Atlantico : Vous avez inauguré ce mardi votre QG de campagne pour l’élection présidentielle de 2017. Quel est l’état d’avancement de cette campagne ? Pensez-vous par exemple pouvoir réunir facilement les 500 parrainages nécessaires pour être définitivement dans la course ?
Nicolas Dupont-Aignan : Je suis assez optimiste, beaucoup de maires nous soutiennent. C’est une tâche difficile et je me battrai jusqu’au dernier moment pour avoir ces 500 parrainages, et je ne doute pas un instant que nous les aurons.
L’ouverture de ce QG ouvre une nouvelle phase dans cette campagne. À partir du moment où l’équipe est rassemblée en un seul lieu, cela simplifie grandement le travail. Nous avons énormément de jeunes bénévoles et de personnalités indépendantes qui nous ont rejoint. Ce QG sera leur ruche et facilitera le travail en commun. Cette nouvelle étape sera également marquée le 7 décembre par un meeting à la Mutualité, où je dévoilerai mes 100 premières propositions et les grands axes de ma campagne à venir.
Ce dimanche, François Fillon a réalisé une importante percée électorale lors du premier tour de la primaire de la droite et du centre. Alors que son positionnement politique est unanimement jugé “plus à droite” qu’Alain Juppé, que signifierait son éventuelle victoire définitive dimanche prochain pour vous ?
Je retiens trois leçons de cette primaire.
La première leçon, c’est que les électeurs n’aiment pas se voir imposer des choix par les médias et les sondeurs. Il y a encore un mois, François Fillon plafonnait à 10% dans les sondages, et personne n’imaginait sa victoire, tant l’obsession du duel Juppé-Sarkozy était grande. Grâce aux débats ouverts, des personnalités différentes ont pu émerger. C’est ce que je demande pour l’élection présidentielle.
La deuxième leçon, c’est qu’il ne faut jamais oublier que seulement 4 millions d’électeurs ont voté ce dimanche, sur 44 millions. Au premier tour de la présidentielle, il y aura 35 millions d’électeurs. Ce qui a été bon pour François Fillon (compte tenu de son programme et de sa personnalité) ne le sera pas obligatoirement au premier tour dans une France en crise.
La troisième leçon, c’est que pour ma part, je veux parler à ces 30 millions d’électeurs qui n’ont pas voté dimanche, qui iront voter au premier tour de la présidentielle et qui – j’en suis convaincu – n’attendent pas un projet de souffrance collective et de mise à l’arrêt de notre économie mais veulent qu’on change de système. C’est à eux que je vais m’adresser et présenter mon projet de redressement national.
Alors que son positionnement sur de nombreux sujets (politique étrangère favorable à Vladimir Poutine, défense des valeurs traditionnelles) répond à ce que vous-même vous proposez, pourriez-vous avoir l’intention de vous rapprocher de lui ?
Je n’ai pas de critiques à faire sur l’homme François Fillon, et je me réjouis de pouvoir débattre avec lui sur des questions fondamentales. Il y a des points d’accord entre nous, mais il y a aussi un très gros désaccord sur la question européenne. Pour être clair, je pense que les problèmes de chômage, d’immigration et de pauvreté de masse ne peuvent pas être résolus dans le cadre de l’Union européenne telle qu’elle est aujourd’hui. Je regrette profondément que François Fillon ne l’ait pas compris.
J’ajoute que son programme tel qu’il est écrit (l’appliquera-t-il ?) créerait une fracture sociale et un désespoir collectif pouvant aboutir à une violente révolution. Je le dis très clairement : je veux présenter un projet radicalement différent pour, au contraire, alléger la fiscalité, récompenser le travail, relancer l’économie et rompre avec Bruxelles. Avouez que ce n’est pas la même chose…
Au-delà de la question de l’Union européenne, comment comptez-vous concrètement vous différencier de François Fillon ?
