Au début de ma carrière dans la recherche, je me souviens de la recommandation que m’avait faite un de mes premiers patrons : avant d’inventer quoique ce soit, commence donc par regarder chez les autres. Cette manière de procéder devrait inciter nos politiques à se montrer plus modestes et les pousser à se renseigner sur ce qui se passe ailleurs. Le microcosme parisien croit qu’il suffit de dire “on ferme les frontières“. Cela jamais empêché les infiltrations au travers des vastes étendues qui les séparent chaque point de passage. Comment faire ? La Suisse le fait depuis des siècles et c’est un pays démocratique.
En suisse depuis 1848, le pouvoir étatique est réparti entre la Confédération, les cantons et les communes. La Suisse qui comporte quatre langues nationales, une grande diversité géographique, des populations aux caractères et coutumes différentes, elle se caractérise par une étonnante cohésion nationale où la gestion de la population se fait sans heurt. Cherchez l’erreur.
Les différentes compétences sont reparties conformément au principe de subsidiarité. Selon ce principe, la responsabilité d’une action publique est du domaine de compétence de la plus petite entité, c’est-à-dire la commune. Les tâches qui excèdent ses possibilités incombent au canton. Ce qui excède les possibilités du canton sont définies par la Constitution et dévolues au pouvoir central (politique extérieure et sécurité, douanes et monnaie, législation fédérale, défense). A titre d’exemple, l’éducation et la protection sociale sont de la compétence des communes.
Un recensement annuel et automatique de la population permet aux trois niveaux de l’exécutif de planifier, développer des stratégies et prendre les décisions adéquates. Tout citoyen suisse est tenu de déclarer son arrivée au service de la population de la commune où il souhaite résider et cela sous huit jours. Il doit présenter un titre de propriété, un bail ou une attestation d’hébergement. Une procédure analogue est exigée pour les étrangers (à part les touristes) munis des autorisations d’entrée sur le territoire. Les victimes de persécutions peuvent elles, demander l’asile sous réserve d’avoir suivi la procédure en vigueur.
La Suisse comme l’Italie et l’Autriche applique le droit du sang. L’attribution de la nationalité n’y est pas automatique. Quiconque séjourne durablement en Suisse doit s’y intégrer. Cette intégration est comprise comme un processus auquel sont associés la population suisse et les étrangers. Les étrangers bien intégrés peuvent se faire naturaliser. La naturalisation dont les critères sont fixés au niveau de la Confédération, est du ressort de la Commune. Si les personnes voient leur demande d’asile ou de séjour rejetée, elles sont tenues de quitter le territoire volontairement ou sous contrainte. Des aides sont prévues à cet effet.
Les problèmes de gestion de la population suisse sont quasiment identiques à ceux de la France, seule la méthode et les moyens diffèrent. Certains diront que les échelles ne sont pas les mêmes, cela n’a rien à voir. En effet, le traitement des dossiers part du niveau communal, c’est-à-dire au plus près de la population, ce qui en France est exactement l’inverse. La commune est libre d’accepter ou de refuser la présence d’un individu. A partir de ce constat, peu importe la surface du territoire, la longueur et la perméabilité de ses frontières.
La surface de la France Métropolitaine est de 551.500 km2 comparée à la Suisse 41.300km2. La France possède 2913 km de frontières et 3427 km d côtes contre 1882 km de frontières pour la Suisse. Le bon sens montre qu’un contrôle efficace des passages en dehors des postes-frontières est illusoire. En plus des contrôles aux postes-frontières, un système de gestion des populations s’impose et cela au plus près des lieux de séjour, c’est-à-dire la Commune. L’appartenance à une commune précise entraine pour cette dernière une obligation de fournir à son citoyen des moyens de survie au cas où ce dernier viendrait à sombrer dans l’indigence par exemple et quel que soit son lieu de résidence.
La population de la France est évaluée à 67 millions dont peut-être 23% d’étrangers. Celle de la Suisse est de 8 millions dont 24% d’étrangers. On pourrait penser que la présence d’étrangers en Suisse serait plus difficile à gérer qu’en France hors ce qui n’est pas le cas. Le traitement par le bas des cas qui se présentent est sans doute le remède à la lourdeur et à l’inefficacité de la centralisation administrative que l’on constate en France.
Un cas français parmi d’autres semble inextricable, celui de la Guyanne. Là-bas, il est hors de question de contrôler les frontières. En revanche un système analogue à celui de la Suisse, appliqué humainement mais strictement, devrait pouvoir fonctionner et maitriser les flux en provenance des pays limitrophes.
Les militaires ont coutume de traiter les problèmes suivant le schéma : Mission, Terrain, Moyens. La mission étant connue, reste à définir le terrain et ensuite se donner les moyens de notre politique. La Suisse semble avoir traité le problème de la population de manière démocratique, pourquoi ne pas s’en inspirer et entrainer d’autres pays européens notamment ceux d’Europe Centrale déjà conscient des enjeux, à s’y associer.
Claude Gelès
Délégué National aux Nouvelles frontières scientifiques