Le parlement en session à Strasbourg pour la dernière fois avant les vacances d’été s’apprête à fêter ce lundi en grande pompe (et à nos frais) l’adhésion officielle de la Croatie à l’Union européenne malgré la méfiance édifiante des Croates.
La Croatie, charmant petit pays des Balkans d’une superficie de 55 000 m2 et habité de 4 200 000 âmes a déclaré son indépendance de la Yougoslavie en 1991. Le pays compte parmi les plus pauvres d’Europe juste devant la Bulgarie et la Roumanie et il est en récession depuis 2009, il n’était donc pas le meilleur candidat à l’adhésion à une union déjà fort empêtrée dans une crise économique et pourtant…
La commission européenne a versé 245 millions d’euros entre 2007 et 2011 à la Croatie par le biais de l’Instrument à la préadhésion (à ce titre la Turquie aura touché plus d’un milliard d’euros pour la même période). En 2010 la Banque d’Investissement Européenne (BEI) a prêté 200 millions d’euros au pays encore candidat. Ce prêt de la BEI devait contribuer à la réalisation d’investissements d’un montant de quelque 800 millions d’EUR, qui visaient à répondre aux besoins à long terme de l’économie croate et à mettre le pays en conformité avec les normes européennes dans plusieurs secteurs clés. Pour finir, la Croatie recevra en cadeau de bienvenue une dotation financière de € 93.5 millions d'euros pour l’année 2013.
Les chiffres ne sont pas choquants en soi, car nous savons depuis fort longtemps que pour les bureaucrates de Bruxelles l’argent des autres n’a pas de valeur. Ce qui est choquant en revanche c’est que depuis le début des pourparlers de candidature, les Croates sont eux fortement opposés à l’Union européenne. En 2010 La question A8 d’un sondage de la Commission Européenne, publié tous les six mois et qui mesure le sentiment des européens vis-à-vis de l’Union posait la question suivante : « Tout bien considéré, estimez-vous que votre pays a bénéficié /bénéficierait ou non de son appartenance à l’Union européenne ? « La Croatie peinait à enregistrer un petit 36% pour une moyenne générale de 57% .La question Qa10.10 à la page 180 du même lien demandait si ils avaient plutôt peu confiance en l’union européenne. Réponse de nos amis Croates 33% pour une moyenne de 48% ! À nouveau le plus faible des résultats, battant les Britanniques champions de l’euroscepticisme à plat de couture.
Après la lecture de ce sondage j’ai pris un vol en direction de Zagreb, décidée à essayer de comprendre la réticence de ce qui ressemblait fort à un village d’irréductibles Gaulois . J’ai eu l’occasion de rencontrer des gens de tous poils ; entrepreneurs, directeurs d’associations, employés de restaurants, enseignants, badauds sur les marchés, étudiants et intellectuels. Le sondage n’avait pas menti, la grande majorité de ces personnes n’étaient pas sceptiques ils étaient convaincus voire europhobes. Et pour cause…
Le pays a bataillé pour son indépendance depuis le XI ème siècle et son dernier combat pour l’indépendance lui a arraché 20 000 vies. Depuis lors, le petit peuple vaillant a reconstruit son économie tant bien que mal et s’est épanoui dans la souveraineté. Hors de question de se replonger dans le fédéralisme notamment au moment de l’épisode grec . À cela s’ajoute, la privatisation du secteur naval, fleuron de l’industrie croate jusqu’alors soutenu par les finances publiques dont découlent des milliers d’emplois, l’arrestation d’un héros guerre, Ante Govina, emprisonné à la Haye pour 24 ans, un profond désaccord en terme de découpage des eaux territoriales avec la Slovénie, et pour finir une méfiance vis-à-vis d’une Union farouchement anti-religion dans un pays qui se déclare à 88% Catholique ne font qu’apporter du poids dans la balance anti- UE.
Pour combattre ce scepticisme qui dérangeait, l’UE a matraqué la Croatie à coup de millions d’euros de propagande européiste juste avant le référendum et a supprimé les débats de la scène médiatique. L’on a fait venir le Pape Benoit XVI pour prêcher la messe en européen et Ante Govina a donné sa consigne de vote (oui) depuis sa cellule. La cerise sur le gâteau ; le ministre des affaires étrangères a expliqué que le gouvernement ne pourrait plus payer les retraites en cas de victoire du « non » Décidément l’élite politique ne lésine pas sur les moyens quand il s’agit d’assurer son avenir politique.
Ainsi donc malgré 56% d’abstention le oui l’a remporté en janvier 2012 et récemment douze euro-députés ont été élus avec un taux de participation de 20% .
Donc ce soir, pendant que le gotha européen se gargarisera le gosier à coup de Champagne, je lèverai un toast à mes amies, Alis et Oxana qui pendant des années se sont battues pour offrir un débat sur l’UE, encaissant le mépris des politiciens sous les yeux complices des médias.
Zdravlje hrvatski narod !
Laure Ferrari
Membre du Bureau national de DLR
Déléguée nationale à l'Europe des Nations et des Projets