Il existe de nombreuses façons de s’automutiler voire de se suicider, la France est bien placée parmi les nations pour son expertise en la matière. Le magnifique programme de transfert de technologies a conduit à doter nos concurrents de moyens considérables et les transformer en adversaires industriels et commerciaux redoutables, pour ne citer que Airbus en Chine, Alstom aux USA, l’industrie automobile, les uniformes de l’Armée, les munitions, et tous ces produits qui nous reviennent fabriqués par d’autres. Alors que nous étions un exportateur de poulets, nous voilà désormais importateur “ils nous vendront même la corde pour les pendre“ disait Lénine. Nous avons fait mieux, nous leur avons donné la corde !
A la sortie du dernier conflit mondial et faisant suite à la conférence “Atom for Peace“ on créa en 1953, le CERN à Genève pour faire revenir les scientifiques éparpillés du fait de la guerre. La convention du CERN fut ratifiée par les parlements de 12 Etats Membres en 1954. Depuis lors le CERN, dont la France fut l’un des courageux fondateurs, n’a cessé d’empiler les succès tant scientifiques que techniques. Longue en est la liste, dans le domaine de la recherche pure et appliquée : les bosons par Carlo Rubbia et Peter Higgs, les chambres proportionnelles par Georges Charpak, le Web par Tim Berners-Lee et Robert Cailliau. De surcroit, les techniques appliquées ont amené des retombées significatives dans le domaine de l’imagerie et des thérapies médicales.
Le CERN a été fondé côté Suisse sur sa frontière avec la France. Il a eu dans les années 60, à déborder sur la France pour la construction des ISR (Intersecting Storage Ring) suivi en 1976 par le SPS
(Super Proton Synchrotron) de 7 kilomètres de circonférence, suivi en 1989 du LEP (Large Electron Positron) de 27 km transformé en 1989 en un LHC (Large Hadron Collider). Le CERN devenu le plus grand laboratoire du Monde, compte aujourd’hui 24 Etats Membres, 10 Etats Associés et 27 Etats Observateurs. Avec ses 2600 titulaires, le CERN met à disposition de plus de 16000 scientifiques du monde entier, des installations à la pointe du progrès. La France comme la Suisse bénéficie d’une opportunité d’emploi de main d’œuvre locale inespérée, contribuant significativement au développement de la région.
La physique doit poursuivre ses recherches, pour cela une nouvelle machine, le FCC* (Futur Collisionneur Circulaire) est en projet. Il aura une circonférence de 90,7 kilomètres à une profondeur de 200 mètres. Il sera donc presque totalement invisible à part 8 sites en surface dont 7 en France et 1 en Suisse. La construction devrait débuter en 2030 pour une mise en service en 2040. Nul doute que cette construction apportera comme d’habitude, de magnifiques et inattendues retombées sur les plans scientifiques, techniques et économiques pour des décennies à venir. Il en a déjà été ainsi avec tous les projets précédents et cela malgré l’opposition et les manifestations de farfelus qui prédisaient une disparition de notre monde dans des trous noirs provoqués par les physiciens.
Le FCC s’il est adopté par les états membres du CERN, donnera l’occasion d’explorer de nouveaux domaines de l’Univers et engendrera des procédés révolutionnaires y compris dans ceux de la construction et de la préservation de notre environnement. Il donnera ainsi une impulsion gigantesque à l’industrie et à l’économie locale. Un des grands reproches avancés par les opposants, est une surconsommation électrique. Paradoxalement, cet argument plaide en faveur du projet, car le CERN parfaitement conscient de ce problème, va sans aucun doute développer des technologies tellement innovantes en matière d’économie d’énergie, qu’elles bénéficieront à l’humanité toute entière. A titre d’exemple, pour diminuer la consommation d’énergie de la future installation, le CERN a un grand programme de R&D pour la réalisation de supraconducteurs à haute température, technologie qui apportera certainement des avancées spectaculaires en matière de consommation et de transport de l’électricité.
Au cas où les opposants à qui l’on doit en partie, la destruction de notre tissu industriel, auraient gain de cause, le monde occidental verrait le projet chinois concurrent se réaliser, forçant ainsi l’ensemble de la physique moderne à se déplacer vers l’Empire du Milieu avec les conséquences que l’on connait déjà. La Chine l’a si bien compris, qu’elle a augmenté son investissement dans la recherche de plus de 8% en 2024 et va continuer à l’augmenter. Nous avons un exemple avec le départ d’un de nos prix Nobel à qui la Chine vient d’offrir une magnifique opportunité de travail. Ainsi, après la délocalisation industrielle, vient la délocalisation intellectuelle et de la recherche.
Que va-t-il nous rester ? Il serait temps de réagir.