Les bons et les mauvais points de la rentrée à l’Education nationale

En cette rentrée scolaire, quatre points ont retenu tout particulièrement notre attention. Les échos qui nous parviennent de la France entière (enseignants du primaire, parents d’élèves et étudiants en École supérieure du professorat et de l’éducation) confirment malheureusement les craintes que nous avions formulées depuis l’an dernier et ne laissent rien présager de bon. En revanche, le ministre nous a réservé deux agréables surprises et, parce que nous sommes dans une opposition non sectaire, responsable et constructive,  nous nous devons de le souligner.

 

Charte de la laïcité

L’actualité la plus brûlante concerne la Charte de la laïcité affichée aujourd’hui dans tous les établissements scolaires publics du primaire au lycée. Nous pouvions à bon droit avoir quelques craintes entre l’ultra-laïcité militante défendue à plusieurs reprises par Vincent Peillon, en particulier dans son ouvrage de 2008, La Révolution française n’est pas terminée et qui entend « écraser l’infâme » (entendez par là le catholicisme), s’appuie dans ce but sur une histoire orientée et mythifiée et érige précisément la laïcité au rang de nouveau culte officiel d’une part, et les propositions du laboratoire d’idées Terra Nova très proche du parti socialiste qui mettent à mal la laïcité française au nom du respect des cultures et religions d’origine d’autre part.

Or le document final qui circulait déjà depuis plusieurs jours et qui vient d’être officialisé et qui porte la marque de l’Observatoire de la laïcité mis en place par le ministre semble plutôt bon. Pour l’essentiel, il correspond à la vision de la laïcité que nous nous faisons à Debout la République et que nous avons présentée le 6 avril dernier dans notre grand colloque sur la cohésion nationale, celle d’une laïcité à la fois respectueuse des différences de chacun et ferme sur les valeurs de la République française.

La Charte rappelle la loi française ni plus ni moins (loi de séparation des Églises et de l’État de décembre 1905, préambule de la Constitution de 1946, Constitution de 1958,…). « La Nation, stipule-t-elle, confie à l'école la mission de faire partager aux élèves les valeurs de la République ». L’article 1er précise que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », le 2e que « l’État est neutre à l’égard des convictions religieuses ou spirituelles » et le 3e que « chacun est libre de croire ou de ne pas croire ». Comme le souligne l’article 6, la laïcité de l’école vise à protéger les jeunes « de tout prosélytisme et de toute pression qui les empêcheraient de faire leurs propres choix ». L’article 7 rappelle que «la laïcité assure aux élèves l’accès à une culture commune et partagée ». Celle-ci permet, selon l’article 8, « l’exercice de la liberté d’expression ». Par ailleurs, le texte insiste à bon droit sur le fait que les élèves ne peuvent ni ne doivent contester le programme d’une matière au nom de leurs convictions religieuses ou politiques car « aucun sujet n'est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique », mais aussi que la laïcité garantit l’égalité entre les filles et les garçons et « implique le rejet de toutes les violences et toutes les discriminations » et enfin que «le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ».

Un doute demeure néanmoins que l’article 15 ne fait que renforcer. Cet article qui indique que « par leurs réflexions et leurs activités, les élèves contribuent à faire vivre la laïcité au sein de leur établissement » laisse la porte ouverte à plusieurs interprétations que le guide d’accompagnement fourni aux professeurs et aux  chefs d’établissement ne permet pas de lever totalement. Autorisera-t-on certains enseignants à faire œuvre de propagande laïque ? Se donnera-ton réellement les moyens pédagogiques d’expliquer les autres articles ? S’ils ne sont pas respectés, des sanctions appropriées seront-elles données ?


Allègement des programmes en histoire et géographie

Les programmes d'histoire-géographie de 3e et de Terminale des séries économique et sociale, littéraire et professionnelles étaient critiqués par la grande majorité des enseignants pour leur lourdeur et aboutissaient, en raison du volume horaire à disposition, à un simple survol par les élèves de thèmes mal conçus, qui s’enchaînaient les uns et les autres parfois sans aucun lien et à un rythme infernal. Le ministère a annoncé qu’ils allaient être fortement allégés dès cette année, en attendant une refonte en profondeur des programmes de toutes les disciplines.

