Le lundi 12 septembre 2022, Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des Outre-mer, s’adressait aux directeurs départementaux de la sécurité publique de la police nationale et aux commandants de groupements de gendarmerie, réunis dans le jardin de l’Hôtel de Beauvau, afin de leur présenter le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère (Lopmi).En novembre 2020,le livre blanc de la sécurité constatant l’érosion des « moyens budgétaires consacrés au fonctionnement des services de sécurité », préconisait de tripler d’ici 2030 les crédits affectés à la sécurité. En annonçant une hausse de 15 milliards sur 5 ans, le projet de Lopmi, semble répondre à cette attente. On peut toutefois s’interroger sur la volonté réelle de concrétiser cette annonce, alors que la hausse annoncée par le projet de loi de finance pour 2023, n’est que de 1,1 milliard.
Le rassemblement du 12 septembre a aussi été l’occasion pour le ministre, de faire part de son mécontentement envers les responsables territoriaux des services en charge de la sécurité du quotidien.
Il a ainsi exigé que la présence des forces de l’ordre sur la voie publique soit « multipliée » en s’étonnant qu’“alors même qu’il y a plus d’effectifs” cette présence soit en baisse (selon les états statistiques et ce qui lui est rapporté par des élus locaux). Il a précisé que la présence sur la voie publique à pied doit être la règle, sans quoi il “n’achèterait plus de nouveaux (véhicules)5008“. Entretenir le contact avec la population est indispensable afin de recueillir des informations utiles sur les problèmes auxquels le public est confronté et y répondre. Mais les services en charge de notre sécurité au quotidien, doivent pouvoir préserver une capacité à intervenir rapidement en tous points de leur ressort (notamment en cas d’appel d’un particulier sur le 17 police secours) alors que nombre d’entre eux sont régulièrement en mesure de constituer une seule patrouille,
Il a également dit vouloir suivre personnellement la situation d’une vingtaine de départements dont les résultats ne sont pas bons, demandant aux préfets d’établir une note hebdomadaire sur les résultats obtenus en matière de lutte contre la délinquance et de présence sur la voie publique. Un retour à la politique du chiffre instaurée il y a quelques années par Nicolas Sarkozy ! Pourtant, à l’expérience, il était apparu qu’une approche focalisée sur les indicateurs chiffrés, mine l’activité policière.
Il est normal que les services rendent compte de leur activité. C’est d’ailleurs le cas à travers une multitude d’outils statistiques régulièrement renseignés. Par contre la stigmatisation des services ayant les moins bons résultats, génère de nombreux effets délétères (temps passé par les responsables d’équipes pour justifier activités/performances, moindre présence en conséquence de ceux-ci avec leurs effectifs sur le terrain, risques d’épuisement et de désengagement professionnel face à des indicateurs ne traduisant pas totalement la réalité de l’activité déployée). On doit en effet souligner que les résultats obtenus en matière de lutte contre la délinquance, ne sont pas uniquement la traduction de l’investissement des fonctionnaires présents. De nombreux éléments influent sur l’efficience d’un service (entre autres : sous-effectif chronique ou ponctuel, évènements culturels/sportifs/manifestations mobilisant les moyens disponibles, contexte socio-économique local)
Le ministre a également regretté que les caméras piétons ne soient pas toujours portées sur le terrain et menacé de sanction les responsables hiérarchiques de policiers ou de gendarmes qu’il verrait à l’avenir non porteurs de cet équipement. Il semble ainsi ignorer que les caméras étant en cours de déploiement, tous les services ne sont pas encore suffisamment dotés pour équiper l’ensemble de leurs effectifs.
Enfin, il a mis en cause des « consignes pas toujours claires » et le « manque d’implication de certains chefs auprès des femmes et des hommes qui servent sous leurs ordres » En mettant ainsi en exergue la responsabilité des chaines hiérarchiques police et gendarmerie comme cause de l’insuffisance des résultats obtenus, il méconnait l’incidence des choix politiques et des décisions auxquelles il a pu lui-même contribuer.
Selon une note de la Cours des comptes de novembre 2021, les effectifs affectés à la Police nationale ont augmenté de 1987 ETP entre 2015 et 2020 (chiffre très inférieur à ceux régulièrement évoqués) alors que les services en charge de la sécurité publique ont connu une baisse continue ( -5265 personnels en 10 ans). Pour la Police Nationale, la moindre visibilité sur la voie publique est donc directement liée au choix de renforcer la Police des étrangers et des transports aériens, des services de Police Judiciaire et certains services spécialisés, au détriment de la sécurité du quotidien.
Le discours du 12 septembre était avant tout une opération de communication, destinée aux médias et au public. Face au sentiment d’insécurité (qui n’en déplaise à certains n’est pas uniquement de l’ordre du fantasme) et à l’accroissement de la violence, le politique veut se montrer ferme et résolu. Il appartient alors aux policiers et aux gendarmes d’obéir sans broncher, en se satisfaisant de quelques annonces qui devraient à terme améliorer un peu leurs conditions de travail.
Cette démarche est caractéristique, de l’absence d’engagement réel de nos gouvernants pour apporter des réponses aux problèmes d’insécurité auxquels sont confrontés nos concitoyens et du peu de considération avec lequel ils traitent depuis des années, policiers et gendarmes.
Loin de cette posture pernicieuse, des solutions existent. Le programme sécurité/ justice de Nicolas Dupont Aignan pour l’élection présidentielle 2022, comportait des propositions concrètes visant notamment, à donner aux forces de l’ordre les moyens matériels et juridiques nécessaires pour assurer leurs missions et à rénover le management de ces effectifs avec la considération que leur engagement mérite.
Bruno Grangé
Délégué National à la Sécurité