Il n’y a pas qu’à Chypre que les plans européens se succèdent de manière désordonnée. Début février, un accord discret a été trouvé entre l’Irlande et la BCE à l’occasion de la liquiditation de la mauvaise banque issue des nationalisations de 2009 et 2010. La discrétion n’était pas sans raison.
Quand la BCE refinance l’Irlande en douce
Je tiens à remercier Maguy Girerd pour m’avoir transmis cette information abracadabrantesque peu diffusée dans les médias. Comme le rapporte ce papier fouillé de la Tribune, la BCE et Dublin ont conclu un accord assez stupéfiant en urgence début février. Le point de départ est la procédure de liquidation de l’IRBC (Irish Bank Resolution Corporation), la « mauvaise banque », ou structure de défaisance de l’Anglo Irish Bank et de Nationwide, nationalisées pendant la crise.
Cette liquidation se serait faite dans l’urgence, en quelques heures à peine, pour mettre Dublin en position de force face à la BCE. En effet, l’IRBC avait levé 30 milliards d’euros auprès de la BCE grâce à une reconnaissance de dettes équivalente de l’Etat Irlandais auprès de l’IRBC. Chaque année, Dublin reversait 3 milliards à l’IRBC, qui permettait à cette dernière de rembourser sa créance à la BCE. Mais la liquiditation d’IRBC a cassé ce schéma et imposé une renégociation.
En contre-partie, comme le rapporte la Tribune, l’accord a été remplacé par « le versement direct à la BCE d’une obligation de 40 ans de maturité et portant intérêt à 3% ». Cette substitution devrait permettre au pays d’économiser un milliard d’euros par an au budget en intérêt, soit 0,6% du PIB. Cette obligation représente près de 20% du PIB de l’Irlande (400 milliards à l’échelle de la France). En clair, la BCE vient de monétiser en toute discrétion près d’un cinquième de la dette du pays…
L’arbitraire le dispute au despotisme dans l’UE
Il est hallucinant qu’un accord sur une telle somme (un quart du « plan de sauvetage » du pays, plus que l’ensemble du plan chypriote) se soit décidé de la sorte, dans un désintérêt relatif des médias, et sans la moindre consultation des dirigeants européens. De la sorte, comme le note le site wikistrike, la BCE a clairement outrepassé son mandat et violé l’article 123 du traité de Lisbonne. Bref, pour les eurocrates, le respect du droit, c’est uniquement quand cela les arrange.
Cela est grave car, in fine, ce sont les peuples européens qui sont garants de la BCE. Quand elle accorde un prêt de 30 milliards à l’Irlande, la France est engagée à hauteur de 6 milliards puisque nous représentons 20% du PIB de la zone. Ce qui signifie aussi que les banksters de Francfort nous ont engagés à hauteur de 200 milliards (la bagatelle de 3 000 euros par Français) quand ils ont prêté 1000 milliards aux banques fin 2011 / début 2012, de manière totalement irresponsable.
Pendant ce temps, comme le rapporte Challenges, les eurocrates viennent de mettre la France à l’amende à hauteur de 8 à 9 milliards d’euros (rien que cela !) pour des taxes non conformes au droit européen. Jean-Pierre Gérard s’en était ému sur le site de Debout la République. L’UE est devenue un monstre technocratique qui décide de manière totalement arbitraire et despotique de sommes absolument colossales, parfois même au mépris des règles européennes !
Il y a vraiment quelque chose de pourri dans cette UE prête à tout pour se sauver, y compris violer les traités et faire tourner la planche à billets. Cet accord démontre aussi à nouveau le scandale de l’indépendance des banques centrales, qui leur permet de faire n’importe quoi de manière totalement irresponsable.
Laurent Pinsolle
Membre du Bureau national de DLR
Délégué national à l’Équilibre des Comptes publics et au Patriotisme économique