Je ne cherche pas à me différencier de lui. Je veux juste le convaincre et convaincre les Français qu’il n’y a pas d’issue dans un scénario à la grecque ou à l’espagnole. Ce scénario déflationniste et malthusien est inacceptable. Pour moi, être gaulliste, c’est vouloir l’indépendance de la France et le progrès économique et social. Pour reprendre la phrase polémique de François Fillon sur Nicolas Sarkozy : est-ce que le général de Gaulle se soumettrait au diktat de Bruxelles ? Jamais. Est-ce qu’il entraînerait la France dans une démarche malthusienne et purement comptable ? Jamais.
L’enjeu pour moi est de projeter le pays dans l’avenir. Bien sûr, en réduisant le poids de la fonction publique,pas par une réduction brutale du nombre de fonctionnaires mais par la création de richesses et d’emplois privés et par la relocalisation d’un million d’emplois. Ce n’est pas en sabrant uniquement les dépenses à froid que l’on relancera l’économie privée. C’est d’abord en dynamisant l’économie privée que l’on pourra réduire le poids du service public. J’ai une vision radicalement différente. C’est un beau débat, entre gens honnêtes, que les Français devront trancher.
Eric Anceau, responsable du projet politique de Debout la France, a affirmé que la hausse de la TVA prônée par François Fillon serait un “laminoir absolument complet“. Cela signifie-t-il que vous ne posez pas le même diagnostic que lui sur l’état des finances publiques en France, ou que vous vous différenciez uniquement sur les remèdes à apporter ?
Surtout n’accablons pas les Français avec une hausse de la TVA ! Ils sont déjà assez matraqués fiscalement.
François Fillon nous fera entrer dans le cercle vicieux de la déflation, je plaide pour le cercle vertueux de la relance économique compétitive. Les chefs d’entreprises veulent certes des baisses de charges, mais ils demandent aussi des clients. Je propose des mesures de baisses ciblées. C’est le sens des mesures fiscales que je propose et qui sont réservées aux entreprises qui produisent en France, avec par exemple la division par deux de l’impôt sur les sociétés pour les bénéfices réinvestis en France. Je veux aussi en finir avec la concurrence déloyale en supprimant la directive des travailleurs détachés.
Je rappelle que les Britanniques ont accepté un déficit temporaire important pour réussir leur relance économique. Le déficit d’aujourd’hui est lié à notre perte de compétitivité mais aussi à notre croissance molle. Ce n’est pas en mettant à l’arrêt le pays par une réduction excessive des dépenses publiques que l’on va y arriver. C’est une erreur majeure de politique économique. C’est sur cela que je veux alerter l’opinion.
J’ajoute que François Fillon et moi-même sommes, chacun à notre façon, cohérents. Ceux qui ne le sont pas, ce sont les socialistes qui acceptent cette Union européenne-là tout en maintenant des dépenses publiques trop élevées. François Fillon de son côté estime qu’il faut obéir à Bruxelles et veut donc une cure d’austérité. Mais ce ne sera jamais assez face au coût du travailleur bulgare ou chinois ! Inspirons-nous plutôt des expériences des pays modernes qui réussissent dans la mondialisation (Singapour, Corée du Sud…) : un mélange de politiques protectionnistes et de politiques offensives de recherche scientifique et d’innovation.
Je ne suis pas en faveur de l’assistanat socialiste que je combats, mais j’estime qu’entre cet assistanat et la cure d’austérité à la grecque promise par François Fillon, il y a un autre choix. Il faut une relance de l’économie française par la science, l’investissement productif et la relocalisation nationale. Il ne s’agit pas de partir dans le décor de l’assistanat ou de la dépense publique, mais il ne s’agit pas non plus de se réjouir de la souffrance économique collective. Il existe entre les deux une troisième voie, que je présenterai le 7 décembre.
Nicolas Dupont-Aignan
Député de l’Essonne
Président de Debout la France
Candidat à l’élection présidentielle