Le 19 septembre, des projets d'aménagements seront présentés mais, là encore, des informations ont filtré. Certains, parce qu’ils ont entendu le mot « allègement » ont poussé des cris d’orfraie, confondant le remède et le mal.

En Terminale, les allègements porteraient principalement sur les questions patrimoniales et quelques thèmes périphériques, justement identifiés par les enseignants à l’usage comme peu pertinents et chronophages. Les programmes de 3e seraient recentrés sur les deux guerres mondiales, les régimes totalitaires, l’histoire politique de la France. Enfin, les enseignants retrouveraient toute latitude pour réinsérer l’étude du régime de Vichy et de la Résistance dans celle de la Seconde Guerre mondiale. Nous nous réjouissons de ces changements comme nous nous étions réjouis, à l’automne dernier de la réintroduction par Vincent Peillon de l’histoire-géographie en Terminale S.

Cependant, en Terminale, le programme resterait conçu comme un ensemble de thèmes de réflexion transversaux, approche discutable dont on a surtout le sentiment qu’elle satisfait les « pédagogues » au détriment de l’intérêt des élèves. Notons que ces programmes qui n’ont qu’un an d’existence doivent être revus, impression d’improvisation qui donne malheureusement un sentiment de déjà vu, preuve surtout, s’il en était besoin, d’un problème plus profond.

Celui-ci que nous avons maintes fois souligné concerne la baisse du niveau des élèves. Plutôt que de chercher à la combattre, le ministère donne l’impression de vouloir l’accompagner. C’est pourquoi nous craignons que le Conseil supérieur des programmes qui sera institué dans le courant de l’année et qui se penchera sur la refonte des programmes de toutes les disciplines et de toutes les classes de la maternelle au lycée à l’horizon 2017 ne procède à de nouveaux allègements… cette fois pour le pire !

 

Rentrée des Écoles supérieures du professorat et de l’éducation

Il en découle ce troisième aspect de la rentrée malheureusement passé sous silence par les grands médias : la mise en place des ESPE, clés de voûte du nouveau système, mises en place à marche forcée au cours de l’été et inaugurées avec une certaine improvisation depuis quelques jours. Toutes les craintes que nous avions formulées depuis plusieurs mois se trouvent ici confirmées.

Rappelons que les ESPE ambitionnent de former une seule et même « communauté d’enseignants, de la maternelle à l’université » par le pédagogisme. Comme l’indiquent les emplois du temps distribués dans plusieurs d’entre elles ces derniers jours, la pédagogie, non seulement de la discipline mais aussi globale, tend à peser plus lourd que la discipline que les nouveaux professeurs seront amenés à enseigner. Des cours seront dispensés sur la psychologie de l’enfant y compris pour des étudiants qui se destinent au lycée et trois stages dits d’observation, de pratique accompagnée et d’ouverture auront lieu tout au long de l’année à partir d’octobre sans que les moyens nécessaires n’aient été prévus dans les établissements, comme nous l’ont signalé plusieurs chefs d’établissements et professeurs. Le tout se fera au détriment de l’enseignement de la discipline. Certains étudiants s’en sont plaints devant nous en disant qu’ils avaient choisi l’enseignement pour transmettre l’amour d’une discipline et non pour apprendre les dernières théories des sciences de l’éducation chères au tandem Meirieu-Dubet. Par ailleurs, ces mêmes étudiants sont désormais vivement encouragés à s’inscrire aux concours bivalents de type « lettres-histoire » ou bien « mathématiques-sciences » dont le but, rappelons-le, est triple pour le ministère : accompagner la baisse générale du niveau, faire des économies et gérer plus facilement le « stock » d’enseignants en les rendant polyvalents.

Lors des premières réunions dans les ESPE, il est apparu aux étudiants que l’évaluation était élevée au rang de dogme ou plutôt de discipline à part entière. Il est évident que l’on a besoin d’évaluer l’élève, ne serait-ce que pour déterminer son degré de compréhension du savoir enseigné. La notation permet également de sélectionner les élèves afin de déterminer quelle sera leur future place dans la Nation. Cela peut éventuellement être critiqué lorsque la notation n’est plus qu’un moyen de départager les élèves, d’autant plus que la notation est souvent subjective, en particulier dans les matières où la rédaction occupe une place prépondérante. Cependant, nous passons ici à l’excès inverse, bien pire : la détestation de la notation. On apprendra donc à évaluer par d’autres moyens… Lesquels ? de simples remarques points trop blessantes ?

