Sans rapport avec la catastrophe sanitaire du Covid-19, il s’est produit mardi 5 mai 2020 un coup de théâtre européen. La cour constitutionnelle allemande, hébergée à Karlsruhe, a rendu un arrêt provocateur dont les conséquences politiques pourraient bien déboucher à minima sur une nouvelle crise de la dette dans la zone euro. Il s’agit d’un bras de fer juridique entre la cour de Karlsruhe et la Cour de justice européenne CJUE. Fin 2018, la CJUE avait validé juridiquement le programme de rachat massif des titres obligataires des états par la BCE (ou plans d’assouplissements monétaires, PSPP en anglais). Ce programme d’environ 2 600 milliards d’euros opérés entre mars 2015 et décembre 2018, fut impulsé d’urgence par Mario Draghi ancien président de la BCE, afin d’éviter la dislocation de la zone euro et une déflation des prix. Le recours au PSPP comme solution anti-crise est en effet régulièrement perçu en Allemagne comme un financement illégal du train de vie des Etats du sud de l’Europe.
Ainsi les juges de la cour suprême allemande réclament des comptes à la BCE en lançant un ultimatum de trois mois au Conseil des gouverneurs de la BCE pour justifier que ses rachats de dette dans le cadre du PSPP étaient équilibrés entre les objectifs de politiques monétaires de stabilité de l’euro et les conséquences budgétaires de celle-ci. En d’autres termes, la BCE doit démontrer qu’elle n’enfreignait pas l’interdiction du financement monétaire des Etats, prévu par l’article 123 du TFUE ( traité sur le fonctionnement de l’UE). Toutefois cet arrêt rendu mardi ne concerne pas le programme d’urgence contre la pandémie du coronavirus (PEPP) de 750 milliards d’euros annoncé mi-mars par Madame Lagarde.
Par cet artifice politique déguisé en décision de justice, l’Allemagne remet carrément en cause toute l’architecture de l’UE, tant le droit de la BCE de racheter de la dette publique des Etats que le principe même de primauté du droit européen sur le droit national. Cette dérive suprématiste allemande est la résultante de l’héritage de la Bundesbank et des allemands toujours traumatisés par l’hyperinflation des années 1920 durant la République de Weimar. Nul doute que les dirigeants allemands Merkel (Chancelière), Scholz (ministre allemand des finances), Weidmann (Président de la Bundesbank) seront quasi-unanimes pour faire pression par un « blitzkrieg économique » sur les pays déficitaires et imposer en particulier à l’Italie voire à la France, les mesures contraignantes du Mécanisme Européen de Stabilité (MES). La manœuvre politique contre les pays du sud (Italie, Espagne, France,…) est claire à qui sait décrypter: c’est le choix entre le MES ou la sortie de l’euro. L’Allemagne prend ainsi l’initiative d’une crise obligataire et à terme la responsabilité d’une implosion de la ZE, de l’euro et in fine de l’UE. Cela démontre une fois encore que la solidarité européenne est un mythe depuis plus de 25 ans.
Dans le même temps toutes Banques Centrales nationales en occident, la FED aux Etats-Unis, la BoJ au Japon, la BoE au Royaume-Uni s’engagent à des rachats de dettes « sans limites » pour endiguer l’épouvantable récession économique actuelle.
Quant à la France, soumise au diktat de l’UE et de l’Allemagne par son chef d’état E. Macron, est hors du jeu politique européen. Les intérêts fondamentaux de l’économie française, incompatibles avec l’Allemagne, sont en graves dangers.
La zone euro est à la veille d’une nouvelle crise des dettes publiques. Par conséquent, deux solutions raisonnables se présentent maintenant aux 19 chefs d’états membres de la zone euro :
- – Renégocier le traité de Lisbonne pour autoriser librement la BCE à racheter les dettes des états, avec une probabilité infime d’aboutir, au regard de la règle du vote à l’unanimité et surtout du refus de l’Allemagne.
- – Ouvrir une concertation entre les pays fondateurs de l’UE pour obtenir un accord intergouvernemental de démontage coordonné de l’euro monnaie unique et ainsi rebâtir un nouveau Système Monétaire Européen basé sur les devises nationales.
Plus que jamais il est impératif que la France affirme sa légitimité politique face à l’influence allemande sur l’Union européenne. De plus, il est essentiel que le parlement français s’empare du débat démocratique sur le mode de refinancement de notre état.
Contre l’effondrement évident de notre économie, le projet de patriotisme économique de Debout la France est simple, efficace et démocratique pour réarmer notre nation grâce à un « plan de renflouement de la France ». Ce plan d’un montant de 200 milliards d’euros minimum sera refinancé par la politique monétaire du duo BCE et Banque de France.
N’en déplaise à l’Allemagne, la France doit reprendre son indépendance. Nécessité fait loi !
Nicolas Dupont-Aignan Député de l’Essonne Président de Debout la France |
Bernard Monot Ancien Député européen Stratégiste économique |