Ce 1er mai, GOOGLE augmente ses tarifs de 2% sur Google Ads, afin de compenser la taxe GAFA mise en place en France par le Ministère de l’Économie (idem en Espagne pour la même raison).
L’UDECAM (Union Des Entreprises de Conseil et Achat Média), qui représente les agences de conseil astreintes à ces services de publicité, par une communication le 26 avril, a proposé aux agences média et annonceurs de placer l’équivalent d’achats des 2% de cette augmentation vers des acteurs alternatifs afin de signifier sa résistance à ce GAFA et de le pénaliser pour cet abus de position dominante.
En février 2021, et en partenariat avec un cabinet de conseil, ce représentant des agences média a présenté l’état du marché de la publicité digitale alors évalué à 6 milliards d’euros en France.
La taxe GAFA française (juillet 2019) est établie sur 3% de taxation du chiffre d’affaires national pour les entreprises numériques étrangères ayant fait plus de 25 millions de C.A. en France.
Comme le précise la Revue du Digital, l’UDECAM avait déjà demandé, en septembre 2019, à ces mêmes agences de ne pas “déverser” tous leurs budgets vers le duopole Facebook et Google (76% de parts de marché en 2019 en France).
Amazon et Apple ont également réagi à la taxe GAFA par l’augmentation de leurs tarifs sur leurs clients, vendeurs de biens et de services ou développeurs et exposants d’applications hébergées sur iOS et l’App Store. L’utilisateur final est donc pénalisé directement et indirectement par ces mesures de rétorsion.
Aujourd’hui, pour particuliers, associations, PME-PMI ou même de grandes entreprises, la mainmise des GAFAM (nous rajoutons ici Microsoft), en termes de publicité web, est si énorme qu’il est difficile de résister à une offre de service si puissante, incontournable, garante de visibilité et ce, dans une concurrence ainsi faussée à hauteur de l’effort marketing concédé à un marché fermé …
Côté “personne physique”, si des milliards de données sont collectées par les réseaux sociaux et offreurs de solutions gratuites de messagerie, de stockage de données, cette manne offerte passivement par nous, utilisateurs, avec notre consentement plus ou moins explicite, constituent une Big Data qui est l’or du XXIème siècle pour gérer des ciblages sur une connaissance de nous-même vendable pour la publicité ciblée.
Ici, il s’agit de données personnelles culturelles, d’habitude d’achats, demain, ce seront des connaissances d’humeurs, d’événements familiaux ou relationnels, de santé, de mobilité qui seront vendables aux assureurs et aux sociétés privées de santé. Quels marchés commerciaux de biens et de services resteront indépendants de ce canal unique, de ces médiateurs devenus incontournables et obligatoires dans le modèle numérique client-fournisseur unique ?
Sachant que le RGPD présente un risque élevé de sanctions, les startups et sociétés, même des grands groupes, sont poussées à déporter les données personnelles chez les GAFAM. Il est donc licite de se demander si, finalement, cette mesure de l’UE n’était pas un pur cadeau fait à ces géants américains …
Que ce soit par le déport d’authentification ou l’hébergement en nuage ainsi que les services d’IA, les sociétés numériques et non numériques déversent une grande partie des budgets pour les services coûteux de ces géants. On peut même adhérer au modèle qui suppose que le marché des startups serait de créer sciemment des vaches à lait par une multitude de micros-clients asservis au GAFAM dans leur durée de vie plus ou moins longue … condamné à se financer par des levées de fond pour générer des budgets, puis des dépenses de communication et de publicité pour engraisser les quasi uniques fournisseurs de revenus clé en main … ce modèle auto-alimenté paraît alambiqué mais plus que plausible …
Aucun risque ne viendrait perturber la captation et l’utilisation de nos données personnelles chez un GAFAM vu la dépendance absolue de chacun d’entre nous vis-à-vis de leurs outils pour rester socialement connecté et visible : l’application de cette RGPD n’a plus de sens si une brèche aussi béante demeure. Le 7 décembre 2020, la CNIL a levé des amendes à deux entités de GOOGLE pour un total de 100 millions, pour dépôt de cookies publicitaires sans consentement préalable et information suffisante. Une autre amende de 50 millions, toujours initiée par la CNIL, était tombée contre GOOGLE, en 2019, avec confirmation par le Conseil d’État. Les GAFAM paieront ces sommes dérisoires à l’échelle de leurs bénéfices, useront de leurs pouvoirs ou de lois de leurs juridictions, en toute impunité extraterritoriale, failles juridiques et même complaisances politiques.
Dans ce contexte, Debout la France,
– approuve le sursaut de réactions au monopole des GAFAM, tout en invitant à faire émerger des géants autonomes, français voire européen, de la publicité digitale;
– constate le monopole de captation de ces mêmes entreprises des données personnelles de Français, données par nos concitoyens en échange de services gratuits (recherche, messagerie, visionnage de vidéo, menu stockage de ses médias) créant une donnée intime hautement monétisable par ces géants américains;
– réitère qu’il est plus sain d’appliquer un impôt sur les sociétés par obligation de domiciliation française et de facturation sur notre sol, plutôt qu’une taxe dédiée pour pallier ce mécanisme défaillant, qui pousse les GAFAM à se domicilier dans les paradis fiscaux intra-européens (ici, principalement, l’Irlande, Luxembourg, Pays-Bas);
– dénonce le système favorisant la création de clients pour alimenter une véritable rente pour ces services des GAFAM, entre autres, par la multiplication de petites entités parfois éphémères comme beaucoup de startups, hautement dépendantes de la publicité numérique pour se faire connaître et vendre leurs services, ce qui nécessite des levés de fonds alimentant ce cycle;
– demande un rapatriement et un stockage des données personnelles dans un système français (et non délégué à l’UE …), un cloud souverain, mais suffisamment indépendant de l’État et dont l’accès est monnayable (avec pseudonymisation des données) aux sociétés privées françaises et étrangères qui devraient utiliser celles-ci, pour leurs traitements, en première ligne les monopolistiques GAFAM. L’application du RGPD serait meilleure.
Ce sont ces cinq préceptes qui devraient prévaloir pour notre ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire, ainsi que pour “notre” commissaire européen chargé, entre autres, du numérique, Thierry Breton.
Lionel Mazurié
Délégué National au Numérique