Avant de déconstruire les stéréotypes, le gouvernement devrait aider les enfants à se construire et arrêter de mettre la société française sens dessus-dessous.
Une folle rumeur prétendant que le gouvernement allait enseigner la masturbation en maternelle s’est répandue comme une traînée de poudre à travers la France depuis quelques jours et de nombreux parents, cédant à une crainte irrationnelle mais compréhensible, ont retiré leurs enfants de l’école. S’il faut condamner ceux qui jettent de l’huile sur le feu en travestissant la réalité pour provoquer l’agitation, il ne faut pas exonérer pour autant le premier et le principal fautif en l’affaire, le gouvernement, qui a bel et bien ouvert une boîte de Pandore en prétendant vouloir lutter contre les discriminations.
Pour tenter de désamorcer la crise ou de détourner l’attention, Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem prétendent maintenant que d’immondes réactionnaires les accusent à tort de vouloir introduire à l’école une « théorie du genre » qui n’existerait pas alors que la nouvelle pédagogie mise en œuvre s’appuie sur les avancées des études sur le genre (gender studies). Il y a quelques jours, Vincent Peillon déclarait pourtant : « L’Education nationale refuse totalement la théorie du genre »… admettant donc son existence. Se reporter quelques mois en arrière c’est d’ailleurs se rappeler que les deux ministres utilisaient l’expression fréquemment. Après tout, Judith Butler, la papesse des études sur le genre, l’emploie bien elle-même !
En fait, le problème est beaucoup plus grave et revêt deux dimensions :
1°) Contrairement aux études sur le genre qui visent avec plus ou moins d’objectivité à appréhender les constructions sociales de genre, il y a bien, en l’espèce, une volonté normative dont l’objectif est de déconstruire systématiquement toute différence sexuelle. Plutôt que de théorie, je proposerai même de parler d’idéologie. Je me permets de renvoyer à l’ouvrage du philosophe Dany-Robert Dufour, Le Divin Marché, la révolution culturelle libérale qui montre excellemment comment le genre est au cœur de l’idéologie libérale-libertaire et postmoderne du Marché qui puise sa force dans le fait qu’elle a remplacé l’interdit par l’incitation.
2°) L’expérimentation de cette déconstruction est faite sur des enfants de maternelle et du primaire avec un programme appelé Les ABCD de l’égalité lancé conjointement par les deux ministres et qui doit être généralisé à terme. Du fait qu’avant le XXe s., les petits garçons étaient vêtus comme les petites filles, qu’un Ecossais peut porter le kilt et un Arabe la djellaba, on en déduit, par exemple, qu’il est naturel que Papa porte une robe, l’un des albums-clés de cette nouvelle pédagogie. Des contes patrimoniaux comme La Belle au bois dormant ou Cendrillon qui participeraient au « renforcement de stéréotypes précocement institués dans les pratiques de diffusion à l’école et dans les médias » sont stigmatisés. La déconstruction ne s’arrête pas aux portes de la classe mais se poursuit dans la cour de récréation. C’est ainsi que les jeux traditionnels comme les gendarmes et les voleurs ou la balle au prisonnier sont condamnables car ils reviennent à écarter les plus faibles. Il faut imaginer des « jeux où les perdants ne sont pas éliminés ».
Bien avant d’apprendre à déconstruire les stéréotypes, nos enfants doivent se construire.
Notre école qui est en chute libre dans les classements internationaux et qui vient d’être chamboulée par la réforme des rythmes scolaires a surtout besoin de remettre l’accent sur l’enseignement du français et des mathématiques.
Notre société demande que le gouvernement s’attaque au chômage de masse et à la montée des communautarismes non qu’il suscite sans cesse de nouvelles polémiques.
Enfin la juste cause de la lutte contre toutes les formes de discrimination dont l’homophobie fait partie et la promotion indispensable de l’égalité sociale entre les hommes et les femmes ne méritent pas d’être ainsi instrumentalisées et desservies.
Eric Anceau, délégué national à l’assimilation et à la cohésion nationale