Le 6 juillet, la Première Ministre prononçait devant l’Assemblée nationale, une déclaration de politique générale. Durant 87 min, elle évoquait le pouvoir d’achat, la lutte contre le réchauffement climatique, l’égalité des chances…, mais alors que la lutte contre l’insécurité est une préoccupation importante pour nos concitoyens, les annonces sur ce thème furent minimalistes :
Création de 200 brigades de gendarmerie.
Lors d’un déplacement à Nice le 10 janvier, le Président de la République avait déjà annoncé la création de ces brigades pouvant être constituées sous la forme :
– de permanences assurées au sein de locaux municipaux, de la poste, ou de Maisons France-services (structures relevant du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au sein desquelles les administrés peuvent entreprendre diverses démarches)
– ou d’équipages se déplaçant, à l’aide de véhicules adaptés pour accueillir des usagers et recueillir des plaintes dans les communes les plus éloignées des unités.
Contrairement à ce que pourrait laisser penser les propos de la Première Ministre, le dispositif ne vise pas à créer de nouvelles brigades territoriales autonomes, mais à faire évoluer le mode de fonctionnement d’unités existantes.
Il n’y a aucun engagement à revenir sur les 500 fermetures de brigades réalisées ces 15 dernières années
Doublement de la présence des forces de l’ordre sur le terrain d’ici 2030
Le taux de présence des forces de l’ordre sur la voie publique est en baisse, passant pour la Police nationale à 37 % contre 39,5 % en 2012, alors que les services en charge des missions de sécurité et paix publique ont connu une baisse de leurs effectifs de 10% en 10 ans (selon une note de la Cour des comptes de novembre 2021)
La Première Ministre a précisé que l’objectif sera atteint en partie grâce aux recrutements, ce qui pourrait suggérer que les personnels nécessaires policiers et gendarmes seront recrutés
Le Président de la République avait fait déjà cette annonce en septembre 2021.La précision avait été apportée que ceci passerait principalement par l’engagement de volontaires réservistes, dont le nombre dans la police nationale serait porté à 30 000 pouvant être armés (contre 7000 non armés actuellement).
Ceci supposerait de résoudre de nombreuses difficultés pratiques (processus de sélection/ encadrement des réservistes, articulation de la réserve avec l’activité professionnelle des réservistes etc..).
Par ailleurs quelques jours de formation peuvent-ils suffire pour rendre apte une personne de la société civile à participer armée à une patrouille au sein d’un secteur sensible et à faire face aux diverses situations conflictuelles qu’elle rencontrerait ?
Les solutions utilisées par la gendarmerie (qui emploie depuis longtemps des réservistes volontaires armés) ne sont pas directement transposables à la Police nationale, du fait des différences structurelles et fonctionnelles entre les deux institutions. La Cour des comptes l’a souligné dans un rapport d’avril 2019 :
« la montée en puissance de la réserve de la police nécessiterait, d’une part, de dégager des moyens importants pour former les futurs réservistes alors que les écoles de police doivent déjà absorber les nouveaux recrutements et, d’autre part, de mobiliser les forces d’active nécessaires pour les encadrer. Cette double contrainte, alors que les dotations budgétaires inscrites en loi de finances sont à peine suffisantes pour maintenir l’emploi des réservistes au niveau actuel, paraît difficile à lever à court terme »
Le recours à des réservistes volontaires peut permettre de compléter efficacement l’action des forces de l’ordre. Mais améliorer de manière significative la visibilité et la qualité des interventions des forces de l’ordre ne peut s’envisager sans renforcer en personnels titulaires spécifiquement formés, les services en charge de la surveillance générale de la voie publique et des interventions police-secours.
Proposition d’une loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur
En février 2021, était lancé le « Beauvau de la sécurité », un cycle de concertations présenté comme devant permettre d’établir les bases de cette proposition de loi, sous le scepticisme de nombre d’observateurs (constats et analyses ayant été déjà faits à maintes reprises). Une suite continue de concertations avait notamment été engagée depuis le lancement en 2017des études préalables à l’instauration de la Police de Sécurité du Quotidien (réforme à l’époque annoncée comme devant permettre de lutter enfin efficacement contre l’insécurité et la délinquance)
Le livre blanc pour la sécurité intérieure, publié en 2020 a listé près de 200 mesures susceptibles d’améliorer la situation et lors du conseil des ministres du 16 mars 2022, un projet de loi a déjà été présenté. Depuis, lors des campagnes pour les récentes élections, les mouvements politiques ont fait des propositions qui auraient pu retenir l’attention de ce gouvernement.
On ne peut dès lors que s’étonner que la Première Ministre n’ait pas été en mesure de préciser davantage les mesures principales que pourrait contenir la future proposition de loi, ni les grandes orientations de sa politique en matière de lutte contre l’insécurité.
Ce gouvernement n’a pas pris la mesure des attentes de nos concitoyens, de la gravité de la situation, et de l’urgence d’apporter des réponses concrètes.
Bruno Grangé
Délégué National à la Sécurité