La novlangue néolibérale les qualifie de « travailleurs détachés ». Même si le Commissaire Bolkenstein n’a pas pu aller aussi loin qu’il le souhaitait du fait du référendum français de 2005, l’explosion du nombre de travailleurs étrangers en France explique en partie l’explosion du chômage.
Une législation avantageuse
A l’origine était la directive Bolkenstein. Cette directive de la Commission visait à libéraliser les services dans l’Union Européenne, et faciliter la concurrence entre les européens. Techniquement, elle aurait permis à un roumain de venir travailler en France aux conditions roumaines (salaire, protection sociale, droit du travail). Mais devant la révolte des électeurs français contre le plombier polonais, les eurocrates avaient du faire marche arrière, mais pas sur tous les aspects du projet…
En effet, si l’Union Européenne impose à imposer les mêmes conditions de travail (SMIC, droit du travail, horaires), le système comporte trois brèches majeures. Tout d’abord, les fraudes sont tellement courantes que même la Fédération Française du Bâtiment demande plus de contrôles et d’inspecteurs du travail pour faire respecter la loi. Ensuite, il est bien évident qu’un salaire plancher est insuffisant pour assurer une concurrence loyale : il est bien évident qu’un maître de chantier polonais ou roumain se contentera du SMIC ou d’un peu plus, contrairement à un salarié français…
Mais la plus grosse faille vient du fait que les intérimaires étrangers ne cotisent pas à notre système de protection sociale, ce qui peut réduire de 40% leur coût de travail ! Assistance recrutement affirme : « tout en respectant la législation en France, l’intérimaire dépend de la loi fiscale et sociale de son pays d’origine. A salaire équivalent, il est donc possible de réaliser des économies substantielles ». Agri-tempo, spécialisé dans l’agriculture soutient que « les salariés polonais (…) ne sont pas redevables des cotisations sociales françaises, ce qui permet de vous proposer des prix attractifs ».
Un immense désastre social
Comme le rapporte le Figaro, deux députés viennent de remettre un rapport, qui complète celui du Sénat sur l’impact de l’élargissement sur le BTP. Ils soulignent que cela profite à l’Allemagne (qui n’a pas de SMIC), où le coût du travail dans les abattoirs est « trois fois inférieur au coût français ». Ils dénoncent également la condition « d’esclave moderne » de ces travailleurs à bas coût, qui dorment « dans des hangars ou sur une simple paillasse, (sont) nourris de boîtes de conserve ».
Il y a un an, le Parisien avait révélé une note du ministère du Travail qui affirmait que le nombre officiel de ces travailleurs avait triplé en 4 ans, passant de 40 000 à 110 000 de 2006 à 2010, mais qu’en réalité, le chiffre était deux à trois fois plus important. En 2011, le chiffre a encore grimpé de 30%, à 145 000 officiellement. On peut donc estimer qu’il y a entre 300 et 500 000 travailleurs étrangers en France. D’innombrables anecdotes montrent l’ampleur du phénomène.
Certaines professions sont très touchées. Dans le transport routier, la part de marché internationale des transporteurs français est passée de 46 à 17% de 1999 à 2010 ! La profession estime qu’un tiers de ses 350 000 salariés sont aujourd’hui menacés, avec la montée du cabotage (les entreprises étrangères ont pris 3,6% du marché intérieur). Le président de la FFB soutient que « ces pratiques relèvent du dumping, bafouent les règles sociales et fiscales en vigueur sur le territoire ».
Non contente de nous soumettre à une concurrence mortifère d’un point de vue commercial, qui explique une grande partie des fermetures d’usines et de la montée du chômage, cette Europe vient porter la concurrence au sein même de nos pays. Jusqu’où faudra-t-il descendre ?