A croire que le Figaro est totalement inconscient. Le quotidien de droite se réjouit de « l’offensive d’Airbus sur le marché américain ». Pourtant, cette offensive est surtout une catastrophe de plus pour notre industrie, encore et toujours pénalisée par cette monnaie trop chère.
Des Airbus de moins en moins européens
Bien sûr, Fabrice Brégier, président de l’avionneur européen fait son travail en expliquant que cette délocalisation « aura un effet sur les emplois en Europe », mais comment le croire ? Dans la réalité, Airbus va investir 500 millions d’euros dans une usine dans l’Alabama et y créer un total de 5000 emplois. Ce sera la quatrième usine d’assemblage de l’A320 après les sites de Toulouse, Hambourg et Tianjin en Chine, alors que Boeing ne produit qu’aux Etats-Unis.
Le président d’Airbus explique que ce sera le moyen d’augmenter sa part de marché aux Etats-Unis, qui reste coincée à 25%, alors que l’avionneur européen dépasse aujourd’hui les 50% dans le monde. Si cette implantation permettait en effet de nettement faire progresser les ventes de l’avionneur outre-Atlantique, alors on pourrait en conclure que cela n’est pas trop grave, mais on peut en douter car Boeing fait un lobbying effréné contre l’entreprise européenne.
Ensuite, point que Fabrice Brégier n’évoque pas, mais que le Monde précise bien : « Airbus cherche à réduire ses coûts en assemblant des appareils aux Etats-Unis », d’autant plus que l’Alabama est un des Etats où l’affiliation à un syndicat n’est pas obligatoire. Bien sûr, le patron d’Airbus affirme que l’assemblage ne représente que 5% de la valeur ajoutée, mais il est probable que les pièces détachées seront davantage achetées outre-Atlantique qu’en Europe…
L’histoire sans fin
Malheureusement, cette histoire n’est pas nouvelle car en 2008, comme je le rapportais sur mon blog, l’euro cher avait déjà poussé des fleurons de notre industrie à réduire la voilure en Europe. Louis Gallois, alors PDG d’EADS expliquait que « si cela continue, l’industrie exportatrice fuira l’Europe », parlant « d’asphyxie » et de « marges laminées ». Airbus, comme Safran à l’époque, avaient alors décidé de se fournir de plus en plus aux Etats-Unis pour se protéger de l’euro cher.
La cherté de l’euro explique le fait qu’Airbus achète une part de plus en plus grande de composants aux Etats-Unis pour protéger sa compétitivité par rapport à Boeing. C’est ainsi que la compagnie étasunienne Spirit fournira une grande partie du fuselage du futur A350. Car les délocalisations peuvent prendre une forme plus discrète que l’implantation à l’étranger. Il suffit d’augmenter la part des composants achetés à l’étranger, tout en produisant toujours en Europe.
En effet, les économistes estiment que l’euro devrait valoir entre 1 et 1,15 dollar maximum, ce qui signifie que la monnaie unique est encore surévaluée de 20% par rapport au billet vert, pénalisant grandement les industriels européens qui souhaitent exporter, à moins de vendre des produits de luxe. Du coup, dans la compétition mondiale qui l’oppose à Boeing, Airbus est obligé de produire et acheter en dehors de la zone euro pour rester compétitif par rapport à son rival.
L’industrie aéronautique est un exemple dramatique des conséquences de la politique monétaire absurde menée par l’Europe. Qu’Airbus, le fleuron de notre industrie, en soit réduit à produire et acheter en dehors d’Europe devrait pourtant faire réfléchir…
Laurent Pinsolle
Porte-parole de Debout La République