Il ne se passe pas un jour sans que se commettent en France des actes criminels et délictuels gravissimes pour la paix civile sans que l’Etat ne réagisse efficacement.
Les exemples foisonnent ces derniers jours. N’en prenons que trois :
- A Moirans des dizaines de gens du voyage, tous citoyens français, contestant une décision de justice se permettent de commettre en bande organisée des infractions multiples (occupation des voies ferrés, incendie de voitures de particuliers, dégradations de biens publics et privés cela pendant des heures sans aucune réaction digne de ce nom des forces de l’ordre. A l’heure actuelle : aucune interpellation. cela n’est pas étonnant car il y a déjà eu le précédent incroyable de l’occupation par les gens du voyage de l’autoroute A1 pendant une journée avec incendie volontaire. Cette occupation illicite de l’espace public et les crimes et délits commis non pas sur un laps de temps réduit mais pendant de longues heures n’a amené là aussi à aucune interpellation. Le Premier Ministre Manuel Valls se sent obligé d’aller sur place (on se demande d’ailleurs si c’est son rôle) délivrer un message de soi-disant fermeté et d’utiliser comme à chaque fois les mots d’ « inadmissible », « intolérable » et tant d’autres qui n’ont aucune traduction réelle. L’incantation et la communication ont remplacé l’action. La seule question qui se pose est de savoir si le gouvernement a donné l’ordre aux forces de l’ordre de ne pas intervenir par peur des réactions d’individus se reconnaissant comme faisant partie d’une communauté en marge de la République. Ce n’est malheureusement pas la première fois. Nicolas Sarkozy avait d’ailleurs dans son célèbre discours de Grenoble vilipendé les « Roms », de nationalité bulgare et roumaine pour la plupart alors que les fauteurs de troubles étaient les gens du voyage, citoyens français.
Il faut quand même rappeler que les policiers et gendarmes doivent intervenir pour interpeller les auteurs d’infractions pénales comme la loi les y oblige, fut ce au prix de leur sécurité personnelle à la différence des citoyens ordinaires.
L’impunité est devenue la règle. Cet état de fait est encouragé par les discours officiels qui n’ont pas changé au fond entre la gauche et la droite : l’accent est toujours mis sur le rétablissement de l’ordre. Or il y a confusion entre la notion de maintien de l’ordre du domaine de la police administrative et en application des règles relatives aux manifestations (en rappelant qu’en France une manifestation est soit déclarée et tolérée, soit interdite, mais n’est jamais autorisée contrairement à ce qui est communément admis) et la notion de police judicaire qui impose à tout policier et gendarme d’interpeller les auteurs d’une infraction et de les déférer à l’autorité judiciaire.
Depuis des années tous les gouvernements mais particulièrement celui au pouvoir actuellement ont toujours confondu ces deux notions en faisant toujours prévaloir – avec le succès que l’on sait – le maintien de l’ordre sur l’interpellation des criminels et délinquants. Cette politique est une catastrophe. Les émeutes à but criminel qu’a connues la France ces dernières années (voitures incendiées lors des fêtes nationales, émeutes à la Gare du Nord, à Amiens, à Grenoble, etc….) ont deux caractéristiques essentielles : leurs auteurs appartiennent à des communautés sociales (les gens du voyage) ou ethniques (Maghreb et Afrique sub-saharienne) et il n’y a soit aucune interpellation, soit de très rares interpellations, qui favorisent dans tous les cas l’impunité réelle des auteurs de ces infractions.
La France est-elle tellement dépourvue de moyens qu’il est impossible d’interpeller quelques dizaines de voyous ? Si c’est le cas il faut d’urgence doter les forces de l’ordre d’une part de l’autonomie de décision et d’autre part de moyens d’intervention rapide sans oublier l’aspect judicaire indispensable à une répression efficace.
Il faut donc rétablir et développer l’intervention massive de policiers en civil, recréer et développer dans les grandes villes les brigades de voltigeurs motorisésinstitués par Raymond Marcellin et supprimés par Robert Pandraud après la mort de Malik Oussekine et, surtout, il faut rétablir les dispositions de la loi anticasseurs qui permettait une responsabilité collective des émeutiers. Il est intéressant de remarquer que ce soit sur le plan tactique ou sur le plan opérationnel, que ce sont des gouvernements de droite qui ont démuni les forces de l’ordre des moyens matériels et juridiques indispensables. Cette politique d’abandon a été poursuivie par les gouvernements de gauche, le dernier avatar en date étant la suppression des grenades offensives après le drame de Sivens. Ce n’est pas aux gouvernements à intervenir sur les plans opérationnels et tactiques. Le rôle d’un ministre consiste à définir une politique à long terme et une stratégie. Mais depuis trop d’années on a pris l’habitude de voir des ministres et même et surtout des présidents de la République oublier leurs fonctions : dialogue surréaliste de François Hollande avec la jeune Leonarda, perte de toute crédibilité de Nicolas Sarkozy qui oubliant le droit (curieux pour un ancien avocat !) a systématiquement employé les termes de présumé coupable au lieu de présumé innocent, qui a parlé de l’arrestation de Colonna assassin du préfet Erignac alors que celui-ci est un suspect ou un auteur présumé sans oublier le fameux « nettoyage au karcher » et le « on va vous en débarrasser », les instructions farfelues données au RAID de prendre Mohammed Merah vivant, comme si on pouvait dire le contraire et comme si les policiers ne connaissaient pas leurs missions. Ces discours et ces attitudes qui ne sont que de la communication venant de la part des deux chefs d’Etat ne sont pas à la hauteur de la fonction.
