Attentats de Paris : l’énigme du passeport syrien
Bouleversé et prostré comme tout un chacun par l’horreur qui s’est abattue ce 13 novembre 2015 sur Paris, je suis profondément perturbé par le fait que l’un des terroristes soit détenteur d’un passeport syrien qui a transité par Leros, enregistré le 3 octobre. Or, le jour de mon avant-dernière chronique grecque écrite en date du 4 octobre (la n°9 : « Le flux ne se tarit pas » voir site DLF34) j’avais croisé sur les quais de Lakki un groupe de 4 ou 5 hommes qui avait attiré mon attention : des adultes autour de 45-50 ans d’allure plutôt sportive, pour l’un au moins, et deux autres beaucoup plus jeunes dont un très jeune et plutôt chétif. Des migrants, j’en voyais tous les jours mais ceux-là m’avaient paru suspects. Une impression due non pas à leur look ou à une quelconque apparence vestimentaire ou pileuse mais à leur comportement qui différait des centaines d’autres que je croisais presque quotidiennement. Une conduite à la fois plus décontractée et moins désespérée, assortie surtout d’une attitude de défiance imperceptible qui n’était pas vraiment conforme au comportement solidaire de tous les autres. Bref, ils semblaient trop repliés sur eux-mêmes, plus précautionneux, en un mot : plus conspirateurs… et cela m’avait intrigué. Un pressentiment qui s’est accru lorsque j’ai croisé le regard de l’un d’eux, l’un des plus âgés. Ce n’était pas un regard amical. J’ai senti qu’il cherchait à savoir qui j’étais. Mauvaises ondes…
Du coup, je suis passé deux fois devant eux et je me maudissais de n’avoir pas avec moi un appareil photo avec un zoom capable de les prendre de loin. Mais, comme mon épouse dit toujours que j’ai tendance à céder un peu trop facilement à la suspicion, comme il est surtout de bon ton de s’interdire tout délit de sale gueule, et comme je n’avais aucune preuve tangible, alors je me suis dit que je me faisais mon cinéma. Je me suis réprimé et n’ai pas jugé bon d’évoquer cette anecdote dans ma chronique. Je me suis contenté de parler des bureaux de fortune installés à même la rue du commissariat de Lakki pour accélérer les procédures d’enregistrement (photo à l’appui) et n’ai fait que m’interroger sur le grand « n’importe quoi » de l’espace Schengen qui déresponsabilise les pays frontaliers. Dénonçant le fait que les îles grecques du Dodécanèse, débordées, enregistraient à tour de bras les nouveaux arrivants afin de se débarrasser au plus vite du flot de migrants qui les submerge, j’y regrettais l’absence de véritables centres d’enregistrement (Hot-Spot) en attribuant la faute de cette carence non pas à la Grèce qui fait ce qu’elle peut mais à l’Union Européenne.
Devant l’horreur des attentats et à l’annonce de ce passeport syrien passé par Leros, l’image de ce groupe m’est revenue spontanément en mémoire et me hante. Le kamikaze qui s’est fait sauter aux abords du stade de France était-il parmi eux ? Rien ne le prouve, peut-être se cachait-il ce jour-là à Lakki parmi d’autres migrants qui n’ont pas spécialement attiré mon attention.
En tous cas, l’évènement confirme la suspicion que j’évoquais dans ma 3ème chronique (« Quand la météo est bonne », le 11/09/2015), à savoir que certains groupes n’avaient rien d’avenant et qu’il faudrait être bien stupide pour ne pas imaginer que l’Etat Islamique ne saisirait pas cette aubaine migratoire pour infiltrer autant de commandos que possible. Même un demi pour cent d’infiltration représente un chiffre impressionnant de djihadistes par rapport de la masse globale de migrants, soit environ 4000.
Dénier cette réalité par bien-pensance ? Une telle naïveté serait leur faire injure.
Patrick Guiol, Correspondant DF34 en Grèce
Conseiller national DLF
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