Douleur immense, mais aussi sang-froid et lucidité. Il faut rendre l'hommage qui s'impose aux 12 victimes et avoir une pensée pour les familles. La liberté d'expression n'a pas de prix et c'est elle qui était évidemment visée aujourd'hui. Nous devons tout faire pour la défendre face à l'obscurantisme et, par-delà les divergences d'opinions, rendre hommage au courage de ceux qui viennent de laisser leur vie, les journalistes, mais aussi les deux policiers qui les protégeaient.J'aime la formule que Charb avait reprise à Zapata et à Camus lors du premier attentat contre Charlie Hebdo: "Je préfère mourir debout que de vivre à genoux". Toute proportion gardée, beaucoup d'entre nous se retrouvent dans la formule et se refusent à être des moutons bêlants ou des brebis craintives. Beaucoup d'entre nous sont aussi ce soir dans les différentes marches.
Après le temps de l'indignation doit cependant venir celui des mesures. Je ne parle pas de la poursuite des auteurs de cette tuerie abominable et de leur châtiment qui s'imposent d'eux-mêmes, mais des mesures de fond.
Tout angélisme et tout laxisme seraient non seulement une injure à la mémoire de ceux qui sont morts mais aussi un autre crime, un crime de lèse-société dans le climat actuel de délitement généralisé que nous connaissons. Inévitablement, le crime fait le jeu des extrémistes alors que les plus hautes autorités de l'Islam et du monde arabe viennent pourtant de le condamner. Pratiquer ici aussi la politique de l'autruche c'est cautionner cette montée à l'extrême. Beaucoup de politiques semblent aujourd'hui abasourdis et disent leur effroi. Il ne fallait pourtant pas être grand clerc pour deviner ce qui allait arriver et ce qui se reproduira nécessairement si nous ne changeons pas radicalement de façon d'agir.
Le rétablissement de l'Etat dans la plénitude de ses prérogatives et de ses moyens s'impose. Au moment de la tuerie, mon fils récitait "Liberté" de Paul Eluard en classe et je pense que nous aimerions tous que les enfants de nos enfants puissent encore le réciter demain.
Eric Anceau
Responsable du projet de DLF