La «nation», en tant que concept politique élaboré, n’apparaît que tardivement dans l’histoire (XVIIIème siècle). Chacun sent confusément le lien de cette notion avec l’Etat, la démocratie; un lien puissant mais indéfini. De surcroît c’est un concept suspecté, voire diffamé à gauche, et écarté à droite au prétexte de désuétude (en réalité gênant pour les affaires).
Paradoxalement, la nation est gravée dans un texte sacré de la République, la Déclaration des droits de 1789, inclue dans la Constitution : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation » (art.3). La constitution française substitue au terme de « nation », utilisé par la Constitution de la Terreur (1793), et pour s’en démarquer, celui de « peuple », le principe de la république étant « Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ».
Le livre d’Henri Temple s’attache en premier lieu aux sentiments, ce qui fait que l’on est heureux ou malheureux, et il retrouve une phrase profonde de John Stuart Mill sur le sentiment de nationalité, dont Mill fait découler « le droit souverain d’unir tous les membres de la même nationalité sous le même gouvernement… Car la question du gouvernement doit être décidée par les gouvernés ». Mais l’histoire française, et la tentation autoritaire qu’elle a fait naître, confondent encore trop souvent nation et Etat.
Or, en ces temps de grandes souffrances sociales où nous sommes parvenus, les citoyens souffrent encore plus d’avoir perdu les repères sociologiques qui correspondent avec leur sentiment intime d’identité natio-culturelle. Henri Temple rappelle, sous un angle complètement innovant, les bases objectives du sentiment national : langue, histoire, territoire, religion et/ou valeurs, culture, consensus… Les crises d’identité que traverse tout être humain dans sa vie peuvent se transformer en conflits d’identité pour certains migrants ou pour les peuples autochtones, lorsque l’être humain souffre à la soudure de son « soi» et de son « nous ». Pour parler comme l’écrivain Mohsin Hamid, l’immigrant (mais cela vaut aussi pour l’aborigène confronté à une immigration de masse) est un oxymoron, un hybride, qui souffre de son hybridation forcée.
C’est bien la première fois que, sondant les premiers résultats des toutes nouvelles recherches en neurosciences sociales, un auteur tisse un tel lien et en suit les prolongements sociologiques, économiques, sociaux et politiques.
C’est aussi la première fois que la nation est analysée sous l’angle des droits de l’homme, l’homme souffrant de son identité malheureuse. Et la première fois que l’on extrapole du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le « principe sociologique de précaution », le tout fondant le droit démocratique de la majorité de débattre et de voter sur son identité culturelle, et sur la maîtrise des flux migratoires.
Mais l’apport le plus fécond, le plus nouveau, et le plus puissant du livre d’Henri Temple, c’est l’organisation de sa réflexion en une « Théorie générale de la nation » couvrant tous les aspects de la nation, ses réalités et ses nécessités, dans une suite logique de faits et de conséquences qui inclut la solidarité nationale, elle-même nécessairement dépendante de la solidité de l’économie nationale. Cette théorie générale, répond à un vide béant étonnamment, depuis les origines, au cœur même de la philosophie politique.
L’économie nationale échappe désormais, du fait du diktat des lobbys relayés par leurs hommes de paille, aux libres choix, apanage, pourtant des souverainetés nationales et populaires. Pour paraphraser les phrases impérissables de Marc Bloch, en 1940 : « Nous subissons une incroyable défaite. A qui la faute ?… La cause directe […] fut l’incapacité du commandement ». Or voici à nouveau une incroyable défaite de la nation, elle aussi due à l’incompétence ou la compromission du commandement politique, en matière économique, sociale, migratoire…Et nos Munich se jouent désormais à Bruxelles (droit et politique), Washington (armées), Genève (commerce mondial) et New York ( finance).
Magnifiquement préfacée par le Pr.Gérard Lafay, un des plus grands économistes français, qui souligne avec pertinence la force de sa démonstration, l’œuvre d’Henri Temple redonnera un espoir de résurrection nationale à la jeunesse de notre pays, qui, tôt ou tard, renversera l’ordre ancien qui s’effondre sous nos yeux. Bientôt la liberté, l’égalité et la fraternité…Bientôt la joie et la fierté d’être Français. La certitude d’un emploi et d’une vie dignes. Le droit de décider pour soi et pour son avenir. Bientôt la Nation. Enfin un idéal ? Il ne manquait que ce livre pour le mettre en oeuvre.
Eric Anceau,
Délégué national à l’assimilation et à la cohésion nationale