécié, nécessaire à la préservation des paysages ruraux, à l'accompagnement de certains classements, à la préservation des Grands Sites de France et des sites naturels ou paysages culturels inscrits au Patrimoine mondial de l'UNESCO.
Ainsi l’utilité patrimoniale, paysagère et environnementale, des sites inscrits n’est pas à démontrer, ce que reconnaît d’ailleurs curieusement l’étude d’impact de la loi elle-même ! En cette année où la France accueillera la Conférence sur le climat, pouvait-on imaginer un symbole et une décision plus désastreux pour l’image du gouvernement et du pays ?
Justifiée par ce qui ressemble davantage à un alibi qu’à un argument, tant son contenu complexifie et opacifie inutilement le droit actuel, cette disposition prévoit de manière pour le moins absurde la suppression du dispositif existant des sites inscrits et sa recréation à minima dans la foulée, au lieu de statuer sur un simple toilettage.
Mais il ne s'arrête pas, si l'on ose dire, en si bon chemin : il va empêcher l'inscription de nouveaux sites, alors que le besoin s'en fait sentir. Il ne dit rien du devenir des sites qui perdront leur inscription. Il néglige complètement le principe constitutionnel de participation des habitants à la décision dès lors que celle-ci affecte l'environnement, qui doit être inscrit dans tout texte de loi afférent. Enfin, il risque d'affaiblir certains sites français du patrimoine mondial de l'Humanité de l'UNESCO, qui pour certains sont inscrits au titre de loi de 1930.
A la vérité, les motivations de cette loi paraissent totalement incompréhensibles, surtout de la part d'une ministre qui a beaucoup fait parler d'elle ces dernières années à propos de la préservation de l'environnement et du respect de la démocratie participative.
Lorsqu'on y regarde de plus près, on découvre d'ailleurs que la Région Poitou-Charentes, pourtant pauvre en sites inscrits, fait partie des territoires qui seraient le plus impacté par leur suppression. 70 % de leur surface disparaitrait. La Région Ile-de-France où la préservation des paysages revêt pourtant une importance majeure, arrive ensuite. La région parisienne compte ainsi 238 sites inscrits pour 157 000 hectares, soit 13 % de sa surface et beaucoup plus que la moyenne nationale. Que faut-il comprendre ? Que des considérations locales liées à la Région d'élection de Ségolène Royal l'emporteraient sur l'intérêt d'autres territoires, voire sur l'intérêt général tout court ? !
Le gouvernement veut-il sacrifier l’Ile-de-France et tant d’autres territoires pour donner satisfaction à d'obscurs calculs locaux, dont on ne sait rien ?
Expliquez-vous, Madame la Ministre !
Nicolas DUPONT-AIGNAN
Député de l'Essonne
Président de Debout la France