La réforme du collège prévue par la ministre Najat Vallaud-Belkacem pour la rentrée 2016 ne doit pas passer. Au nom d’une égalité républicaine et d’une pédagogie active qui ne trompent personne tant elles sont démagogiques, idéologiques et destinées à masquer la chute du niveau, ce qui fonctionnait encore est détruit, des disciplines sont menacées dans leur existence même et d’autres vidées de leur contenu. Triomphe ici le principe du plus petit dénominateur commun qui tire l’ensemble de notre système scolaire vers le bas au détriment de tous les principes républicains et de toute l’histoire scolaire de notre pays depuis un siècle et demi !
– La réforme du collège met fin aux parcours spécifiques, notamment les sections européennes, en prétendant que désormais tous les enfants auront accès à des classes bi-langues. Le dispositif des classes internationales a pourtant fait ses preuves et constitue l’une des plus belles réussites des dernières années, y compris dans les zones d’éducation prioritaire, y compris et surtout pour les enfants des milieux modestes dont ces classes constituent l’élément déterminant de l’ascenseur social. Etant moi-même au cœur du dispositif, j’aurais ici des centaines d’exemples à donner ! A l’inverse, faire apprendre une deuxième langue à un jeune qui ne maîtrise déjà pas le français est socialement irresponsable et, pour le coup, aboutira à cette reproduction sociale dénoncée jadis de façon outrée par Pierre Bourdieu et que l’on prétend ici combattre. Une fuite des élèves vers le privé pour ceux qui le peuvent est inévitable !
Le renforcement de l’inégalité entre les territoires et les établissements résultera mécaniquement de cette réforme alors que le ministère communique précisément à l’inverse. Je donne ici rendez-vous à chacun dans cinq ans, si la réforme est appliquée, pour en mesurer les effets ! Enfin, le choix des deux langues se portera par défaut sur l’anglais et l’espagnol (à la rigueur dans des endroits spécifiques sur l’arabe), au détriment de toutes les autres langues, l’allemand très mal en point est par exemple condamné à disparaître de nos collèges. Et on se dit européen ?
– La réforme fait de l’interdisciplinarité l’un de ses maîtres-mots. Elle prévoit que chaque établissement décidera de 20 % de son emploi du temps pour du travail en petits groupes, de l'accompagnement personnalisé pour tous les élèves et de nouveaux "enseignements pratiques interdisciplinaires" (EPI) à partir de la 5e. Il s’agit selon la ministre de briser "l'ennui des élèves" en mêlant sous forme ludique les enseignements, sans objectifs d'apprentissage clairement définis. Nous sommes bien loin, là aussi et de l’égalité républicaine et de la méritocratie républicaine, et nous nous dirigeons vers le « collège à la carte ».
– Les nouveaux programmes proposés par le Conseil supérieur des programmes et désormais rendus publics seront très allégés du CP à la 3e, reposant sur des objectifs de "connaissances et de compétences" à atteindre par cycle de trois ans plutôt que par année. Présentés comme "plus simples et plus lisibles", ils sont surtout simplistes, vagues, voire incompréhensibles, enrobés qu’ils sont d’une novlangue pédagogiste. Cela ferait rire s’il ne fallait pas plutôt pleurer, du moins si on se préoccupe de l’avenir de notre pays et de nos jeunes. Les collégiens devront ainsi "produire des messages à l'oral et à l'écrit" en histoire-géographie (comprendre faire des exposés et des dissertations), ou "traverser l'eau en équilibre horizontal par immersion prolongée de la tête" dans un "milieu aquatique profond standardisé" en EPS (autrement dit "nager dans une piscine"). Il s’agit, on l’a bien compris, de masquer ce qui fâche sous un vocable pseudo-scientifique.
– Pour me limiter à un exemple, prenons le programme d’histoire de 5e censé balayer les trois quarts du Moyen Age et les deux tiers de l’époque moderne soit mille ans de l’histoire mondiale. Le programme se réduit à… trois thèmes, soit un par trimestre. Le seul chapitre obligatoire du premier thème est l’Islam. Il ne s’agit certes ni de nier l’importance historique de la civilisation musulmane, ni évidemment la nécessité, aujourd’hui, de la bien connaître. Chacun conviendra néanmoins qu’il s’agit là d’une vision pour le moins réductrice de l’histoire.
– Les langues anciennes, le latin et le grec, ne seront plus une option, mais seront enseignées au milieu d’un "enseignement pratique interdisciplinaire" (EPI) Langues et cultures de l'Antiquité et en "enseignement de complément". En d’autres termes, ce n’est plus la langue elle-même qui sera apprise, mais la civilisation grecque et la civilisation latine dont la langue ne constitue plus qu’un élément introduit à dose homéopathique (l’alphabet grec et les déclinaisons latines comme matériaux archéologiques pittoresques observés sous verre).
Sont mobilisés depuis quelques jours les associations disciplinaires, des intellectuels inquiets, la quasi-totalité des syndicats, y compris à gauche, représentant plus de 80 % des enseignants syndiqués à la seule exception de quelques syndicats-maison et/ou ultra-pédagogistes qui travaillent main dans la main avec le gouvernement, et même des personnalités politiques de tous bords, dans un bel élan trans-partisan (ancien professeur d’allemand, Jean-Marc Ayrault pourtant très discret depuis qu’il a quitté Matignon est lui-même monté au créneau avec l’ensemble du groupe parlementaire d’amitié France-Allemagne et les parlementaires des départements frontaliers).
DLF s’associe à toute initiative visant à faire reculer le gouvernement sur cette réforme qui met en péril l’avenir de nos enfants et celui de la nation.
Eric Anceau, responsable du projet pour la France et délégué national à la Cohésion nationale