Alors que l’État a confié à des acteurs privés la gestion des rendez-vous des vaccinodromes de la crise de la Covid, que la Plateforme des Données de Santé des Français (le Health Data Hub) a levé des interrogations et des critiques sur son hébergement en nuage et que l’AP-HP a écarté la société Palantir Technologies et ses offres de Big Data au début de la pandémie, Debout la France souhaite se prononcer ici sur 6 points liés à la mondialisation médicale. Ces points abordent des sujets préoccupants beaucoup plus visibles du fait de la crise sanitaire. Celle-ci a, en effet, accéléré le processus de digitalisation, de la dématérialisation des actes médicaux à la télémédecine de ville en particulier.
-1- L’État plateforme du modèle dit à “l’estonienne” a ses limites si tout est sous-traité par des entreprises privées. La France n’a plus, et le fait est installé, la volonté et l’entrain à dominer avec ses outils les services de dématérialisation qui manipulent des données souveraines (identité, santé, patrimoine, propriété, mobilité, diplômes, …). Ces données risquent de glisser vers des systèmes tiers, ceux de l’UE, voire même privés, car adoptés par l’usage. Dès lors, une identité d’un “GAFAM” peut-elle être acceptée comme étant un élément de sécurité infalsifiable afin de prouver son identité pour un vol aérien en remplacement d’un support d’identité nationale ? Sans doute que oui. L’exécutif se repose maintenant sur des collèges d’experts et des conseils scientifiques. Dans les faits, leurs analyses, préconisations et actions aboutissent souvent à un abandon de la mise en œuvre qui profite à des acteurs non français ou d’apparence française, plus incisifs commercialement et surtout pratiquant du lobbying décomplexé.
-2- L’État doit conserver des services souverains et ce, avec une longueur d’avance de réflexion et de planification contrairement à la précipitation qui a conduit l’Assurance Maladie et les ARS à faire appel à des plateformes privées pour la gestion des rendez-vous de vaccination Covid-19 dans les centres dédiés. “Plus de 350 000 rendez-vous de vaccination sont réservés chaque jour sur Doctolib” nous dit le site de la Licorne française utilisé par 140 000 professionnels de Santé (Le Parisien). L’État doit posséder des infrastructures propres (hard et soft). Il faut une tour de contrôle, une tour d’ivoire des données personnelles des Français, qui détiendra, entre autres facettes, les données de santé, clé de voute de notre souveraineté numérique (française).
-3- Les données individuelles et collectives de santé des français sont ainsi un des patrimoines cruciaux à la fois matériel (l’ADN, une empreinte, une morphologie) et immatériel (historique des pathologies et des événements associés) qui est à traiter avec le plus grand soin pour des données transitant, comme un don candide de l’État, par un certain nombre de sociétés privées et plus spécifiquement dans le Health Data Hub qui en sera le cœur avec l’Espace Numérique de Santé (dossiers Médicaux). Ces données sont à préserver des traitements en masse effectués par les acteurs du Big Data qui permettront de “noter”, classer, modéliser notre avatar individuel, simulation de notre individualité même la plus intime et inconnue de nous, afin de nous vendre des services ciblés à la carte de leurs partenaires. Les données doivent être plus que pseudonymisées (terme lié à la RGPD) et ainsi anonymisées pour que la France continue à participer, à tirer parti, entre autres, des analyses épidémiologiques ou thérapeutiques mondiales, car contributrice.
-4- A l’image du problème d’hébergement des données de la Plateforme des Données de Santé-Health Data Hub, chez Microsoft Azur avec le spectre du Cloud Act, les données des prestataires privés en jeu (dont des acteurs français soumis au RGPD) sont massivement hébergées par d’autres acteurs de cloud américain, comme Amazon AWS ou Google GCP. Leurs données sont en général chiffrées avec des clés détenues chez un autre acteur et par eux-mêmes pour assurer leur sécurité. Il conviendrait de privilégier, politiquement et commercialement, des acteurs nationaux d’hébergement qui puissent accéder à la même puissance de services d’IA ou de calculs que les leaders mondiaux.
-5- Comment protéger les acteurs privés de la télémédecine française, les start-up en particulier, d’un rachat étranger ? Aurait-on des levées de bouclier tel que ce fut le cas pour l’acquisition de la société PHOTONIS (lunettes de vision nocturne pour l’armée) ? Sur bien d’autres sujets que la santé, notre industrie reste menacée comme par la récente offensive allemande sur des leaderships de conception du nouvel appareil avec DASSAULT AVIATION dans le Programme SCAF …
-6- Alors que l’illectronisme reste fort dans notre pays, 45 millions de français ont déjà utilisé ou ont été enregistrés dans des moyens digitaux de prise de rendez-vous. De ce fait, il n’y a qu’un pas pour que, sous couvert de pénurie de services médicaux, les plateformes se branchent sur des téléconsultations étrangères pour des diminutions de coût, induisant ainsi, de façon opportune, une participation moindre de l’Assurance Maladie en échange d’une haute disponibilité de téléservices …
Demain, et le phénomène est mondial, des sociétés étrangères ouvriront des centres de télémédecine avec des équipements des plus hautes technologies que nos hôpitaux (publics) ne pourront même plus se payer : scanners, IRM, systèmes de télé-chirurgie. Ces centres avec seulement des emplois peu qualifiés d’accueil, sans médecins et professionnels locaux, seront les relais d’une interaction entre l’usager, le patient et une machine ou un médecin distants. Ces établissements posséderont une Intelligence Artificielle de traduction multilingue orale instantanée et les actes médicaux seront réalisés par des professionnels agissant à des milliers de kilomètres. Ce n’est pas une fiction.
Deviendrons-nous alors un territoire colonisé numériquement, sous-développé en fourniture technologique, simple État-client de services devenus totalement étrangers en termes de techniques, de savoirs, d’accès aux données de référence si précieuses, de compétences ?
Les données de santé agrégées et personnelles, complétées des données ADN (aujourd’hui hors domaine médical mais plutôt “ludico-généalogique”) seront des moyens de régler le curseur sur les assurances à la carte, nouvel eldorado mondial. Il est donc urgent et nécessaire de protéger, avec un plus grand soin, le patrimoine individuel, matériel et immatériel, de nos concitoyens. C’est le rôle de l’État de se mobiliser contre les convoitises hors continent et même, au sens de Debout la France, contre la volonté de centralisation des données par la Commission Européenne pour tous les états membres. Cette même UE qui favorise les acteurs étasuniens sans faire émerger ou supporter pour réussir à minima, avec motivation et nécessité, des projets locaux viables de coopérations entre nations. Quand il s’agit d’un consortium pour construire un cloud rival aux trois géants américains, les parties prenantes européennes devraient s’assurer du fait d’éviter le recours systématique à des sociétés américaines pour les applications et projets communautaires alors que des pans entiers de services sont livrés aux GAFAMI.
La privatisation totale du secteur de la santé est en marche, en préparation et indéniablement même bien avancée …
Lionel Mazurié
Délégué National au Numérique