380000 dans les années 80, 88000 en 2009, 60000 aujourd’hui, les producteurs de lait n’ont pas le moral. Ce n’est pas nouveau, me direz-vous ! Epandage de lait ou de fumier, ils ont régulièrement montré leur désaccord. Au-delà de la plainte, c’est aujourd’hui une vraie souffrance et un découragement grandissant. La Mutualité Sociale Agricole a sorti le mois dernier des chiffres qui nous ramènent à la réalité. Sans compter la progression du nombre de dépressions, les premières analyses annoncent « 30% de suicides en excès parmi les paysans lorsqu’on les compare à la population française ». Devant ce malaise, des cellules pluridisciplinaires voient le jour depuis 2011 au sein des MSA pour « détecter, accompagner et orienter les personnes en situation de fragilité ». Mais derrière un agriculteur en difficulté qui est détecté, de nombreux préfèrent rester dans le silence et s’isolent dans leur ferme. Derrière les images chocs et marquantes de quelques-uns, c’est toute une profession qui meurt dans le silence.
Depuis la crise du lait de 2009, que de pansements ! Que de tables rondes ! Que d’enveloppes financières annoncées ! Mais voilà, les réponses à court-terme laissent de nombreux « éleveurs sur le bord du chemin ». Pas assez compétitifs, pas assez regroupés… Après la restructuration des exploitations agricoles, l’industrie agro-alimentaire va devoir aussi s’adapter : l’exemple de Candia qui a fermé 3 usines n’est que le début d’une réorganisation imminente. Elle est pourtant tellement logique : la diminution des producteurs de lait sur un territoire entrainera la fermeture de nombreux sites et gonflera les chiffres du chômage déjà tellement désastreux.
Lors de cette crise, on a demandé aux producteurs de lait d’attendre la Loi de Modernisation Agricole. Bruno Le Maire, a scandé pendant des mois que le premier objectif de cette loi était de garantir aux agriculteurs un revenu qui leur permette de vivre dignement. Depuis sur les tables de ferme est posé un contrat d’adhésion de cinq ans sans prix où l’agriculteur accepte définitivement de se lier à une laiterie. Selon les industries, les pressions sont plus ou moins fortes. Signataires ou pas, l’agriculteur est plongé dans l’inconnu ! Cette contractualisation a vu le jour grâce à Bruxelles où main dans la main, les groupes PPE et S&D, nos représentants de droite et de gauche ont voté le mini-paquet lait. Aujourd’hui, on demande aux agriculteurs d’attendre la modification de la Loi de Modernisation de L’Economie…
Monsieur Le Premier Ministre, en annonçant, 25 euros/tonne de lait d’augmentation, vous êtes dans la continuité des politiques précédentes. Des effets d’annonce, rien de plus puisque le prix de base du lait est annoncé baissier de 20 euros entre mars et avril ! Où est l’augmentation ? Vous le savez bien, avec un prix du lait en 2013 qui est le même qu’il y a 20 ans mais greffé de charges d’exploitation qui ont explosé et des mises aux normes coûteuses à rembourser, le nombre de producteurs va encore diminuer. L’enveloppe de 20 Millions d’Euros, annoncée par le Ministre de l’Agriculture, ne sera qu’une enveloppe de plus pour aider les Jeunes Agriculteurs et les jeunes investisseurs à passer l’année. Et après ? Le découragement se constate même chez les plus fervents éleveurs qui se détournent, pour ceux qui le peuvent, de cette production.
Monsieur Le Premier Ministre, si le poing de la régulation n’est pas tapé sur la table de Bruxelles, si les charges de production ne sont pas prises en compte dans la contractualisation pour assurer un prix du lait rémunérateur, je donne rendez-vous au gouvernement à la fin des quotas en 2015, pour compter le nombre de producteurs de lait qui auront jeter l’éponge, le nombre de salariés du monde para-agricole sur le carreau et constater la provenance du lait bu par les Français.
Anne Boissel
Membre du Bureau national de DLR
Déléguée nationale à l’Autosuffisance et à la Qualité alimentaire