DLR redit son opposition aux positions diplomatiques que vient de prendre la France après le referendum de Crimée. M.Fabius, en effet, a estimé dimanche soir que « le referendum qui s’est tenu en Crimée… est illégal ». L’Occident invoque souvent le droit, et tente de donner des leçons aux Russes qui en seront offusqués. Bref on rajoute des problèmes aux problèmes au lieu de tenter de trouver les solutions des problèmes par un dialogue, dans le cadre d’un groupe de contact. C'est-à-dire le contraire que M. Hollande avait indiqué dans son communiqué du 8 mars : « l’importance de poursuivre la coordination actuelle entre les positions de l’UE et des Etats-Unis… ».
Que l’on ne se méprenne pas : il ne s’agit nullement ici d’absoudre ni Poutine, ni Ianoukovitch. L’un comme l’autre ont commis des atteintes au droit et aux libertés. Et la crise d’Ukraine n’en est qu’un révélateur. Mais l’Europe et les USA, la France, sont-ils bien placés pour s’ériger en parangons de morale et de droit ? La guerre en ex Yougoslavie, l’ablation du Kosovo, l’Irak, sont autant de fautes occidentales, ce que ne manque pas de relever Poutine. Quand à la crise ukrainienne, qui ne sait, désormais, la part qu’y on pris les agents occidentaux (américains, polonais, allemands, lituaniens, géorgiens), sur la Place Maïdan et dans le renversement et la fuite de Ianoukovitch, pourtant légalement élu. Qui, alors, n’a pas dit le droit ? Et qualifié ce coup d’Etat pour ce qu’il est ? Quant à l’argument de droit constitutionnel ukrainien appelé au secours par les légistes il pèse certes, mais pas suffisamment pour s’opposer aux arguments des Juristes qui mettent le Droit en exergue. Certes, encore, les circonstances, la forme, militent contre la démonstration de force militaire russe: faire voter, à la hâte, sans contrôle international et sous le regard de troupes d’invasion, n’est pas la conception que l’on doit se faire de l’état de droit. Mais, sur le fond du Droit on ne peut guère contester la légitimité de la position russe : d’abord gréco romaine des origines préchrétiennes jusqu’ à l’invasion turque à la fin du XVème siècle la Crimée est devenue russe en 1774 après à peine 3 siècles d’occupation.
Elle n’a été rattachée artificiellement à l’Ukraine qu’en 1954 par une commodité administrative, sans grande importance du fait de l’unité soviétique. En 1991 l’URSS s’auto dissout et cette commodité devient alors une incongruité. A leur façon certes très peu subtile, le Russes n’ont fait que réunifier Russie et Crimée. Plus fort que le droit de feue la constitution ukrainienne, calcinée place Maïdan sous l’œil des européens qui y avaient entretenu l’incendie, il y a le Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce droit de l’Homme à être reconnu comme nation, ou comme l’écrivit Stuart Mill à « unir tous les membres d’une nationalité sous le même gouvernement ».est affirmé par la Pacte des nations Unies (art.1). Les Juristes sont toujours plus profonds que les légistes, simples techniciens de la forme légale et de l’instant. Aussi était il mal avisé, de la part des hérauts de la démocratie occidentale, d’inciter les minorités tatars et ukrainiennes de Crimée à ne pas aller voter. Fut ce pour se compter. Il demeurera, dés lors, de vrais problèmes sérieux à scruter, eux, avec attention, compétence, clairvoyance, réalisme mais fermeté: le sort des minorités en Crimée, l’évolution de la situation à Donietsk et à Kharkiv, les revanches possibles des Russes contre l’Ukraine.
Car la crise ukrainienne pourrait devenir autrement plus grave que pour l’épisode criméen. Mais la France, plus encore que l’Europe, s’est déjà fourvoyée dans ses déclarations bellicistes en Syrie, et s’est ainsi déjà, dans l’esprit des Russes qui suivent très majoritairement Poutine, discréditée. Comment la France pourrait-elle encore peser, et préserver sa relation avec ce peuple qui se sacrifia par millions (21) en 1940/45, sauf à s’affranchir nettement des réactions superficielles, épidermiques, court-termistes et mal dosées de nos alliés américains ?
Henri Temple
Membre du Bureau national de DLR
Délégué national à l'Indépendance de la France