L’Union européenne est morte en Artsakh. Ni à Berlin ni à Paris mais dans ce territoire peuplé d’Arméniens depuis des millénaires et annexé par la Russie après sa guerre contre la Perse (1804-1813). Un siècle plus tard, la Première Guerre mondiale puis la Révolution soviétique redessinent les cartes et renomment les territoires. En 1915, plus d’un million et demi d’Arméniens sont exterminés sur leurs terres ancestrales, un génocide encore nié par la Turquie actuelle. De 1918 à 1920, cette politique d’extermination se prolonge sur le territoire litigieux de l’Artsakh, à l’initiative de l’Azerbaïdjan créé en 1918. Trois ans plus tard, en violation complète du droit international représenté alors par la Ligue des Nations, Staline fait volte-face et offre au nouvel État un cadeau de naissance : l’Artsakh, désormais nommé Haut-Karabagh. Pour ce dictateur, seuls comptent les besoins en pétrole et la nécessité de ménager la Turquie voisine.
Tout change pour que rien ne change. Avec la guerre en Ukraine, L’Union européenne a choisi d’importer le gaz d’Azerbaïdjan. Bien incapable de savoir si, sous étiquette de Bakou, elle n’achète pas aussi du gaz russe revendu un tiers plus cher : un moyen pratique pour la Russie de contourner les sanctions et un marché de dupes pour les Européens dont la facture énergétique s’envole. Mais le président Aliev est un partenaire fiable et digne de confiance, d’après la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Pendant neuf mois, les habitants d’Artsakh ont subi le blocus du corridor de Latchine, les reliant à l’Arménie. Après avoir affamé les 120 000 habitants présents dans l’enclave, Bakou est passé à la vitesse supérieure en bombardant Stepanakert, la capitale, puis en terrorisant et en massacrant les civils des villages frontaliers, dont des enfants. Devant l’inégalité des forces en présence, un cessez-le-feu a été annoncé le 20 septembre.
La diplomatie du Panthéon. Depuis le cessez-le-feu, les habitants d’Artsakh fuient en masse vers le Syunik en Arménie, région que revendique désormais l’autocrate Aliev, partenaire très fiable dans ses atrocités. L’épuration ethnique et culturelle est en cours : les monastères sont détruits, les croix de montagnes arrachées. Que vaut encore cette Union européenne qui observe sans broncher ce crime contre l’humanité ? Quelles sont ses valeurs ? Où sont ses sanctions ? Cette machine technocratique organise en accéléré « et en même temps » les faillites économiques et morales de ses pays membres.
Il y a un an déjà, Nicolas Dupont-Aignan condamnait l’attaque « de nos frères arméniens » et exhortait le Président Macron à renouer avec la diplomatie non alignée du général de Gaulle. Y a-t-il encore une diplomatie française défendant un monde multipolaire ? À défaut d’aider les Arméniens à vivre sur leurs terres, le Président français accompagnera l’entrée dans leur dernière tombe, au Panthéon, des résistants Mélinée et Missak Manouchian. La messe est-elle dite ?