J’ai assisté ces derniers mois à plusieurs réunions sur la situation de l’accès aux soins et du système de santé dans l’Oise, département dans lequel j’exerce la médecine de proximité à Noyon. J’ai aussi participé à une conférence sur la médecine de futur ainsi que sur la prévention.
Comme tous nos compatriotes peuvent hélas le constater, la situation est préoccupante avec le départ en retraite de nombreux médecins ces derniers mois. Or le citoyen a droit à la protection à la santé, valeur socle de notre République. Nos dirigeants successifs n’ont pas anticipé les besoins de la médecine liés au vieillissement et à l’accroissement de la population. Pire, ils ont organisé une pénurie en pensant que réduire le nombre de médecin baisserait le nombre de malades !
Je ne peux que déplorer que, malgré l’urgence et le consensus autour de cette question, le sujet a très peu été abordé lors du grand débat. Heureusement, les élus de terrain cherchent à pallier comme ils le peuvent les déficiences des gouvernements.
Les maires, les communautés de communes, essaient de faire venir des médecins ou de créer des nouvelles entités comme les maisons de santé pluridisciplinaires ou les centres de santé avec des médecins salariés. Ils rencontrent malheureusement beaucoup d’inertie et de contraintes administratives qui viennent retarder leurs initiatives.
Dans l’Oise, un plan santé départemental a pour objectif de donner envie à des professionnels de s’installer dans ce département à la fois rural et si proche de l’agglomération francilienne. Ce plan tient compte du logement, de la garde d’enfant, des loisirs, de l’attractivité d’un territoire, des opportunités pour le numérique liées à la fibre optique. Un premier centre de télémédecine s’est ouvert dans l’Oise que je compte aller visiter prochainement.
Les efforts des élus locaux et des maires sont d’autant plus méritoires que la santé est une compétence de l’Etat. Il est aberrant que certaines communes doivent mettre la main à la poche pour pallier les carences du gouvernement alors que les dotations nationales baissent !
La situation sanitaire de notre pays devient préoccupante : augmentation des maladies chroniques, du diabète, des addictions, de l’obésité, des maladies auto-immunes chez les adolescents en particulier ainsi que des maladies mentales – ces dernières vont toucher 20% de la population.
Face à cela, la prévention a une place beaucoup trop limitée dans notre pays : sédentarité, hygiène de vie, alimentation, santé environnementale sont autant de facteurs de risque avec de très fortes inégalités culturelles, sociales et territoriales.
Ces dérives sont d’autant plus dramatiques que jamais la médecine n’a été aussi développée, les dernières avancées thérapeutiques étant tout à fait encourageante. Nous enregistrons beaucoup d’innovations dans les médicaments, dans l’immunothérapie, les thérapies ciblées ou encore les biomarqueurs. En oncologie, on recherche des anomalies génétiques héréditaires pour une médecine de précision ou médecine personnalisée. En 2020, 50 % des patients auront des anti-cancéreux oraux, des thérapies ciblées de précision, un traitement plus confortable, compatible avec une vie sociale. Le tout avec une réduction des coûts : le patient devient le centre de la chaîne de santé et un acteur de sa prise en charge.
Véritable révolution technologique, l’intelligence artificielle peut faire peur à juste titre mais va changer notre façon de vivre. Avant, chaque individu accédait à l’information ; aujourd’hui cet individu devient lui-même l’information.
Dans le futur, celui qui maitrisera l’IA maitrisera le monde… La Chine, la Russie, les USA sont présents… La France et l’Europe sont extrêmement en retard…
Les professionnels de santé qui sont les premiers touchés par cette révolution sont les radiologues et les dermatologues car le robot est beaucoup plus performant… mais à terme toutes les spécialités en « …logue » seront concernées.
L’IA va révolutionner la médecine et les études de médecine ; les futurs médecins seront des « hybrides » médecins ingénieurs en IA , dotés d’exo -cerveaux, qui dépassent de loin les limites de l’entendement humain.
Déjà aujourd’hui le robot a de bien meilleures performances que le médecin humain avec un diagnostic :
– plus fiable , tenant compte de toutes les spécificités du patient , son génome et son environnement ,
– plus rapide : en quelques secondes contre 4 à 6 semaines actuellement pour un séquençage génomique
– beaucoup moins coûteux ; le robot travaille 7 j sur 7 sans grève , sans absentéisme
– disponible en n’importe quel endroit du monde , ce qui règle le problème des déserts médicaux ..
Il est donc urgent de développer des technologies de santé françaises et éviter les monstres numériques chinois ; la Chine investit énormément dans ce domaine.
Quelle sera la place de l’humain dans cette nouvelle médecine ?
Il faut une implication active de la personne dans sa santé ; or la motivation est de moins en moins là ; le patient entend des messages complexes et souvent discordants.
Avoir une prévention dès le début de la vie, les 1000 premiers jours de la vie sont fondamentaux ; avec la naissance, l’allaitement et ses vertus, le rôle de l’environnement, l’épigénétique, le rôle du microbiote, de la vitamine D, des oméga 3…
Beaucoup de choses à faire autour du style de vie, du sommeil, de l’activité physique .
Insister sur le sport. Les pouvoirs publics ont tout intérêt à construire des pistes cyclables, des squares de jeux, des terrains de sport, sans discours de culpabilisation des parents…
Poursuivre la lutte contre le tabac ; 78 000 morts par an ; 1 fumeur sur 2 va mourir de son tabac. On note cependant une légère baisse de consommation mais c’est lié au temps passé sur internet et les réseaux sociaux ! il y a donc un déplacement d’une addiction vers une autre ! Nouveau fléau, la toxicité très importante de la chicha qui se développe dans nos villes.
Prévenir le déclin cognitif tout au long de la vie, en sollicitant son cerveau sans modération, en particulier par la lecture et les nouvelles technologies car le cerveau ne s’use essentiellement que si l’on ne s’en sert pas ! 80% des maladies d’Alzheimer pourraient être évitées dès l’enfance.
En conclusion, il ne s’agit plus de se contenter de faire un état des lieux pessimiste de la situation , et d’augmenter la consommation de médicaments (tout en déremboursant l’homéopathie !) mais de se poser les bonnes questions du pourquoi de cette augmentation des maladies chroniques, de décider d’une politique de vraie prévention primaire, bien en amont des premiers symptômes…
Il faut aussi ouvrir les yeux sur cet avenir proche qui va complètement changer la médecine et la manière d’appréhender la santé… Beaucoup de travail en perspective…
Véronique Rogez
Déléguée nationale de Debout La France en charge de la Santé
Médecin généraliste avec orientation homéopathique