Enfin, il a bien été précisé aux étudiants qu’il leur faudrait privilégier la sanction à la punition. Si cette substitution sémantique peut paraître en apparence anodine, il n’en n’est rien. Elle sous-tend le laxisme. L’enfant n’a-t-il pas besoin de se confronter à l’autre et la punition ne fait-elle pas partie de ce rapport d’altérité ? En se proposant de lui enlever ce mode de socialisation, nous pensons que les ESPE entravent sévèrement sa construction individuelle. Cela nous amène naturellement au quatrième point de la rentrée qui a eu tendance à occulter tous les autres. Il est indiscutablement « le » sujet dont parlent le plus les parents concernés.

 

Aménagement des rythmes scolaires du primaire

A Debout la République, nous prônons le retour aux enseignements fondamentaux dans le primaire à commencer par le français et les mathématiques. Or, avec l’aménagement des rythmes scolaires et le développement des activités périscolaires, le ministère a accompli l’exploit de laisser l’accessoire éclipser l’indispensable et de faire oublier les quelques points intéressants de la loi dite de « refondation de l’école ».

4 000 communes – dont quelques métropoles  dirigées par un maire socialiste – ont décidé de revenir dès cette année à la semaine de quatre jours et demi, les autres soit les cinq sixièmes de celles qui possèdent au moins une école préférant attendre prudemment de voir comment le vent allait tourner. Les remontées du terrain de près de 2 000 écoles montrent que la mise en place est difficile et surtout entraîne de profondes disparités. On peut parler de vraie atteinte au principe d’égalité républicaine.

Notons tout d’abord que la gratuité totale envisagée dans un premier temps au ministère a été abandonnée, les 250 millions d’euros avancés pour la mise en place de la réforme ne suffisant pas. Certes, dans la plupart des communes, les activités périscolaires sont gratuites ou financées par une somme symbolique de quelques centimes d’euros, mais dans d’autres, les parents devront débourser plusieurs euros par semaine.

A Paris où les maires ont déployé de gros moyens, vitrine de la réforme oblige et élections municipales de 2014 à l’horizon, pas moins de 7 700 ateliers sont proposés dans 662 écoles à 137 000 écoliers. Á l’inverse, dans de nombreuses petites communes sans argent les élèves doivent se contenter de la garderie tous les soirs. La diversité prévaut aussi dans les emplois du temps. La plupart des écoles ont choisi de suivre les directives du ministère et de travailler le mercredi matin… mais d’autres ont obtenu par dérogation que ce soit le samedi matin.

Chaque commune est libre d’organiser la semaine scolaire comme elle l’entend, à charge d’y intégrer pas moins de trois heures d’activité périscolaire. Ici, la classe se termine donc chaque jour à 15 h. 30, là à 15 h. 45, voire à 16 h. et dans ce cas c’est la pause-déjeuner qui s’allonge.

Un problème que ne semblent pas du tout avoir prévu les technocrates du ministère est celui de l’endroit où pourrait s’effectuer ces activités au sein des écoles. Une alternance a dû être mise en place dans l’urgence dans certains établissements : pendant que certains enfants sont en ateliers périscolaires, d’autres jouent dans la cour. Qu’en sera-t-il lorsqu’il fera froid l’hiver ?

Enfin, une totale liberté a été laissée dans le choix des encadrants. Sans même parler de l’absence de contrôle de leur compétence, que dire de leur disparité et de celle des activités qu’ils proposent ! Dans les grandes villes, il est évidemment possible de puiser dans le réservoir associatif, mais ailleurs c’est plus difficile. De nombreuses communes ont donc dû faire appel à des retraités. Ici a été mis en place un atelier coloriage, là une initiation à la pêche à la ligne ou un atelier jeu de sociétés. On ne nous a pas encore parlé des ateliers de relaxation, en d’autres termes ce fameux temps de repos la tête sur la table, mais cela ne saurait tarder.

Nous nous faisons décidément une autre idée de l’enseignement et de ce que devrait être une véritable refondation de l’école de la République.

En ces quatre domaines comme sur tous les autres dossiers, nous restons vigilants.

 

Eric Anceau
Membre du Bureau national de DLR
Délégué national à l’assimilation et à la cohésion nationale