La France entière attendait avec impatience la parution du journal « le Monde » qui allait nous dévoiler, par la voix du Ministre de l’Intérieur, la teneur de la Grande Réforme sur la sécurité. En ce jeudi de froidure enneigée, de paralysie routière, de léthargie hivernale, les français allaient connaître une lueur d’espérance, la promesse d’un printemps enchanteur, révélées par « nos premiers de cordée » si enclins à nous persuader de l’avènement « d’un monde nouveau » !
La Police de Sécurité au Quotidien allait changer nos vies, rendre la tranquillité à nos concitoyens, reconquérir les « territoires perdus de la République », résoudre tous les problèmes de délinquance et assurer la pérennisation harmonieuse de ce fameux « vivre ensemble » !
Il faut reconnaître que nos attentes ont été comblées. L’article sur une double page, explicité de surcroît par le Ministre en personne le soir même au journal télévisé de 20 heures, a été édifiant de clarté…
Jamais un gouvernement n’a osé se moquer ainsi des Français ! De mémoire je n’ai pas le souvenir, dans quelque domaine que ce soit, d’un tel mépris gouvernemental. Au moins les précédents, qui avaient une certaine expérience de la rhétorique politique, prenaient-ils le soin de « nous embrouiller » dans des circonvolutions oratoires, mais là, pour « des premiers de cordée » je pense qu’ils ont atteint des sommets !
Je ne m’explique pas comment des journalistes dignes de ce nom, qu’ils soient de la presse écrite ou télévisuelle, si prompts à débusquer avec raillerie les « populismes ringards », se soient ainsi faits les complices condescendants du grotesque. On se moque de la présentatrice du journal télévisé Nord-Coréen, mais en sommes-nous si éloignés ?
Cette réforme tant annoncée se résume à la désignation de 30 quartiers « difficiles » avec une prise en compte en septembre pour les quinze premiers, en Janvier 2019 pour les autres. 600 policiers et 500 gendarmes viendront gonfler les effectifs déjà présents ce qui représente 15 à 20 fonctionnaires supplémentaires par site ! Oui, mais ces policiers seront dotés de tablettes numériques ce qui leur permettra de procéder à des contrôles d’identité plus rapides qu’actuellement ! Aux dires du ministre : « les rapports entre policiers et population seront ainsi fluidifiés, apaisés » (sic!). Ils disposeront en outre de caméra-piétons ce qui bien sur dissuadera toute animosité à leur égard ! Plus globalement la co-production de sécurité sera amplifiée car « la PSQ se fera avec les élus ou ne se fera pas » (re-sic) !
Mieux « un continuum police nationale, police municipale et entreprises de sécurité privée se mettra en place – en ce domaine nous ne devons rien nous interdire » (re-re-sic) ! En clair « démerdez-vous ! » (le mot n’est pas faible!), je passe la patate chaude et je dilue mes responsabilités ! Il s’agit du plus spectaculaire désengagement de l’Etat qu’il m’ait été donné de connaître dans le domaine ! Pourtant en 40 ans de police j’ai rencontré bon nombre de « magiciens » de « tartuffes », mais ils avaient au moins la décence de considérer nos capacités de raisonnement et de les circonscrire par une certaine élégance intellectuelle !
En la circonstance, je pense à tous mes anciens collègues, principalement les gardiens de la paix qui œuvraient avec moi justement sur deux des sites retenus à Aulnay-Sous-Bois et Sevran en Seine-Saint-Denis. Je sais ce qu’ils vivent au quotidien, je connais leur loyauté envers la République qu’ils n’aspirent qu’à servir au péril permanent de leur vie. J’ai vu, non pas la difficulté de leur mission, mais l’héroïsme de leur engagement et sincèrement….ils ne méritent pas ça !
J’aurais pu manifester de la colère, de l’emportement, mais cette annonce ministérielle tellement dérisoire, d’une telle platitude, m’a confondu ! Nier à ce point la réalité, ne pas prendre en compte le délitement généralisé de notre société et les enjeux de sécurité qu’il suscite ne mérite même pas le débat.
A Debout la France c’est le sens de l’Etat qui nous anime, de cet Etat qui garantit les liens républicains en prenant en responsabilité toutes ses missions régaliennes. Mesurer à quel point nos annonciateurs « d’un monde nouveau » sont « hors sol » voire « hors planète » est plus que pathétique, c’est désespérant…