La récente émission CASH INVESTIGATION a cité le chiffre de 400 milliards d’euros annuels de valorisation des données personnelles pour l’Union Européenne (2019), entre autres par la collecte et les traitements ciblés des GAFAM et des intermédiaires dit Data brokers. Ceci signifierait donc, en ratio de population, minimisé car nous sommes plus numérisés que d’autres pays communautaires, que ce marché représenterait un minimum de 60 milliards d’euros pour les données personnelles des Français.
L’UDECAM (Union Des Entreprises de Conseil et Achat Média), qui représente les agences de conseil média, évaluait à 6 milliards le montant annuel des publicités digitales. Le reste réside principalement dans l’utilisation directe de ces mêmes services des GAFAM ou des Data brokers, sans médiateurs experts, pour avoir des publicités ciblées en direct pour les entreprises, associations ou encore auto-entrepreneurs pour des activités telles que le drop-shipping.
Moteur d’existence ou de croissance des startups, des plus grandes sociétés astreintes à ces offres packagées pour atteindre le consommateur idéal, ces services sont devenus inévitables, le cœur du moyen d’atteindre le prospect et le client dans son temps d’intimité, de pause, au moment optimum de son état de santé, de psychologie, de finance même …
Par nos appareils (PC portables, smartphones, tablettes, cartes de paiement, cartes vitales nous révèle le reportage, …), par nos connexions, installations d’applications, utilisations de celles-ci, géolocalisations, commentaires, navigations, consultations, même rédactions sur nos tableurs ou traitements de texte, nos mails, tous supports oraux, écrits, nous sommes très finement modélisés : nos informations les plus intimes statiques (genre, passions, état civil, …) et dynamiques (pratiques, humeurs, événements de la vie, dépenses, centres d’intérêts du moment…), toutes ces informations sont monnayables pour s’adresser à nous, au bon moment, pour nous vendre des biens et des services par profilage dit prédictif.
Tout est dit. Tout est installé. Tout est vérifiable même et ce par des outils en ligne qui analysent les flux remontés à ces acteurs et autorisés par les collecteurs très majoritairement sans notre “plein” consentement averti.
Nos données sont livrées en pâture, récupérées, monnayées par des tiers étrangers.
Qu’est-ce qu’une nation, si ce n’est son patrimoine humain matériel et immatériel, son patrimoine physique : nos livres sont scannés et mis en ligne comme nos archives, nos données
Pour DEBOUT LA FRANCE, ce sujet éminemment politique, doit être adressé par des mesures à la hauteur et pragmatiques :
Créer un Référentiel des Données Intimes étendu, gouverné par l’État français mais non détenu par lui-même, hébergé chez des acteurs totalement indépendants des GAFAM et tiers de confiance protégés (sécurité, prise d’intérêt et pas de rachat de ces structures par un acteur sensible).
Faire que l’IA opérant sur nos données françaises soit le plus possible indépendante des mêmes GAFAM et sociétés non françaises si possible ou du moins que les données soit pseudonymisées (terme attaché au RGPD) par le biais de l’État si recours à celles-ci.
Valoriser des données choisies et gouvernées, qu’elles soient monnayées par contentement explicite du citoyen le cas échéant et par l’exposition de composants standards de l’État français (des APIs pour être clair) comme taxe d’accès des tiers et ce, au bénéfice indirect des citoyens.
Faire que le citoyen français soit donc réellement sollicité explicitement, avec un véritable accord juridique entre nous, personne physique, et l’État.
Faire en sorte que les GAFAM, les data brokers collecteurs des données des français signent une charte avec l’État français en dehors des recours des sociétés privées en direct.
Imposer que les services sensibles intéressés et qui ont, à date, accès à nos données de santé, professionnelles, sportives, relationnelles soient référencés, contrôlés, empêchés le cas échéant.
Protéger les grands domaines régaliens de l’État et insuffler une réflexion de fond avec des arbitrages opérationnels quant à la concurrence des GAFAM et consorts sur les services de base (enseignement scolaire, universitaire, formation professionnelle, santé prédictive et corrective, transports, défense, communication, tout est touché et … menacé).
Il est fondamental de replacer l’État français comme un acteur responsable, protecteur et médiateur sur ces services numériques maintenant installés.
Sans compréhension de toutes les chaînes de l’État de cette mondialisation totale des mises en relation marketing et de vente des biens et des services, ce sont des pans entiers de patrimoines matériels et immatériels de la France qui sont dilapidés, volés avec un état amoindri. Amoindri veut dire que son pouvoir régalien diminue dans son rôle de maîtrise et de pilotage de notre pays, de ses infrastructures et des services aux citoyens ainsi, peu à peu tous privatisés à des acteurs mondialisés.
Notre état aurait encore le pouvoir législatif le différentiant de l’UE pour stopper l’hémorragie numérique et pour construire un e-état du XXIème siècle, acteur mondial reconnu, autonome, innovant, donnant sens à la communauté culturelle et sociale des citoyens qu’il héberge, nous.
Lionel Mazurié
Délégué national au Numérique