Ministre et anciens ministres de l’Agriculture, présidents de la République en exercice ou battu, vous vous pressez tous en pleurs au chevet d’une agriculture française à l’agonie. Oui, aujourd’hui l’agriculture française est à l’agonie: un agriculteur se suicide tous les deux jours, en 25 ans le pays a perdu plus de la moitié de ses exploitations agricoles, le revenu des agriculteurs est soumis à un yoyo vertigineux et dans nombre de filières, notamment le lait et l’élevage, la surproduction fait chuter les prix sous les coûts de revient.
Vous, Stéphane Le Foll, Michel Barnier, Bruno Le Maire, François Hollande et Nicolas Sarkozy, avez donc de bonnes raisons de pleurer, d’autant plus que vous êtes les premiers responsables de ce champ de ruine… Car depuis une quinzaine d’années, c’est vous qui avez capitulé à Bruxelles et bradé la seule politique communautaire qui marchait, la PAC.
«Bons européens», volontiers donneurs de leçon sur la nécessaire adaptation de l’agriculture au «nouveau monde»:
– vous avez en réalité matraqué nos petites exploitations de charges et d’une pression administrative étouffante ;
– vous avez sacrifié la qualité des produits issus de nos terroirs en les exposant à une concurrence déloyale qui tire les prix vers le bas: notamment l’Allemagne qui a recours à des travailleurs «esclaves» low-cost de Turquie ou d’Europe de l’Est ;
– c’est enfin vous qui accueillez aujourd’hui religieusement le traité transatlantique qui portera le coup de grâce à notre agriculture.
Tout le monde savait que la suppression des quotas laitiers début 2015 risquait de dévaster le lait français, dont la seule planche de salut, la montée en puissance annoncée et durable du marché chinois, devait finalement se révéler illusoire.
En 2007, vous, Michel Barnier avez délibérément capitulé face à la logique du libre marché exigée par Bruxelles en supprimant la régulation des prix garantis du lait et en acceptant le plafonnement des aides directes:»Elle [La France] n’adoptera pas une position opposée à la proposition de la Commission d’un plafonnement des aides» (Interview de M. Barnier, Gazeta Wyborcza, 30/11/2007).
Sans ces prix garantis, les exploitants sont exposés sans aucun filet de sécurité aux fluctuations des cours mondiaux, qui s’envolent une année et s’effondrent la suivante, les mettant à la merci d’industriels imposant des prix d’achat de misère. C’est en avril 2008, sous la pression de Bruxelles, où vous Michel Barnier briguiez un confortable fauteuil de Commissaire, que la DGCCRF a supprimé le tarif recommandé du lait.
Moins de deux ans plus tard, c’était votre tour, Bruno Le Maire, qui avez soutenu la suppression des quotas laitiers – entrée en vigueur le 1er janvier 2015 – alors qu’ils protégeaient nos filières de la concurrence déloyale: «Je n’en ai pas voulu [du système des quotas] car je ne l’aurais jamais obtenu.» (B. Le Maire à l’Assemblée Nationale, 16/09/2009).
L’existence de ces quotas, dans la filière laitière comme dans d’autres, garantissait une quantité de production et des prix d’achat compatibles avec les structures et les contraintes, normatives et autres, propres à chacun des pays européens. Une fois supprimés, la porte était grande ouverte à la mise en concurrence sauvage d’agricultures nationales totalement différentes, condamnant en particulier celle de notre pays, dont les spécificités ne lui permettent pas d’affronter une concurrence européenne très déloyale.
Tout le monde savait que la suppression des quotas laitiers début 2015 risquait de dévaster le lait français, dont la seule planche de salut, la montée en puissance annoncée et durable du marché chinois, devait finalement se révéler illusoire.
Il ne s’agira pas de fossiliser une agriculture du passé mais d’inventer celle du nouveau siècle …
Enfin, Stéphane Le Foll, actuel ministre de l’Agriculture, vous vous contentez de faire de la figuration dans des Conseils européens où la France n’a plus les moyens juridiques et politiques d’inverser la vapeur, ayant signé et approuvé des accords condamnant à mort son agriculture. Vous tentez ainsi désespérément d’acheter la paix sociale auprès de nos agriculteurs en multipliant des promesses d’aides d’urgence dérisoires, qui ne font pas illusion.
Il est pourtant possible de remonter la pente, car l’agriculture française dispose de l’essentiel, de ses atouts incomparables qu’elle peut faire fructifier: de ses hommes et de ses femmes, des terroirs, des espaces, des trésors de savoir-faire, des jeunes prêts à s’engager, d’une variété enviée de paysages et de climats, d’une industrie de transformation parmi les plus performantes au monde, de compétences scientifiques reconnues, de chambres d’agricultures innovantes…
Mais il faut d’abord vouloir, comme l’avait voulu le général de Gaulle qui avait osé la politique de la chaise vide en 1965 et modernisé une agriculture promise, croyait-on alors, au déclin. Et comme le prouve encore aujourd’hui l’opiniâtreté d’un David Cameron qui a obtenu beaucoup de dérogations et d’adaptations pour son pays en osant taper du poing sur la table…
Il faut remettre les choses sur les rails, c’est un préalable indispensable: réguler certaines productions comme le lait et établir un dispositif de prix garantis planchers et de quotas nationaux, mettre fin au travail détaché en Europe, supprimer les charges salariales sur les employés agricoles contre la création d’une taxe minime sur la grande distribution qui profite de marges trop abusives, rétablir la préférence communautaire et immédiatement mettre un terme aux négociations sur le TAFTA.
Il ne s’agira pas de fossiliser une agriculture du passé mais d’inventer celle du nouveau siècle: à Debout la France, nous savons qu’il faut réguler le marché agricole comme le font depuis des décennies et continuent de le faire tous les pays développés du monde, notamment le Canada ou la Suisse. Nous voulons une agriculture performante, qui relève les défis de la concurrence loyale, innove et avance.
Vous, présidents et ministres, qui n’avez que l’Europe à la bouche mais êtes les fossoyeurs de l’agriculture en Europe et en France, séchez donc vos larmes de crocodiles et, enfin, laissez-nous sérieusement sauver l’agriculture française!
Nicolas Dupont-Aignan
Député de l’Essonne
Président de Debout La France