La filiale de livraison par drone du leader UPS a reçu la première autorisation de la FAA (Federal Aviation Administration), tout début octobre, pour exploiter une flotte de drones de livraison aux Etats-Unis et ce, de façon illimitée. Les livraisons commenceront par les commandes hospitalières … Des autorisations restreintes avaient déjà été données, il y a quelques mois, comme pour Wing d’Alphabet (la maison-mère de Google) pour l’état de Virginie en avril 2019. Amazon et Uber, entre autres, attendent ce même type d’autorisations, la première, pour étendre, de zones restreintes à tout le territoire, la livraison de ces produits et la seconde société, pour lancer ses taxis volants …
Technologiquement prêts, des drones, comme ceux de l’américain Flirtey, volent pour 95 % des conditions météorologiques. L’heure du déploiement mondial est donc venue. Vous avez, un dimanche après-midi l’idée du besoin d’utiliser un taille-haie ? Celui-ci, acheté ou loué par un clic sur votre smartphone, pourra vous arriver dans vos mains … dix minutes après pour repartir, seul par les airs, quelques heures après !
Une fois n’est pas coutume, cette révolution technologique était prévisible et annoncée. La France, sans doute dubitative quant à l’utilisation étendue des drones pour les livraisons domestiques sur son territoire, s’est plutôt concentrée soit sur les drones ludiques soit sur des drones pour le secteur militaire et le transport volumineux. C’est ainsi le cas pour Airbus (par sa société Survey Copter) qui va fournir des drones pour le site logistique de la e-Valley de Cambrai. La Base aérienne 103 est ainsi transformée en vaste zone logistique de plus de 700 000 m2 d’entrepôts à 35 minutes de vol de Paris et 20 minutes de Bruxelles …
Les Français et les autres pays européens disposent-ils des technologies compétitives ou sommes-nous dépendants de drones extra-européens moins coûteux et plus efficients ? Une fois encore, l’absence de toute stratégie industrielle européenne est criante.
En revanche, la Commission Européenne s’est empressée d’édicter des règles en instaurant une charte, pour les pays membres, qui entrera en vigueur en juillet 2020 (information de juin 2019). En substance cette charte imposera :
– Une immatriculation dès 250 grammes (était de 800 gr. en France par la loi de 2016),
– Un système de bridage obligatoire pour empêcher les drones de rentrer dans une zone interdite (terrain militaire, centrale nucléaire, site sensible),
– Une formation et une certification requises pour les télépilotes,
– Une obligation d’être identifiable à distance pour les drones de plus de 900 gr.
Le survol des habitations (hors foules) sera de-facto autorisé, pour les drones de moins de 25 kg pilotés à vue, ce que ne permet pourtant pas la législation française actuelle.
Le spectre de ces autorisations étant européen, on peut craindre, à terme, des abus de multinationales qui utiliseront le droit européen contre le droit français. Pour beaucoup d’entre elles, y compris françaises, cette notion de frontière intra-européenne n’a plus de sens pour peu que leurs intérêts priment ! Ainsi, la compétition sera donc ardue et accrue contre les autres sociétés des pays européens.
Les ciels nationaux glisseront sous une juridiction européenne qui délèguera à des agences locales son pouvoir à l’image de ce que fait notre CNIL via à vis du Comité Européen de la Protection des Données pour la RGPD.
L’Union Européenne, là encore, concrétise bien la disparition des souverainetés nationales à toutes les échelles : de l’immatériel (les lois mais aussi la monnaie, la fiscalité) jusqu’au matériel, éléments qui nous entourent ou que nous possédons, le plus fin qu’ils soient.
Debout la France propose un plan industriel concret pour relever ce nouveau défi :
– L’agence française dédiée à la régulation de notre espace aérien devra prendre en compte cette nouvelle donne pour gouverner, de la façon la plus autonome possible, en autorisations, en nombres, fréquences et zones de survols en tout contrôle, toute quiétude (heures d’exploitation autorisée) et avec des risques les plus limités possibles.
– Lancement en urgence, avec les acteurs français et si nécessaire, européens, d’un plan de développement technologique et industriel nous dotant ainsi des moyens pour affronter les géants du net (GAFA et NATU en particulier). Faute de quoi, nos entreprises seront vite en position défavorable et perdront inexorablement leurs parts de marché dès l’arrivée éclair de ces ogres sur notre territoire (colis, fret, livraisons spécialisées type hospitalières).
– Ce plan stratégique devra associer aussi nos PME et pas seulement les grands groupes. Il est vital que l’ensemble des entreprises commerciales qui souhaitent utiliser des drones efficients disposent d’une solution française et ne soient pas acculées à dépendre de l’étranger.
Lionel Mazurié
Délégué national au numérique