- A Marseille, il ne se passe pratiquement plus de semaines sans que des règlements de compte entre bandes de trafiquants de stupéfiants n’aient lieu sans intervention des forces de l’ordre. Là aussi l’Etat se montre impuissant. Il compte les morts mais ne peut mettre fin à cette situation anarchique. C’est quand même un comble que la police connaisse parfaitement les immeubles où se font les trafics de stupéfiants, que la police sache que ces trafics rapportent chaque jour jusqu’à 50 000 euros aux trafiquants, que tout un immeuble vive sous la menace des trafiquants et que personne ne prenne les mesures radicales pour mettre fin à ces situations. Comme manifestement les responsables ne savent pas quels moyens employer, on peut leur donner les conseils suivants : contrôles des voitures et des personnes entrant dans les immeubles, fouilles et perquisitions de tous les appartements et caves, présence policière permanente en nombre suffisant et cela pendant des mois et des années et non pendant quelques jours ou, dans le meilleur des cas, pendant quelques semaines par des CRS qui viennent et qui repartent – les délinquants sachant parfaitement que le temps joue pour eux, interpellation systématique des consommateurs. La répression va de pair avec la prévention et, le plus important, est la permanence dans le temps des mesures restrictives de liberté tant que la situation n’est pas revenue à la normale.
Le dernier règlement de comptes à Marseille met aussi en lumière l’absence de la police la nuit et plus généralement l’absence des forces de police dans les lieux publics : la vidéo-surveillance est utile mais ne remplace jamais l’intervention des forces de l’ordre. Un très mauvais signal avait déjà été donné en janvier par les frères Kouachi qui, en plein Paris, après avoir commis pendant de très longues minutes des actions criminelles, avaient quand même réussi à quitter la capitale en voiture. L’absence de présence policière sur la voie publique peut être constatée chaque jour par tous les habitants et ne parlons même pas de la nuit où des commissariats et gendarmerie sont fermés, où des villes entières sont laissées sous la surveillance d’une poignée de policiers (moins de 10pour des villes de 100 000 habitants notamment dans les villes de banlieue en pleine nuit !) sans la présence d’aucune hiérarchie.
- A Calais enfin, des migrants plus ou moins clandestins, demandeurs ou non d’asile se heurtent de plus en plus fréquemment et de plus en plus violemment aux forces de l’ordre. Là aussi avec tous les effectifs de police et de gendarmerie présents sur place. Est-ce si difficile d’interpeller (pas de disperser) 100 ou 200 individus qui commettent tous des infractions pénales ? Nous sommes ici dans la même configuration que pour les émeutes causées par les gens du voyage : aucune interpellation, aucun flagrant délit constaté, aucun déferrement en justice.
Faudra t`-il un drame avec mort d’homme pour prendre des mesures efficaces ? On peut, là aussi, rappeler au gouvernement que les expulsions de délinquants étrangers peuvent de faire par des moyens militaires et pas par des moyens civils uniquement.Et que des policiers en civil sont aussi efficaces que des policiers et des gendarmes en tenue !
En 2015, la France s’enfonce chaque jour dans le non-respect de la loi. Des pans entiers de la société échappent à toute règle républicaine. L’inaction quasi-totale des pouvoirs publics découragent les forces de l’ordre, mais aussi et surtout exaspère les citoyens victimes, non pas d’incivilités, mais de crimes et de délits. Le sentiment d’impunité des criminels et délinquants est chaque jour plus vif. Il est temps de donner un coup d’arrêt à cette gabegie ou chienlit (au choix) de cet Etat qui est plus le signe d’une république bananière que d’un Etat de droit. Ne nous trompons pas : cette dérive porte en elle les germes d’une fracture profonde de la société dans laquelle nous vivons. Les efforts pour revenir à une situation normale seront immenses mais absolument nécessaires faute de quoi la démocratie et la République ne seront plus qu’un souvenir.
Eric Stemmelen, délégué national à la Sécurité publique